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09/03/2007
Questions internationales (1)
Thran avance grand pas vers larme atomique


(MFI) Les ngociations diplomatiques et les calculs stratgiques des grandes puissances autour du programme nuclaire iranien devraient se poursuivre de longs mois. Pendant ce temps-l, Thran continue davancer vers la matrise de latome, mais affirme que son programme est exclusivement civil. La perspective de sanctions conomiques dcides par les Nations unies ne semble gure inquiter le rgime des mollahs.

1 - A quel stade le programme nuclaire iranien en est-il ?

LIran a rejoint le groupe des pays disposant de la technologie nuclaire. Prononce le 11 avril 2006, cette dclaration du prsident Mahmoud Ahmadinejad reflte la ralit, mme si elle visait aussi galvaniser la population. Comme tout programme sensible, les ambitions nuclaires de lIran reclent leur part de secret, mais les sources sont suffisamment nombreuses pour se faire une ide du sujet. Ce programme nuclaire est ancien il remonte lpoque du Shah et de nombreux pays y ont collabor, y compris les Etats-Unis et la France. La rvolution islamique de 1979 a stopp la coopration occidentale. Demeure le soutien de la Chine, de la Russie, du Pakistan et de la Core du Nord.
Le propos enthousiaste de Mahmoud Ahmadinejad correspondait la mise en service dune cascade de 164 centrifugeuses destines enrichir luranium. Une deuxime cascade est entre en fonction quelques mois plus tard. A en croire Ali Larijani, le responsable du programme nuclaire iranien, le pays disposerait de 3000 centrifugeuses, toutes installes Natanz, 200 km au nord-est de Thran. Des centrifugeuses de modle P2 les plus puissantes acquises au Pakistan. En mettant en service des cascades de centrifugeuses, lIran a franchi une tape essentielle vers la fabrication de larme atomique. Cependant, il faudra encore au moins deux ans pour que la quantit obtenue duranium hautement enrichi (UHE) soit suffisante pour la fabrication dune bombe. Ce, condition quil ny ait aucun incident technique, frquent dans ce genre dinstallation, en particulier en Iran , explique Bruno Tertrais, spcialiste des questions nuclaires la Fondation pour la recherche stratgique. Actuellement, luranium enrichi Natanz ne lest qu 5 %, ce qui correspond au combustible dune centrale nuclaire. Pour tre utilis des fins militaires, luranium doit tre enrichi 90 % ; un processus long et difficile.
Paralllement, la Rpublique islamique a repris, en aot 2005, la production dhexafluorure duranium (UF6), un gaz indispensable un programme atomique car il dope lenrichissement duranium. LUF6 sobtient par conversion de poudre duranium naturel, ce quon appelle du yellow cake. LIran a acquis plusieurs dizaines de tonnes de ce yellow cake, notamment auprs du Niger et de lAfrique du Sud, ds la fin des annes quatre-vingt-dix. Les oprations de conversion se droulent dans lusine-pilote dIspahan. Dernier lment : les autorits iraniennes ont approuv la construction dune centrale nuclaire eau lourde de 40 mgawatts dans la ville dArak, destine fabriquer du plutonium qui, lui aussi, peut tre utilis des fins militaires.
Tous ces lments font dire lAgence internationale de lnergie atomique (AIEA), comme lUnion europenne ou aux instituts de recherche spcialiss, que lIran ne dispose pas aujourdhui de la bombe atomique, mais quil matrise la technologie ncessaire sa fabrication. La thocratie iranienne pourrait possder larme nuclaire avant 2010. Reste ensuite lutiliser. Les ingnieurs iraniens cherchent adapter leur missile balistique Shahab-3 en missile ogive nuclaire. Le travail dusinage difficile, mais pas complexe prendra plusieurs mois. Test pour la premire fois en novembre 2006, le Shahab-3 a une porte de 1400 km il peut donc atteindre Isral et est lhritier du Nodong nord-coren.


2 - Et si le programme nuclaire iranien tait uniquement vocation civile ?

Cest ce quaffirment les autorits iraniennes. Il sagit selon elles de prparer laprs-ptrole et elles disent ne pas comprendre pourquoi on leur refuse ce quon autorise lInde par exemple. Nous souhaitons augmenter notre production dlectricit pour le bien de la population. Nous navons jamais viol le Trait de non-prolifration , se dfend, main sur le cur, Ali Larijani. Les rserves de la communaut internationale sont videmment fortes lgard dun pays qui ne respecte gure la dmocratie, dont le chef de lEtat a appel la destruction dIsral et qui arme des mouvements rebelles souvent violents tant en Irak quau Liban. En outre, lIran dispose des deuximes rserves de gaz et de ptrole au monde, qui ne rendent pas urgent un programme nuclaire civil.
Ds 2002, lorsque lAIEA informe par des opposants en exil dcouvre que lIran sest lanc dans un programme denrichissement duranium, la crainte que le rgime des mollahs cherche se doter de larme atomique augmente. Les explications contradictoires de Thran, ses voltes-faces nont fait quentretenir la suspicion. En effet, de nombreuses questions se posent : pourquoi avoir acquis des centrifugeuses P2 essentiellement vocation militaire alors que les P1 suffisent au nuclaire civil ? Pourquoi avoir dissimul lexistence du site de Natanz lAIEA ? Pourquoi ne pas avoir fourni cette dernire la liste exhaustive des activits nuclaires comme lexige le TNP ? Pourquoi vouloir fabriquer du plutonium dans la centrale dArak qui nest daucune utilit la production dlectricit ? Se draper dans la fiert persane pour refuser tout diktat imaginaire de ltranger na aucun sens aujourdhui sur un dossier aussi sensible , souligne Bruno Tertrais.
Les doutes sur les ambitions nuclaires de lIran se sont encore renforcs aprs que Thran a refus la proposition de Moscou denrichir son uranium en Russie, tout comme elle a refus la proposition de lUnion europenne de lui fournir des centrales eau lgre, mme de rpondre ses besoins en lectricit mais sans produire de plutonium. LIran estime que tout contrle de son programme nuclaire est une atteinte sa souverainet quon nimpose pas dautre pays, une suspicion humiliante son gard et que les sanctions adoptes son encontre lOnu sont injustes puisque aucune preuve na t apporte dun programme militaire. Sauf que, par dfinition, lorsque ce genre de preuve est apport, il est dj trop tard. Or la communaut internationale refuse dtre mise devant le fait accompli par lIran en matire nuclaire.

3 - Les sanctions adoptes contre Thran par lOnu peuvent-elles faire plier le rgime ?

Thran est actuellement sous le coup de sanctions, adoptes le 23 dcembre 2006 par lOnu, pour avoir poursuivi son programme denrichissement duranium malgr des avertissements rpts. La rsolution 1737 impose un embargo sur les transferts de technologies nuclaires et militaires, ainsi que le gel des avoirs financiers de 22 personnalits iraniennes. Des sanctions symboliques donc. Mais les observateurs ne croient gure en lefficacit de sanctions conomiques, mme plus strictes. La Rpublique islamique a une grande capacit de rsilience ; elle la dj prouv lors des huit ans de guerre contre lIrak. Beaucoup pensent que les dirigeants iraniens pourraient faire leur cette phrase de lancien prsident pakistanais Zia ul-Haq : Mme si tous les Pakistanais devaient pour cela manger de lherbe, nous aurons la bombe atomique.
Nanmoins, la perspective dun renforcement des sanctions conomiques inquite quelque peu Thran. Le Parlement sest runi plusieurs reprises pour analyser les consquences dun ventuel embargo. Car malgr ses gigantesques rserves de ptrole et de gaz, la Rpublique islamique reste un gant aux pieds dargile. Le niveau de vie des habitants est infrieur ce quil tait dans les annes soixante-dix, et le taux de chmage avoisine les 20 %. Les industries sont obsoltes et les infrastructures hors dge. Le pays doit mme importer de lessence car il na pas la capacit de raffiner son ptrole. Un embargo sur le secteur ptrolier serait dramatique pour un pays qui tire 85 % de ses recettes dexportation de lor noir. Cela reviendrait mettre larrt toutes ses industries et pourrait provoquer de graves troubles sociaux. Dj les Etats-Unis ont obtenu de 40 banques internationales la suspension de leurs prts la thocratie. On peut cependant imaginer que, loin de provoquer des troubles sociaux, des sanctions conomiques renforceraient au contraire la fibre nationaliste. Si les mollahs sont peu populaires, surtout auprs de la jeunesse, une union patriotique existe nanmoins autour du programme nuclaire. Jugeant les effets dun embargo trop incertain, les Etats-Unis nexcluent pas loption militaire contre Thran. Au grand dam des Etats occidentaux et du Proche-Orient. Plus qualarmer lIran, cette menace militaire semble avoir surtout pour effet de stimuler les efforts diplomatiques des allis des Etats-Unis.

Jean Piel

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