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04/04/2007
Questions internationales (2)
La misre, en attendant le ptrole


(MFI) Le Timor-Leste est lun des pays les plus pauvres du monde. La moiti de la population vit avec moins dun euro par jour et la mortalit infantile est trs leve. Lagriculture ne suffit pas nourrir les habitants et les industries sont obsoltes. Le Timor dtient pourtant des hydrocarbures, mais un conflit frontalier avec lAustralie limite lexploitation des gisements.

Avec un PNB d peine 400 millions de dollars et un revenu par habitant denviron 400 dollars par an, le Timor-Leste est le pays le plus pauvre dAsie et lun des plus pauvres du monde. Il vit compltement sous perfusion de la communaut internationale. Lesprance de vie y est de 49 ans ; le taux de mortalit infantile de 160 pour 1000 ; le taux danalphabtisme suprieur 60 % et le chmage touche deux habitants sur trois ; 42 % des Timorais vivent sous le seuil de pauvret, avec moins dun euro par jour.

Un pays sans industrie

Les infrastructures routes, tlphone, lectricit sont soit inexistantes, soit dans un tat dplorable. Les industries sont peu nombreuses et faiblement mcanise. Lorsque lIndonsie, contrainte et force, a quitt le pays en 1999, elle a dtruit 75 % des infrastructures avant son dpart. Les reconstruire prendra des annes et cotera des centaines de millions de dollars. La classe moyenne dalors mdecins, ingnieurs, enseignants est repartie Jakarta ; la nouvelle peine se constituer localement. Le dpart de lOnu a aussi entran la fermeture de nombreux restaurants, commerces et htels de Dili, et considrablement rduit lactivit de services (taxi, tourisme, personnel de maison). Paradoxe pour un pays exsangue : faute de pouvoir dfinir une nouvelle devise, la monnaie actuelle est le dollar, ce qui renchrit le cot des importations et a un effet inflationniste. Pas facile enfin de faire travailler ensemble les diffrentes gnrations : les anciens parlent le portugais, les jeunes lindonsien, et la langue locale le ttum ne simpose pas partout. Le niveau de formation est en outre trs faible. Les trois-quarts des habitants sont des petits artisans ou des paysans qui vivent en autarcie. Cest une agriculture de survie. Le labourage ne se fait pas la charrue mais par pitinements des animaux, et lirrigation est quasi-inexistante. Cest pourquoi la malnutrition touche encore 20 % de la population , expliquait au quotidien Le Monde Olivier Langoisseux, le responsable dune ONG franaise.

Lespoir de la manne ptrolire

Le territoire dispose pourtant datouts. Des paysages magnifiques et des rcifs coralliens exceptionnels mme de sduire les visiteurs, particulirement les adeptes du tourisme vert. Son caf aussi, issu de lagriculture biologique, et qui reprsente 95 % des (seulement) huit millions de dollars de recettes dexportation, mais peine 1 % de la production mondiale. Mais les moyens font dfaut pour exploiter au mieux ces ressources.
Lavenir repose surtout sur les importants gisements de gaz et de ptrole que renferme la mer de Timor. Cest l quintervient une bataille diplomatico-conomico-judiciaire avec lAustralie, riveraine de cette mme mer. Canberra seule capitale avoir reconnu linvasion du Timor par lIndonsie en 1975 avait conclu un accord avec Jakarta dfinissant sa frontire maritime selon le plateau continental, ce qui lamenait 150 km du territoire timorais et lui offrait 85 % des rserves en hydrocarbures. Devenu indpendant, Dili entend rengocier cet accord, sappuyant sur le fait que le plateau continental nest plus la rfrence des frontires maritimes ; on lui prfre le partage pour moiti des bras de mer. Le Timor Leste retrouverait alors la proprit de 300 km docan et de 90 % des rserves de gaz et de ptrole. Les revenus associs se chiffrent en milliards de dollars. Inespr pour un Timor financirement et politiquement au bord du gouffre. Evidemment, lAustralie fait la sourde oreille, refuse tout en bloc, menace, amadoue, fait traner en longueur les ngociations, ne reconnat plus la comptence de la Cour internationale de justice Le combat de David contre Goliath.

La rsistance de lAustralie

Ne pouvant exploiter lui-mme ces gisements, le Timor cherche au moins obtenir une plus juste redistribution des revenus ptroliers. En janvier 2006, un compromis a t trouv avec Canberra, qui accorde 90 % des royalties au Timor sur lun des espaces maritimes contests ; videmment celui qui ne recle que 20 % des ressources en hydrocarbures de la rgion. Sur lautre espace maritime celui qui abrite 80 % des ressources le bras de fer continue entre le pot de fer australien et le pot de terre timorais. En attendant, Canberra empoche des dividendes estimes un million de dollars par jour. LAustralie et les grandes compagnies ptrolires internationales ont impos cet accord de janvier 2006 un Timor trangl financirement et pour qui ce supplment de revenus constitue une boue de secours. Mais en rien il ne tranche le diffrent frontalier. Certains y voient un abus de pouvoir. Dautres soulignent que dimportantes ressources naturelles ne garantissent pas la prosprit ; les exemples en ce sens abondent dans le monde entier. La justice voudrait que le Timor-Leste recouvre la souverainet sur ses rserves dhydrocarbures. Mais cela va aussi aiguiser les luttes internes pour leur contrle. Les pays riches en ressources naturelles sont cinquante fois plus exposs un risque de guerre civile que ceux o il ny a rien extraire du sous-sol , crit ainsi, dans un ditorial ambigu, le Sydney Morning Herald.
Les revenus ptroliers, et donc une nouvelle dfinition des frontires maritimes, constituent pour le Timor une question de vie ou de mort. Lenjeu est soit rester indfiniment marqu par la pauvret et la mendicit, soit devenir autosuffisant , plaidait ainsi le prsident Xanana Gusmao. Mais lAustralie, qui ambitionne de simposer comme le gendarme de lAsie-Pacifique et dont le Premier ministre est proche de George Bush, ne semble pas dispose cder.

Jean Piel

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