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MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

27/04/2007
Questions internationales (2)
Trois questions Antoine Basbous


(MFI) LArabie saoudite et les Etats-Unis sont des allis objectifs au Proche-Orient , estime le directeur de lObservatoire des pays arabes*, pour qui le rveil de la diplomatie saoudienne sexplique avant tout par la menace iranienne.

Comment expliquez-vous ce regain de la diplomatie saoudienne ?

Il y a pril en la demeure. On assiste une influence croissante de lIran dans la rgion : en Irak o Thran soutient les milices chiites et a infiltr tous les cercles du pouvoir ; au Liban o il arme et finance le Hezbollah ; en Palestine o il entretient des relations privilgies avec le Hamas. Face cette situation, aucun pays arabe - aussi inquiet soit-il - na ragi fermement.
LArabie saoudite, de par sa richesse et son statut de gardien des lieux saints de lislam sunnite, est la mieux mme de prendre linitiative et de relever le dfi que constitue Thran. Elle prend ainsi le relais dune Egypte dont le rle rgional est dsormais dvalu. En outre, laccession la tte de lEtat du roi Abdallah la mort du roi Fahd en aot 2005 a mis fin une longue priode de transition au cours de laquelle Fahd tait trop diminu pour agir. Le nouveau souverain a dsormais les moyens dafficher ses ambitions. Mais la raison premire de cette nouvelle diplomatie saoudienne reste la volont de freiner les prtentions de lIran chiite - et bientt nuclaire - au Proche-Orient, et de se prmunir contre lincendie irakien. Cette politique sera-t-elle efficace pour apaiser les tensions dans la rgion ? Il y a loin de la coupe aux lvres. Les Etats-Unis et Isral ont dclar leur intrt pour le plan de paix isralo-arabe que Riyad a fait adopter lors du dernier sommet de la Ligue arabe ; plan de paix que lArabie saoudite avait dj soumis en 2002, sans rencontrer le succs escompt. Mais entre lintrt manifest pour un plan de paix et la rsolution dun conflit, il y a de la marge. Pour que la diplomatie aboutisse, il faut tre au moins deux. Or Tel-Aviv ne veut pas faire de concessions sur ce dossier ; il veut juste gagner du temps.

Jusquo lArabie saoudite peut-elle aller pour contrer les ambitions de lIran ?

LArabie saoudite aide ouvertement certains mouvements sunnites en Irak non seulement pour faire opposition aux chiites, et donc lIran, mais aussi pour limiter lemprise croissante dAl-Qaida sur ces mouvements. Cela dit, il est probable que des membres de la famille royale aident en sous-main Al-Qaida au cas o celui-ci simposerait dans lancienne Msopotamie. Cest un jeu subtil o lon aide tous les belligrants sunnites au cas o Lintrt de Riyad est que les partis sunnites non-affilis au groupuscule dOussama Ben-Laden retrouvent un plus grand rle politique Bagdad car Al-Qaida constitue un trop grand danger pour la famille Saoud. La crainte de lIran ne signifie pas pour autant que lArabie saoudite approuverait publiquement une offensive amricaine contre Thran. Ses dirigeants se rjouiraient peut-tre discrtement de voir lIran stopp dans ses ambitions. Mais ils ne participeront pas une opration militaire. Et le royaume ne servira pas de base arrire aux forces amricaines par crainte de reprsailles tant intrieures - attentats ou manifestations populaires -, quextrieures - attaque iranienne. Au demeurant, les Etats-Unis ont des navires qui croisent dans le golfe arabo-persique et disposent de bases proximit dans des pays non-arabes ; un soutien logistique de lArabie saoudite ne leur serait pas ncessaire. Et puis, sans le claironner haute voix, lArabie saoudite stait rjouie de la chute de Saddam Hussein. Elle ralise aujourdhui quel point la dstabilisation de lIrak lui est prjudiciable. En tout tat de cause, lIran ne craint pas lArabie saoudite et nest pas impressionn par son statut de gardien des lieux saints de lislam. Au contraire, il cherche lui imposer des accords militaires quasiment par chantage.

Ce rveil de la diplomatie saoudienne ne fait-il pas les affaires des Etats-Unis ?

Plus ou moins. Riyad doit saffranchir de la tutelle amricaine au moment o les Etats-Unis sont de moins en moins populaires au Proche-Orient. Cest pourquoi le roi Abdallah a vertement critiqu la politique amricaine en Irak il y a quelques semaines. A contrario, il est en effet apprciable pour Washington de voir un pays arabe sen prendre lIran, dfendre le gouvernement de Fouad Siniora au Liban et agir pour loigner le Hamas de Thran. Cela a plus de poids auprs des autres nations musulmanes que les initiatives amricaines largement dcrdibilises. Les Etats-Unis et lArabie saoudite sont des allis objectifs. Washington est le protecteur militaire du royaume depuis 1945. Sil perd son influence au Proche-Orient, qui va le remplacer ? LIran ? Riyad nen veut surtout pas, on la compris. Entre une hgmonie amricaine lointaine et bienveillante et une hgmonie iranienne proche et menaante, le choix est vite fait.

Propos recueillis par Jean Piel


* Auteur de LArabie saoudite en question aux Editions Perrin.



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