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27/04/2007
Questions internationales (1)
LArabie saoudite reprend les rnes de la diplomatie proche-orientale


(MFI) Guerre en Irak, crise politique au Liban, ambition nuclaire de lIran, conflit isralo-palestinien Partisan habituellement des ngociations discrtes, le royaume saoudien intervient depuis quelques mois sur tous les dossiers chauds du Proche-Orient. Son objectif : contrecarrer linfluence croissante de lIran. Tout en profitant de lchec de la politique amricaine dans la rgion.

Comment se manifeste le rveil de la diplomatie saoudienne ?

Lors dune runion La Mecque, le 8 fvrier 2007, le roi Abdallah a russi convaincre les deux principaux mouvements palestiniens, le Fatah et le Hamas, de constituer un gouvernement dunion nationale - alors mme que depuis des mois, les affrontements entre les deux factions ont fait des centaines de victimes, interdisant toute poursuite du processus de paix. Peu avant, les autorits saoudiennes avaient reu les frres ennemis libanais : le Premier ministre, Fouad Siniora, que Riyad soutient politiquement et financirement, et le prsident Emile Lahoud, proche de la Syrie et donc indirectement de lIran. Objectif : dnouer la crise politique provoque par lexigence des partis pro-syriens, Hezbollah en tte, de dtenir une minorit de blocage au gouvernement - depuis novembre, aucune institution libanaise ne fonctionne plus, mettant en pril lconomie et la stabilit du pays du Cdre. Concernant lIrak, le royaume saoudien insiste auprs de son alli amricain pour que les sunnites retrouvent plus de pouvoir Bagdad, faute de quoi la guerre civile ne cessera pas. Mission impossible ? Peut-tre. Mais Washington ne peut ignorer lavis de lun de ses rares soutiens au Proche-Orient. En recevant, le 3 mars dernier, le prsident iranien Mahmoud Ahmadinejad, le roi Abdallah a affich sa volont de dialogue avec Thran, dont il se mfie pourtant. Au menu, des discussions sur lIrak mais aussi sur le programme nuclaire de la Rpublique islamique, au cur des proccupations dans cette partie du monde.
Autrefois adepte des ngociations feutres darrire-cour et de la diplomatie du chquier, lArabie saoudite a donc repris les rnes de la politique trangre moyen-orientale, remplaant dans ce rle lEgypte, englue par linterminable fin de rgne dHosni Moubarak. Lors du sommet de la Ligue arabe, Riyad, les 28 et 29 mars, elle sest affirme comme la principale puissance diplomatique rgionale. Ce sommet - fait suffisamment rare pour tre not - a runi tous les dirigeants des pays-membres sans exception. Loccasion pour le monarque saoudien de relancer sa proposition de 2002, alors quil ntait que prince hritier, pour rsoudre le conflit isralo-palestinien, savoir la reconnaissance dIsral par les pays arabes en change dun Etat palestinien dans les frontires de 1967 avec Jrusalem-Est pour capitale, et une juste solution pour les rfugis palestiniens. A lpoque, Washington et Tel-Aviv lavaient ignore tandis que cette fois-ci, ils ont affich leur intrt. Le Premier ministre isralien, Ehoud Olmert, sest dclar prt rencontrer des leaders arabes modrs, cest--dire proches des Etats-Unis. Des avances sont donc en perspective.

Pourquoi lArabie saoudite souhaite-t-elle reprendre linitiative ?

Le royaume sunnite a plusieurs cartes en mains : il est la fois proche des Etats-Unis sans leur tre infod ; gardien des lieux saints de lIslam ; puissance ptrolire En outre, les autorits de Riyad nont pas commis le crime dtablir des relations diplomatiques avec Isral, tout en entretenant des contacts officieux avec lEtat hbreu. De mme, elles poursuivent le dialogue avec Thran ce qui nest plus le cas de lEgypte. Mais en affirmant son rle de parrain rgional , le Royaume entend aussi contrecarrer la monte en puissance de lIran chiite, juge comme une menace pour le Proche-Orient. Il y a pril en la demeure , souligne Antoine Basbous, directeur de lObservatoire des pays arabes (v. interview). Confront au boycott financier des pays occidentaux aprs son arrive au pouvoir en mars 2006, le Hamas sest tourn vers lIran pour remplir ses caisses. Cela na pas t du got de Riyad - qui considre la question palestinienne comme relevant de son pr carr. Le roi Abdallah a alors dclar au quotidien kowetien Al-Seyassah : Il appartient aux Arabes et non pas aux Perses ni personne dautre, de rsoudre la question palestinienne. Or certains font commerce de nos problmes dans le seul but de renforcer leur position .
Le souverain saoudien redoute que Thran ne fasse du Hamas un Hezbollah sunnite sa botte, et pse ainsi sur un conflit qui dtermine lessentiel des relations au Proche-Orient.
Un conflit sur lequel la Rpublique islamique a dj quelque peu pes via le Hezbollah libanais. Le mouvement chiite qui nest certes pas la marionnette de Thran mais qui est arm et financ par lui - a provoqu en juillet 2006 un conflit contre Isral. Riyad avait aussitt dnonc un aventurisme dangereux . De mme, via le Hezbollah, lIran a les moyens dinfluer sur la politique libanaise mme sil na pas abus de cette carte jusqu prsent. Que lIran cherche contrler le Liban constitue la ligne rouge ne pas franchir. Nous ne pourrions pas ladmettre , dclarait un responsable saoudien il y a peu au Figaro. Le dossier libanais tient dautant plus cur aux Saoudiens que lancien Premier ministre Rafic Hariri dont lassassinat en fvrier 2005 a sign le dbut de la crise politique Beyrouth - tait un proche de la famille royale et quil avait largement bti sa fortune dans le pays. Son fils, Saad Hariri, aujourdhui chef du clan sunnite libanais, rside le plus souvent Riyad. En outre, cest sous lauspice de lArabie saoudite quont t conclus, en 1989, les accords de Taf, mettant fin loccupation isralienne au Liban et la guerre civile.

La situation en Irak explique-t-elle ce rveil de la diplomatie saoudienne ?

Cest un facteur majeur. La chute de Saddam Hussein et larrive des chiites au pouvoir Bagdad ont donn une nouvelle influence de Thran en Irak. Une situation inquitante pour les autorits saoudiennes qui, du coup, aident des mouvements sunnites de lancienne Msopotamie et plaident pour leur meilleure reprsentation au sommet de lEtat. Riyad craint que ce rveil chiite ne donne des ides sa propre communaut chiite : 10 % de la population, mais majoritaire dans la province du Hasa qui renferme 40 % des stocks mondiaux de ptrole. Certains, en Arabie saoudite, imaginent dj un scnario catastrophe : la guerre civile en Irak se gnralise et le pays clate. Les rgions chiites proclament leur autonomie avec le soutien de lIran, attirant dans leur giron la province chiite saoudienne. Paralllement, Al-Qaida -hostile Riyad - fdre les groupes sunnites irakiens et multiplie les attentats contre le royaume avec la complicit dune partie de la jeunesse saoudienne mcontente des liens de la famille rgnante avec Washington. Ce scnario nest pas du tout irraliste , commente un diplomate europen Riyad. Cest donc la monte en puissance de lIran, de plus en plus influent en Irak, au Liban et en Palestine, un Iran affichant des ambitions nuclaires, qui explique le rveil de la diplomatie saoudienne. Riyad entend regrouper derrire sa bannire les pays arabes sunnites modrs (Emirats, Jordanie, Egypte, Liban) face ce Thran perse et chiite, vu comme un facteur de dstabilisation. Dans lentourage du roi Abdallah, certains sont partisans de la manire forte contre lIran et approuvent le projet des conservateurs amricains dattaquer le pays. Mais le souverain saoudien reste favorable au dialogue avec la Rpublique islamique. Do la rencontre avec Mahmoud Ahmadinejad le 3 mars dernier.

La politique amricaine au Proche-Orient influe-t-elle sur la diplomatie saoudienne ?

Certainement. Aprs les attentats du 11 septembre 2001, Riyad tait dans une situation dlicate lgard de Washington, 13 des 15 pirates de lair tant dorigine saoudienne. Mais aujourdhui, les Etats-Unis sont embourbs en Irak, leur lutte contre le terrorisme na pas donn les rsultats escompts et la tension va croissant avec lIran. Aucune initiative occidentale na permis non plus davances sur le dossier palestinien. Les autorits saoudiennes entendent donc reprendre linitiative. Cela dautant plus que leur image justifie- dallis fidles des Etats-Unis dans la rgion leur est prjudiciable face une opinion publique arabe trs anti-amricaine. Riyad souhaite donc afficher son indpendance, consciente aussi de la baisse relle et durable de linfluence amricaine au Proche-Orient, ce qui nest pas le cas de celle de lIran. Au demeurant, Riyad et Washington dfendent des intrts divergents sur lIrak. Linvasion amricaine a dstabilis toute la rgion et le soutien de lOncle Sam au pouvoir chiite Bagdad exaspre les Emirats. Une fois nest pas coutume, le roi Abdallah a mme rcemment dnonc une occupation illgale de lIrak. Aucune force trangre ne doit tre prsente dans ce pays . Un coup de bton aux Etats-Unis, mais aussi lIran qui soutient activement les milices chiites. Sur les autres dossiers, les intrts des Etats-Unis et de lArabie saoudite ne sont pas loigns. Cest le cas au Liban ; cest aussi le cas lgard de lIran. Que lArabie saoudite - plus crdible que le Grand Satan amricain auprs de Thran en tant que gardien des lieux saints de lislam - lance des avertissements la Rpublique islamique nest pas pour dplaire aux responsables amricains. Mme si cela doit leur coter quelques concessions sur le dossier isralo-palestinien. Comme le rappelle Antoine Basbous : LArabie saoudite et les Etats-Unis sont des allis objectifs au Proche-Orient .

Jean Piel

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