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05/06/2007
Questions internationales (2)
Comment rformer le systme financier international ?


(MFI) La Banque mondiale et le FMI, trs critiqus dans leurs missions et leur organisation, doivent imprativement se rformer. Des conomistes suggrent aussi de renforcer le rle de lOnu, des Ong et des banques rgionales de dveloppement pour mieux rguler le systme financier mondial et laide aux pays les plus pauvres.



Tous les spcialistes saccordent sur le diagnostic : linadquation est croissante entre des institutions financires, cres en 1944 largement au service des pays occidentaux, et la mondialisation actuelle de lconomie qui voit apparatre de nouveaux gants comme la Chine ou lInde. Ce constat fait, les avis divergent sur les rformes mener.
Les plus libraux estiment quil faut resserrer les boulons des finances internationales en donnant plus de pouvoirs au FMI. Leur credo : dans une conomie mondialise, les politiques fiscales et montaires dun pays riche peuvent affecter tout le systme ; il faut donc que ce soit ce systme qui rgule lconomie mondiale et non pas chaque Etat. Les diffrents pays ne seraient donc plus souverains dans la conduite de leur politique conomique. A loppos, des conomistes proches des altermondialistes suggrent de favoriser autant que possible le troc, voire de crer une monnaie mondiale unique. Les pays riches devraient reverser une partie de leurs revenus aux pays les plus pauvres afin darriver un PIB mondial harmonieux.
Entre ces deux extrmes, les propositions varient. Un consensus se fait jour pour rquilibrer les droits de vote au FMI et la Banque mondiale. En septembre dernier, la Chine, la Core du Sud, le Mexique et la Turquie ont vu leurs parts revalorises au FMI. Dici 2008, dautres pays devraient bnficier dune meilleure reprsentativit en fonction de leur PNB, de leur ouverture conomique et des flux financiers quils gnrent. Seront probablement concerns lInde, le Brsil, lArgentine, lEgypte et lAfrique du Sud. A linitiative de la France et du Royaume-Uni, le FMI a doubl la voix de base accorde chaque pays indpendamment de sa richesse. Une rforme qui permettra aux pays les moins avancs de mieux se faire entendre sans leur donner cependant de pouvoirs dcisionnels. Dans leur majorit, les Etats africains ont salu cette premire avance.


Renforcer le rle de lOnu et des Ong


Les Ong acteurs majeurs du dveloppement pourraient aussi se voir accorder des siges la Banque mondiale et au FMI. Le principe est admis ; reste dfinir la mise en uvre. Des Ong qui suivent de prs lvolution du systme financier international : ainsi un collectif dassociations humanitaires, autour de la britannique Oxfam, rclame la fin des conditions imposes aux pays pauvres pour lobtention dun prt, surtout sil sagit de libraliser ou de privatiser marche force. Une banque impose toujours des conditions ses clients qui souhaitent un crdit , rappelle le FMI. Un pays nest pas un client comme un autre , insiste Oxfam. Autres revendications des Ong : que les patrons du FMI et de la Banque mondiale soient choisis sur leur comptence et non sur leur nationalit ; que les institutions internationales cessent de financer les mga-projets dinfrastructures (autoroutes, barrages) qui ont un impact dsastreux sur les populations et lenvironnement. A fortiori lorsque ces population ne sont pas consultes sur les dits projets.
Prix Nobel dconomie en 2001, Joseph Stieglitz a t vice-prsident de la Banque mondiale de 1997 2000. Il en a dmissionn avec fracas aprs avoir dnonc la dictature des soit-disant experts qui regardent avec arrogance les pays du Sud . Selon lui, il faut placer les institutions financires au sein de lOnu. Les Nations unies ont pour rle le maintien de la paix. La bonne sant de lconomie est un lment essentiel de la paix ; lOnu doit donc en tre un acteur , crit-il. Joseph Stieglitz dnonce le fait que les politiques daide au dveloppement dfinies par des agences onusiennes comme lUnicef ou le Pnud politiques qui insistent souvent sur laide sociale et lintervention de lEtat ne psent gure face aux exigences du FMI. Il se cre une hirarchie des normes internationales qui place les recommandations du FMI au-dessus des programmes mis en uvre par les agences de lOnu. Il faut inverser cette hirarchie , insiste le prix Nobel dconomie. Lide serait darrimer statutairement le FMI et la Banque mondiale lOnu, et den faire les banquiers des organismes daide au dveloppement des Nations unies.


Limportance des banques rgionales de dveloppement

Autre piste de rforme pour le systme financier international : promouvoir les banques rgionales de dveloppement. En pratique, leur rle va croissant. Certaines ont une mission spcifique, comme la Banque europenne de reconstruction et de dveloppement qui intervient uniquement dans les anciens pays de lEst. Dautres connaissent, limage du continent quelles reprsentent, une croissance rapide ; cest le cas de la Banque asiatique de dveloppement, qui accorde 6 milliards de dollars de prts par an et 180 millions en aides techniques. Ces banques rgionales de dveloppement ont le mrite de mieux connatre la ralit des pays concerns, dtre plus accessibles, de pouvoir intervenir sur des projets plus prcis, dexiger moins de conditions leurs prts que le FMI ou la Banque mondiale. Non seulement ces banques financent des projets dinfrastructures (routes, oloducs, rseaux lectriques) ou des programmes sociaux (campagne de vaccination, lutte contre la pauvret, formation professionnelle) dans leur rgion, mais certaines commencent rguler les systmes financiers mmes. Ainsi, la Banque asiatique de dveloppement a cr, en 2000, ce quon appelle le mcanisme de Chiang Ma qui permet aux pays de la rgion de disposer immdiatement dun fonds de 80 milliards de dollars sils sont menacs dune crise financire. La Banque asiatique de dveloppement se transforme l en un mini-FMI, dont le but est videmment de prvenir une nouvelle crise financire comme celle de 1997.
LAmrique latine pourrait suivre le mme chemin. Le 22 juin 2007 sera en effet inaugure Asuncion, la capitale du Paraguay, la Banque du Sud, un tablissement dont lobjectif sera de financer des projets dinfrastructures et de dveloppement dans la moiti sud du continent amricain. Mais elle nexclut pas, dans un second temps, de rguler le systme financier rgional. Cre linitiative du bouillant prsident vnzulien Hugo Chavez, la Banque du Sud est apparue beaucoup comme un instrument contre le FMI et les Etats-Unis. Mais la prsence finalement parmi les pays fondateurs du Brsil et de lArgentine rassure les investisseurs.



Un super coordinateur des finances mondiales



Pour Nancy Birdsall, lancienne directrice gnrale de la Banque interamricaine de dveloppement, les accusations dimprialisme et de logique pro-occidentale portes contre le FMI et la Banque mondiale ne sont pas injustifies. Mais il faut aussi aider les pays en dveloppement prendre en charge leur essor, donc amliorer lefficacit de leurs administrations, leur capacit lever des impts, rformer leur appareil judiciaire. Des pays touchs par la corruption, le npotisme, la dictature apprcient rarement quon leur demande de se rformer. Mais que ce soit alors la Banque mondiale qui passe pour un mchant est un comble ! Et dajouter : La difficult du systme financier international est quil y a trop de bailleurs de fonds : des banques rgionales, lUnion europenne, des fondations prives, les agences de lOnu, des pays riches. Cela entrane une fragmentation des aides, une concurrence malsaine et, au bout du compte, de procdures plus complexes pour les pays en dveloppement. Une rforme intelligente serait de confier la Banque mondiale un rle de coordinateur entre ces diffrents intervenants afin doptimiser laide au dveloppement et de mieux rguler ainsi le systme financier international .
Dernier espoir des experts des systmes financiers : que les pays disposant de fortes rserves de change comme la Chine ou le Venezuela ne simposent pas comme les nouveaux bailleurs de fonds de la plante. Car ils risquent ni de rguler le systme, ni de dfendre des normes environnementales, dmocratiques ou de bonne gouvernance en change de leurs prts, mais plutt de considrer leurs seuls intrts politiques ou conomiques. Lattitude de la Chine lgard du Soudan illustre les drives possibles dun tel scnario.


Jean PIEL

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