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MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

05/06/2007
Questions internationales (1)
Haro sur le systme financier international


(MFI) Dmission force du prsident de la Banque mondiale, dficit record pour le Fonds montaire international, ngociations bloques lOMC Les institutions financires internationales vont mal. Leur rle, leur stratgie de dveloppement, leur fonctionnement intrieur sont de plus en plus contests. Et cela au moment o de nouveaux acteurs apparaissent : pays aux fortes rserves de changes comme la Chine, fondations prives comme celle de Bill Gates ou institutions publiques comme lUnion europenne qui investit normment dans le dveloppement. Des rformes simposent.



Pourquoi le FMI et la Banque mondiale semblent-elles avoir atteint leurs limites aujourdhui?

Dcembre 1997 : lIndonsie est la premire victime dune crise financire qui va frapper tous les pays asiatiques. Pour obtenir un prt de 30 milliards de dollars, Jakarta est contrainte de passer sous les fourches caudines du Fonds montaire international qui lui impose une cure daustrit la sauce librale. Les larmes aux yeux, le prsident Suharto signe les lettres dengagement sous le regard hautain du directeur du FMI dalors, Michel Camdessus.
Dix ans plus tard, le FMI tient pour la premire fois son assemble gnrale en Asie, Singapour prcisment. Un symbole de ce quen dix ans, lconomie mondiale a profondment chang. Paralllement, le 17 mai 2007, le prsident de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz un ultra-conservateur libral, proche de George Bush , est contraint la dmission pour corruption et npotisme. Quant lOrganisation mondiale du commerce (OMC), hritire du GATT, elle est englue dans des ngociations le cycle de Doha qui semblent sans issue. Les institutions financires internationales nes des accords de Bretton Woods en 1944 semblent donc mal en point.
Premire difficult : une crise de crdibilit. Charg de dfendre la stabilit financire, le FMI impose, quand il accorde ses prts, des politiques librales rigoristes : rduction des dpenses publiques, privatisation de pans entiers de lconomie, baisse des prestations sociales Au point dentraner parfois des meutes et daggraver la pauprisation des plus pauvres. LAmrique latine en a fait lamre exprience au cours des dcennies quatre-vingts et quatre-vingt-dix. Le Sngal se rappelle que la politique dajustement structurel a entran, par exemple, la fermeture de lOffice national vtrinaire, do de moindres soins aux troupeaux, le dveloppement dpizooties et au bout du compte des levages dcims. Ces exigences ont t vcues par les pays emprunteurs comme des humiliations. Certes, cette politique librale a permis dassainir des conomies, au Mexique, aux Philippines ou en Turquie. Mais globalement, la potion a t pire que le mal. La persistance du sous-dveloppement et de la pauvret dans le monde est pour partie due lchec des outils financiers multilatraux. Des rformes sont impratives , estime lconomiste Carlos Quenan.
Au demeurant, les pays qui tirent lconomie mondiale la Chine, lInde, le Brsil suivent des politiques certes librales, mais aux antipodes des recommandations du FMI car comportant un fort volet social et des secteurs publics puissants. De mme, lArgentine ou la Thalande connaissent aujourdhui des taux de croissance bien plus levs qu lpoque o ils suivaient la stricte orthodoxie des matres penser de Washington. Enfin, le Fonds montaire international a failli sa mission au sens o il na pas su prvenir ni corriger la crise financire asiatique de 1997, ni celle qui, en 2001, a touch lArgentine et la Russie. Au contraire, des conomistes estiment que les conditions poses ses prts ont contribu diffuser ces crises aux voisins des pays initialement touchs.


Quen est-il de la direction des institutions financires internationales ?

Cest l leur seconde difficult : une crise de gouvernance. A la Banque mondiale, laffaire Paul Wolfowitz illustre les drives dune concentration des pouvoirs sans contrle. Les critiques sont croissantes sur cette rgle non-crite et totalement politique qui veut que le patron de la Banque mondiale soit toujours un Amricain et celui du FMI toujours un Europen. Bass Washington, le FMI et la Banque sont largement contrls par les Etats-Unis. Ces derniers dtiennent 17,5 % des voix au FMI, ce qui leur donne de facto un droit de veto dans une organisation de 185 membres puisque les votes se font la majorit de 85 %. Les voix tant dfinies au prorata de la puissance conomique, les pays du G8 en contrlent 48 %, alors que les 46 pays africains nen disposent que de 4,4 %. Le FMI est donc peu reprsentatif de la plante. Il tient notamment peu compte des conomies mergentes dont la croissance rapide est pourtant un lment dterminant du systme financier international. Une premire rforme a cependant eu lieu en septembre dernier, qui a vu les parts de la Chine, du Mexique, de la Core du Sud et de la Turquie revalorises.

A quels autres dfis le FMI est-il aujourdhui confront ?

La nouvelle a fait sensation. Le 2 mai 2007, Hugo Chavez annonait le retrait de son pays du FMI et de la Banque mondiale, ces institutions aux mains de limprialisme nord-amricain pour reprendre sa formule. Quinze jours auparavant, le prsident vnzulien leur avait remis un chque de 3,3 milliards de dollars pour solde de tout compte. Caracas nest pas la premire capitale ainsi se passer des services du FMI. Disposant dimportantes rserves grce la hausse des prix des matires premires, le Brsil et lArgentine ont rembours par anticipation respectivement 15,5 et 9,6 milliards de dollars au FMI. En remboursant ses dettes, lArgentine vite ltranglement de son conomie par les intrts. Elle retrouve sa pleine souverainet , a dclar le prsident Nestor Kirchner.
Ct asiatique, les Philippines et lIndonsie ont aussi annonc le remboursement de leurs dettes, lavant ainsi lhumiliation subie en 1997. LAfrique nest pas en reste. Le Ghana sest retir fin 2006 de lun des principaux programmes soutenu par linstitution, et le prsident zambien a refus dbut 2007 la hausse de la TVA prconise par les experts du Fonds, car cela aurait eu des consquences dsastreuses pour les plus pauvres. Bref, il y a de la rsistance dans lair.
Moins de prts pour le FMI signifie moins de remboursements. Les rentres dargent ont diminu de 40 % en 2006, do un dficit de 105 millions de dollars. Vexant pour le pompier des finances internationales. Comme lexpliquait dans Le Monde Carlos Quenan : Les pays industrialiss nont pas besoin du FMI. Les pays mergents prfrent dsormais lever des capitaux sur les marchs internationaux. Le FMI nest donc incontournable que pour les pays les plus pauvres dont leffondrement financier serait indolore pour le reste du monde. Dans ces conditions, son rle dintermdiaire financier auprs des pays en dveloppement sest normment rtrci, et avec lui la tutelle quil exerait sur les politiques conomiques. Sans moyens de pression, le FMI a encore plus de mal assurer sa mission premire, la stabilit financire de la plante.
Que le FMI ait des concurrents est une nouveaut. Ces concurrents, ce sont les banques rgionales de dveloppement, comme la Corporation andine de financement ou la Banque europenne dinvestissement. Pour nombre dexperts, ces banques plus proches de la ralit du terrain, plus ractives, moins contraignantes doivent tre au cur dune rforme du systme financier international (voir article ci-joint).
Les concurrents du FMI sont aussi les pays mergents qui disposent de rserves financires gigantesques. Sappuyant sur les revenus des hydrocarbures, le Venezuela par exemple sert de bailleur de fonds la Bolivie et lEquateur. Le champion en la matire est la Chine, qui dispose de 1200 milliards de dollars dans ses caisses, soit 20 % des rserves de changes mondiales. De quoi acheter les 20 premires entreprises franaises. Pour satisfaire ses besoins en nergie, Pkin se rapproche de lAfrique et, dans le cadre de son Fonds de dveloppement Chine-Afrique, a dj promis 5 milliards daide bilatrale au continent, une somme qui devrait bientt passer 20 milliards. En comparaison, la Banque mondiale a accord 2,6 milliards de dollars de crdits aux pays subsahariens en 2006. La Chine est cependant critique pour consentir des prts, certes des conditions avantageuses, mais en ne respectant aucun des critres dimpact environnemental ou de bonne gouvernance imposs par les agences financires internationales. Reste que la perte dinfluence de ces dernires est indniable.


La Banque mondiale subit-elle les mmes revers que le FMI ?

La dmission force du prsident de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz (pour avoir accord une large augmentation de salaire sa compagne, employe de linstitution), a terni limage de lagence. Elle illustre les drives dun pouvoir trop concentr et dune organisation intrieure insuffisamment transparente. Le successeur de Paul Wolfowitz est Robert Zoellick, lancien secrtaire amricain au Commerce, connu pour ses positions librales. Il a notamment dfendu le protectionnisme amricain en matire agricole, qui constitue souvent un handicap pour les pays du Sud. Inquitant de la part du futur patron dune agence de dveloppement !
Nanmoins, la Banque mondiale sest davantage rforme que le FMI, et surtout plus tt. Elle est donc aujourdhui moins secoue par une crise de confiance. En 2000, ladoption par la communaut internationale des Objectifs du millnaire devant aboutir une rduction de moiti de la pauvret dici 2015 lui a fix un cap prcis et un nouveau cadre daction. En outre, la Banque mondiale nest pas seulement une institution financire ; cest aussi un organisme dexpertise dont la qualit des tudes sur tous les sujets de la menace sur les forts aux enjeux ptroliers en passant par les ambitions du Brsil est unanimement reconnue.
Mais comme le FMI, la Banque mondiale voit certains de ses clients se tourner vers les marchs des capitaux pour financer leurs projets. Dans des proportions moindres que le Fonds montaire international et qui ne mettent pas en pril son bilan, mais la menace existe. Surtout, la Banque mondiale fait face une concurrence nouvelle : celle de pays comme la Chine, on la vu, mais aussi dacteurs privs comme la Fondation Bill et Melinda Gates ou la Fondation Soros qui investissent des fortunes dans laide au dveloppement ou la lutte contre la sida. Des organismes publics aussi, comme Onusida ou lUnion europenne, concurrencent aussi la Banque mondiale. Les chiffres lattestent : le Fonds de dveloppement de lUE dispose dun budget de 10,4 milliards de dollars. De son ct, en 2006, la Fondation Bill et Melinda Gates a financ des programmes de sant ou de formation pour 28,8 milliards de dollars. Les pays rcipiendaires se flicitent videmment de cette multiplication des aides. Mais pour la Banque mondiale, cela constitue autant de menaces son influence.


Jean PIEL

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