Rechercher

/ languages

Choisir langue
 
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

20/04/2007
Questions internationales (2)
Le choix de la fermet contre limmigration clandestine


(MFI) Les collectivits doutre-mer disposent dune lgislation plus svre quen mtropole en matire de contrle de limmigration. Depuis 2005, les forces de lordre ont reu des moyens supplmentaires pour lutter contre les clandestins. Paris a donc fait le choix de la fermet. Mais ceux qui tentent dentrer en Guyane et Mayotte resteront nombreux tant que la misre svira dans leur pays. Les candidats llection prsidentielle se prononcent sur ce sujet.

En visite Mayotte en juillet 2005, Franois Baroin alors ministre de lOutre-mer, aujourdhui ministre de lIntrieur se dclare favorable une remise en cause du droit du sol au profit du droit du sang pour lacquisition de la nationalit franaise dans les seules collectivits ultra-marines. Au-del dune rvision lgislative, cest une rvolution quant la philosophie franaise de la citoyennet. Mais pour le trs chiraquien ministre : Limmigration clandestine a atteint des niveaux inadmissibles en outre-mer. Il faut dsormais des mesures radicales. Cest le chantier le plus important pour ces rgions. Et Franois Baroin de suggrer quun Franais, dont la paternit nest pas certaine, ne puisse pas reconnatre un enfant naturel n dune mre trangre avant un dlai dun an aprs la naissance. De mme, seul un enfant n de parents ayant un titre de sjour rgulier pourrait accder sa majorit la nationalit franaise . Les propos du ministre de lOutre-mer suscitent un toll dans lHexagone, mais sont plutt bien accueillis dans les rgions concernes. Deux ans aprs cependant, aucune loi na t adopte par le Parlement.

Un imbroglio juridique

Mayotte et la Guyane disposent dj dun arsenal lgislatif particulier en matire dimmigration. Ainsi depuis 1993, les Comoriens et eux seuls sont obligs dtre titulaires dun titre de sjour Mayotte, lequel diffrent dun visa nest valable que pour lle mais ne les autorise pas se rendre en mtropole. La mme anne, une loi facilite les procdures dexpulsion et les contrles didentit Mayotte et en Guyane, mais aussi en Martinique et en Guadeloupe. Tout arrt dexpulsion est immdiatement excutoire, lappel ntant pas suspensif contrairement ce qui se passe en mtropole. Les forces de lordre disposent en outre dun droit de poursuite dans un rayon de 20 kilomtres au-del de la frontire. Enfin, la police et la gendarmerie sont autorises dtruire immdiatement les embarcations ayant servi au transport de clandestins, ou les rquisitionner si elles sont plus puissantes que les leurs. Des spcificits juridiques qui font voir rouge la dput de Guyane, Christiane Taubira : Ce nest pas en saccageant le droit quon rsout les causes dun problme. Comment admettre quun arrt dexpulsion soit immdiatement excutoire mme pour des gens malades ou des parents denfants scolariss ? Et lancienne candidate la prsidence de la Rpublique dajouter : La Guyane nest plus un lot franais protg, mais volue comme un pays dAmrique latine. Pour dfinir des plans daction, les autorits franaises doivent sinspirer de lexprience des pays voisins en terme de narcotrafic, de dlinquance, de rapports entre communauts. Une coopration rgionale doit tre mise en place.
En matire juridique, la Guyane et Mayotte reprsentent un vritable casse-tte, notamment concernant le droit de la famille. Lhistoire dAssiati, 22 ans, en est une illustration : Je suis ne Anjouan, aux Comores. Mon pre est Comorien, mais ma mre est malgache. Ils sont tous les deux installs Mayotte et ont mme obtenu la nationalit franaise en 2002. Mes deux grands frres qui sont ns ici, Mamoudzou sont franais. Mais tant nes aux Comores, ma sur et moi sommes considres comme trangres. Mon autre petite sur, ne aprs la naturalisation de mes parents, bnficie de la nationalit franaise. Rsultat : jai obtenu un titre de sjour pour suivre ma scolarit Mamoudzou. Mais ntant pas franaise, je nai pas le droit daller luniversit en mtropole ni de rester ici dsormais car je ny ai plus dactivit. Mais les Comores ne veulent pas de moi car mes parents ne sont plus comoriens. Je nai aucune solution tant que la prfecture na pas examin mon dossier. Cest totalement ubuesque.

Renforcement des moyens de la police

A quoi servent les lois si elles ne sont pas appliques ? A quoi servent-elles si elles ne sont pas accompagnes dune politique audacieuse damnagement du territoire, dinvestissements dans les infrastructures, de ngociations avec les pays voisins pour queux-mmes surveillent leurs frontires ? , tempte Antoine Karam, le prsident du conseil rgional de Guyane. Les forces de lordre en effet nont pas toujours eu les moyens des ambitions affiches par les autorits franaises. Jusquen 2004, les gendarmes de Guyane ne disposaient que dun seul hlicoptre et de moyens de transmission vieux de trente ans. Quant aux premiers policiers aux frontires (PAF) nomms en mai 2004 St Georges, face au Brsil, ils ont stationn un an 80 km de la frontire faute de logements plus proches. Aujourdhui encore, on ne compte que onze gendarmes pour surveiller les 18 800 km de fort amazonienne qui encerclent le bourg de Maripasoula, sur le fleuve Maroni. On joue sur la mobilit et leffet de surprise. Ne jamais tre la mme heure au mme endroit deux jours de suite. Cela donne des rsultats, mais ce nest pas une assurance tout-risque , soupire un officier.
Depuis 2005 cependant, les forces de lordre ont reu des renforts en hommes et en matriel, et se montrent plus offensives dans la traque des clandestins : oprations coup de poing sur les marchs de Cayenne pour dloger les vendeurs la sauvette, destruction systmatique des embarcations des passeurs, multiplication des missions Anaconda en fort profonde pour arrter les garimpeiros, les orpailleurs individuels. Le harclement paye. Mme si nous narrtons pas tout le monde, nos actions dcouragent les clandestins qui partent chercher de lor ailleurs. Rien quen 2006, nous avons aussi dmantel 33 rseaux de passeurs , se flicite le commissaire Franois Garcia, le patron de la PAF de Guyane.
Dans le mme temps, sur lle aux parfums, ainsi quon surnomme Mayotte, la gendarmerie maritime a reu une nouvelle vedette rapide et un nouveau radar. Leurs collgues terre multiplient les interventions dans le bidonville de Cavani.

Les hpitaux et les coles sous surveillance

Surtout, les hpitaux ne sont plus considrs comme des sanctuaires ; la police y effectue rgulirement des contrles. En outre, les clandestins comoriens doivent dsormais sacquitter des soins en avance. Aux mdecins dagir en leur me et conscience face aux plus dmunis. De mme, les coles sont encourages ne pas inscrire les enfants de sans-papiers. Chaque proviseur mne ensuite sa propre politique. En ralit, nous nexpulsons jamais de malades, de personnes ges ou de femmes avec enfants , confiait, sous couvert de lanonymat, un gendarme de Mamoudzou au quotidien Le Monde. Reste quau niveau des chiffres, cette politique donne des rsultats : 9 711 reconduites la frontire depuis la Guyane en 2006, soit une hausse de 53 % par rapport 2005, et 11 392 depuis Mayotte. Des chiffres mettre en relation avec ceux de la mtropole o lon a compt 23 831 expulsions en 2006 pour une population 300 fois plus nombreuse.
Mais la mdaille a son revers. En Guyane, gendarmes et policiers avouent leur lassitude dexpulser 4 fois la mme personne en un mois. Des habitants du Surinam viennent vendre des fruits et des pices sur les marchs, ou se faire soigner. Et le soir, ils se laissent expulser nos frais, tout sourire, en attendant leur prochaine visite , se plaint un militaire. Et alors ?, lui rpond Alex Fran, de la Ligue des droits de lhomme. Ce ne sont pas ces quelques centaines de personnes plutt dbrouillardes qui vont menacer lquilibre du territoire. Dautant quelles repartent chez elles. La situation est plus dramatique Mayotte o, entre expulsions et naufrages de kwassa kwassa, on rencontre dsormais des enfants des rues, dscolariss et laisss eux-mmes. Dans un territoire franais.

Expulsion et/ou codveloppement

Face cette situation, quels sont les engagements des trois principaux candidats llection prsidentielle franaise qui, tous, se sont rendus dans les DOM-TOM ?
Pour Nicolas Sarkozy, les expulsions doivent tre systmatiques : Je suis pour la fermet car le laxisme entrane des drames. Drames pour le tissus conomique et social de la Guyane et de Mayotte. Drames pour ces clandestins qui mettent leur vie en pril en tentant dentrer en France. Un avis que ne partage videmment pas Sgolne Royal : Nous devons mettre en place de vraies politiques de codveloppement. Cest la meilleure faon dendiguer limmigration de la misre. Je suis consciente que limmigration massive en Guyane et Mayotte peut tre dstabilisatrice. Les services de scurit doivent aussi tre dots de moyens suffisants pour dissuader cette immigration. Franois Bayrou, pour sa part, semble plus proche des thses de la candidate socialiste : Aucune communaut ne pourrait rsister sans dommage une immigration aussi massive que celle que connaissent la Guyane et Mayotte. Mais lexpulsion, si elle est ncessaire, est illusoire quand il suffit de traverser un fleuve pour revenir. Do la ncessit que la France tienne compte de cette question de limmigration dans ses relations avec les pays voisins.
Charg de rprimer limmigration, et en contact quotidien avec des clandestins, le patron de la gendarmerie de Mamoudzou, le lieutenant-colonel Patrick Guillemot, dclarait rcemment Mayotte-Hebdo : Rien ne dissuadera des gens qui meurent de faim chez eux. Ils feront toujours tout pour sauver leur vie et celle de leur famille. Nous, gendarmes, tentons de conduire au mieux notre mission, mais invitablement, un autre travail doit tre ralis en amont dans leur pays dorigine.

Jean Piel

retour