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20/04/2007 | |||
Le Nigeria, riche, puissant et pill | |||
(MFI) Gant de lAfrique, le Nigeria est aussi un immense champ de trafics que ses lites ont pill sans mesure, faisant de cette plate-forme ptrolire un condens des maux du continent, entre dictature, rapacit, antagonismes ethniques et religieux, et incurie conomique Le tout avec la complicit intresse dune communaut internationale qui sentend tirer avantage du capharnam nigrian, des voisins africains o fleurissent les trafics transfrontaliers aux majors occidentales du ptrole. | |||
Compose de trente-six Etats, cette rpublique fdrale est le pays le plus peupl (140 millions dhabitants, recensement 2006), et lun des plus vastes du continent (923 768 km2). Sa population compte quatre principales ethnies : Haoussas et Peuls au nord, Yoroubas au sud-ouest et Ibos au sud-est. Dlimit louest par le Bnin, au nord par le Niger, lest par le Tchad et le Cameroun, au sud par lOcan atlantique, sur lequel sont situs les ports de Lagos (la capitale conomique) et de Port Harcourt, le Nigeria, anglophone, est entour de pays francophones et le franais y a t dclar 2e langue du pays, puis langue trangre prioritaire. Constitu partir de grands royaumes (celui, notamment, du Kanem au Nord, dOyo au Sud), le Nigeria est devenu, en 1900, une colonie britannique. En 1960, il accde lindpendance. Le nouvel Etat est en proie de vives tensions inter-rgionales pour le contrle du pouvoir central et des ressources ptrolires, qui vont entraner pendant prs de trois dcennies une instabilit politique chronique, et une succession de rgimes militaires et civils. Un premier coup dEtat, en 1966, porte au pouvoir le lieutenant-colonel Yakubu Gowon. Entre 1967 et 1970, celui-ci fait face une guerre civile conscutive la tentative de scession de la province orientale du Biafra, qui fait un million de morts. En 1975, un nouveau coup dEtat installe au pouvoir le gnral Murtala Mohammed, assassin quelques mois plus tard. Une succession de coups dEtats, la pendaison de Ken Saro Wiva Le gnral Olusegun Obasanjo lui succde, avant de remettre, en 1979, le pouvoir un prsident dmocratiquement lu, Alhaji Shehu Shagari. Rlu en 1983, Shagari est renvers par le gnral Muhamadu Buhari, cart son tour en 1985. Le gnral Ibrahim Babangida prend la tte de lEtat mais une crise politique loblige dmissionner en 1993. Un gouvernement civil intrimaire est renvers trois mois plus tard par le gnral Sani Abacha, qui instaure un rgime dictatorial. En 1995, le pays est mis au ban du Commonwealth aprs la pendaison de lcrivain Ken Saro Wiva et de huit autres membres du Mouvement pour la survie du peuple ogoni. A la mort de Sani Abacha, en 1998, le gnral Abdulsalami Abubakar, chef dtat-major des armes, le remplace, et rend un an plus tard les rnes du pouvoir aux civils, avec llection dOlusegun Obasanjo la prsidence. Ce retour la dmocratie nempche pas la persistance de tensions entre communauts, trs difficilement gres par le pouvoir fdral. Depuis 2000, des conflits dorigine foncire, politique ou religieuse ont fait plusieurs centaines de morts travers le pays. La situation est particulirement tendue dans lEtat ptrolifre du Delta o les populations rclament leur part des revenus ptroliers, ainsi que dans le Nord du pays o douze Etats sur dix-neuf ont adopt la charia, la loi islamique. Avec 45 % de musulmans (les chrtiens seraient 40 %), le pays constitue dailleurs un baromtre de la situation de lislam en Afrique auquel les observateurs sont trs attentifs, notamment en raison de lactivit de groupes intgristes. La fondation dAbuja, capitale fdrale, voici trente-deux ans, tait cense favoriser la cration dun centre gopolitique capable de susciter le sentiment national et dunifier les quelque 350 nationalits du pays. Ce fdralisme de faade est pour partie responsable des troubles ethniques et religieux qui ont fait des milliers de morts depuis 1999 anne de larrive au pouvoir du gnral Obasanjo. Les rivalits rgionales sexacerbent chaque lection prsidentielle, la rgion dorigine et la religion du futur prsident tant des critres essentiels pour prserver lquilibre entre les trois groupes antagoniques (60 % de la population) : Haoussas, Yorubas et Ibos. Les dcisions concernant les Etats, dots dinstitutions excutives et lgislatives, se prennent plutt Aso Rock, sige de la prsidence fdrale, que dans les parlements locaux qui dpendent financirement des subsides fdraux. Constitutionnellement, lEtat central est seul propritaire des richesses du pays. Do la colre qui couve dans les Etats ptroliers du Sud qui procurent 95 % des ressources en devises du pays, mais dont les populations vivent dans la misre. Le fait que le gouvernement central favorise des politiques bases sur lidentit religieuse ou ethnique, () a contribu lmergence de milices ethniques ou religieuses, de groupes sparatistes dans plusieurs rgions , estime le dernier rapport dInternational Crisis Group (ICG). Une production ptrolire ampute de 25 % du fait des violences Ses aspirations exercer un leadership rgional nont gure t concrtises en raison de linstabilit politique et pourtant son rle au sein de la Communaut conomique des Etats dAfrique de lOuest (Cdao) na cess de se renforcer. Olusegun Obasanjo (rlu en 2003) a men, en tant que prsident en exercice de lUnion africaine, plusieurs mdiations, notamment dans les conflits ivoirien et togolais en 2005. Mais le mme Obasanjo a accord, depuis 2003, lasile politique lancien prsident librien Charles Taylor, accus de crimes de guerre par la Cour de justice spciale de Sierra Leone. Le Nigeria, premier producteur de ptrole dAfrique subsaharienne avec 2,6 millions de barils/jour (6e rang mondial) esprait en produire 4 millions dici 2020. Mais il voit sa production actuelle ampute de 25 % du fait des violences. Les heures fastes de la rente ptrolire et des investissements effrns appartiennent au pass : la longue rgression de lconomie nigriane depuis les annes quatre-vingts a vu le revenu moyen dgringoler, passant de plus de 1 000 dollars moins de 560 dollars par habitant (Banque mondiale). Symbole de cette dchance, la pnurie de carburant et les longues files dattente devant les stations-service ont tmoign de labsence de scrupules des dirigeants successifs, qui ont exploit les richesses ptrolires sans investir dans les secteurs sociaux. En fait, le niveau trs lev de la corruption, maintes fois dnonc par lOng Transparency international, fait que plus des deux tiers des Nigrians vivent aujourdhui en ralit avec moins dun dollar par jour. Lesprance de vie moyenne nest que de 44,9 ans, et son indice de dveloppement humain le classe au 151e rang mondial. Ayant tout mis sur lexportation du brut (lor noir reprsentait 40 % des 47,5 milliards de dollars de son PIB en 2003), le Nigeria a peu dvelopp son industrie et son agriculture qui occupe toutefois 60 % de sa population, le cacao reprsentant plus de la moiti de ses exportations agricoles. | |||
Antoinette Delafin | |||
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