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09/03/2007
Questions internationales (3)
Bruno Tertrais : Pas dattaque amricaine contre lIran dans un avenir proche


(MFI) Spcialiste des questions nuclaires, Bruno Tertrais est matre de recherche la Fondation pour la recherche stratgique. Il vient de publier Dictionnaire des enjeux internationaux aux ditions Autrement.

MFI : Pensez-vous que la question nest plus de savoir si lIran va se doter de larme atomique, mais quand il va sen doter ?

Bruno Tertrais : Non, les choses sont encore rversibles. Le vote de la rsolution 1737 aux Nations unies, imposant des sanctions contre Thran, a suscit un dbat parmi les dirigeants iraniens sur le bien-fond de la politique jusquau-boutiste mene actuellement. Si de nouvelles sanctions taient adoptes lOnu, on ne peut pas exclure une volution nette de la politique iranienne sur ce sujet. Cela dautant plus que le prsident Mahmoud Ahmadinejad commence tre critiqu dans le pays.
Nanmoins, je reste plutt pessimiste sur la suite des vnements. Linvestissement politique, technique et financier est tel sur ce programme nuclaire que le stopper ou mme simplement le suspendre constituerait un virage 180 de la part des autorits iraniennes. Ce nest pas vident. Il ne leur reste plus quune seule tape technique franchir pour matriser lensemble du processus denrichissement de luranium, savoir le fonctionnement continu de milliers de centrifugeuses afin dobtenir de luranium enrichi 90 %. Ce nest pas une opration simple. En outre, disposer de la matire premire ne suffit pas ; encore faut-il avoir un engin mme de faire exploser cette matire, et suffisamment petit et lger pour tre emport par un missile. LIran doit donc encore franchir plusieurs tapes techniques avant de disposer de larme nuclaire.

MFI : Si nanmoins lIran dtient un jour la bombe atomique, quelles pourraient tre les consquences au Moyen-Orient ?

B. T. : Les consquences rgionales seraient de deux ordres. Primo, la politique que pourrait mener Thran sous son parapluie nuclaire. Son influence rgionale, mais aussi son pouvoir de nuisance, sen trouveraient dmultiplis. Le pays pourrait offrir une garantie de scurit la Syrie et renforcer son soutien au Hezbollah libanais, do des inquitudes en perspective en Isral et au Pays du cdre. De mme, lIran pourrait simposer comme le protecteur dun gouvernement chiite Bagdad.
Deuxime srie de consquences, le risque dun effet dominos dans la rgion. LArabie saoudite, voire les mirats du Golfe, pourraient tre tents de dvelopper aussi un programme nuclaire militaire par peur de lIran. Quant lEgypte, elle pourrait avoir la mme tentation, non par crainte, mais par volont de disposer du mme statut que lIran.

MFI : Croyez-vous en la possibilit dune prochaine attaque militaire amricaine contre lIran ?

B. T. : La seule certitude est quil existe une pression croissante des Etats-Unis sur lIran, non seulement cause du programme nuclaire mais aussi cause de la situation en Irak. Le message de Washington Thran est clair : Ne croyez pas que nous nenvisageons pas doptions militaires contre vous. Il y a peu encore, les dirigeants iraniens considraient cette hypothse comme hautement improbable. Leur sentiment a peut-tre volu.
Nanmoins, je ne crois pas en une attaque amricaine dans un avenir proche, cest--dire pas avant 2008. Les manuvres diplomatiques ne sont pas encore termines, et loption militaire suppose au pralable que les sanctions onusiennes aient prouv leur inefficacit. On nen est pas l. La prsence de porte-avions amricains dans le Golfe Persique ne doit pas tre interprte excessivement ; tout au plus sagit-il dun moyen de pression, tout comme larrestation dIraniens en Irak constitue un simple avertissement. Mais rien nindique vraiment que des prparatifs militaires soient en cours.
Reste que si une telle attaque devait avoir lieu, le scnario le plus probable serait celui de frappes ariennes intensives pendant plusieurs jours contre les sites nuclaires iraniens, mais aussi sans doute contre le Corps des gardiens de la rvolution. Un dbarquement au sol de troupes amricaines en masse est totalement exclu ; ce serait trop risqu et il pourrait y avoir une raction de dfense nationaliste de la population. En outre, cause de lIrak, les Etats-Unis ne disposent pas actuellement des effectifs suffisants pour une telle offensive.

Propos recueillis par Jean Piel

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