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19/06/2007
Questions internationales (2)
Dans le bourbier irakien



(MFI) En approuvant lenvoi de troupes en Irak, Tony Blair a agi par conviction, non par suivisme lgard des Etats-Unis. Ce conflit tait selon lui le seul moyen de dsarmer Saddam Hussein. Mais le Premier ministre britannique a sur-estim son influence sur Washington et sous-estim les difficults de lopration. Le chaos irakien loblige abandonner prmaturment le pouvoir.


Au dbut du conflit irakien, en mars 2003, le correspondant du Monde Londres crivait propos de Tony Blair : Brve et victorieuse, sans trop de sang vers, la guerre lui donnera raison et rehaussera sa stature. Longue et humainement coteuse, elle minera gravement son autorit. Le pronostic tait juste. Quatre ans aprs le dbut des hostilits, alors que lIrak senfonce toujours un peu plus dans la guerre civile, le plus jeune Premier ministre de lHistoire du Royaume-Uni paye dun abandon prmatur du pouvoir son erreur danalyse sur le conflit et ses consquences.
Le 18 mars 2003, la Chambre des Communes, Tony Blair qui sait que lopinion publique et une large fraction de son parti sont contre lui se lance dans un vibrant plaidoyer en faveur de la guerre en Irak. Avocat de formation, orateur inspir, il croit la puissance dun raisonnement bien charpent. Lorsquil est persuad de la justesse dune cause, il en parle avec ses tripes. Cest ce qui se passe ce jour-l. Les commentateurs unanimes saluent lexcellence de son discours, et les dputs approuvent lenvoi des boys dans lancienne Msopotamie.

Le terrorisme, nouveau flau plantaire

Le chef du gouvernement britannique gagne alors les surnoms peu amnes de caniche de Bush ou de valet des Etats-Unis . Cela le blesse profondment. Car dans ce dossier, il na pas agi par suivisme, mais par conviction. Catholique pratiquant, volontiers moraliste, il croit au bien et au mal, et pense que le mal peut tre combattu par des guerres justes. Selon lui, le terrorisme de masse est le nouveau flau du monde. Lapaisement envers les dictateurs ne marche pas. Laction militaire est le seul moyen de dsarmer Saddam Hussein . En outre, Tony Blair assure que cest lui qui a averti George Bush des dangers croiss du terrorisme et des armes de destruction massive, et non linverse. Une fois la dtermination de Washington certaine, Tony Blair tire fiert davoir convaincu les Etats-Unis daller discuter lOnu. Dans les mois qui prcdent loffensive, le Premier ministre britannique enchane les voyages et rencontre 54 des principaux acteurs de la crise. Plus que George Bush, il cherche les persuader avec son charme et sa pugnacit de la justesse de la guerre venir. Lui qui tait moqu pour sa dpendance aux sondages et son besoin compulsif dtre aim, au point de souvent changer davis, ne va jamais modifier sa ligne de conduite. Il obit sans faiblir ses convictions, acceptant sereinement de devenir impopulaire.

Ne jamais faire marche arrire

Nanmoins, dans ce dossier, Tony Blair nest pas un hraut sans reproche. En septembre 2002, il affirme que Saddam Hussein a les moyens dutiliser en 45 minutes des armes de destruction massive. Rien ne viendra tayer cette accusation attribue aux services de renseignements. Dnonc publiquement comme incomptent, car il dment lexistence darmes de destruction massive en Irak, lexpert en armement David Kelly se suicide. La justice blanchira Tony Blair de toute responsabilit dans cette affaire, mais le mal est fait. Enfin, lorsque peu avant le conflit la Grande-Bretagne subodore limprparation amricaine, lorsquelle souponne les Etats-Unis de sous-valuer les difficults de laprs-guerre et les risques de chaos en Irak, Tony Blair ne change pas pour autant de politique. Comme lexplique Christopher Pissarides, professeur la London School of Economics : Tony Blair a averti George Bush du danger, mais il navait aucune prise sur les no-conservateurs qui entouraient le prsident amricain. Comme nagure Margaret Thatcher, il juge quil vaut mieux, en certaines circonstances, aller jusquau bout de ses certitudes en pariant sur un retour de la chance, plutt que faire piteusement marche arrire. De son ct, Sir Jeremy Greenstock, le premier ambassadeur britannique Bagdad, reconnaissait, dans une interview au quotidien Le Monde : Ds le dbut, lIrak nous a gliss entre les doigts.

Pch dorgueil


Cest en effet la principale critique adresse Tony Blair sur ce dossier : avoir pch par orgueil. Il a sur-estim son influence sur la Maison-Blanche et sous-estim lopposition de Jacques Chirac et surtout les difficults de la tche. Malgr son activisme pour la guerre et les coups que cela lui vaut, Tony Blair est humili par Donald Rumsfeld, alors secrtaire amricain la Dfense, qui dclare en janvier 2003 : Nous pouvons trs bien nous passer de larme britannique. Nanmoins, le jeune Premier ministre poursuit sa croisade. Il y a peu encore, interview par la BBC, il se dfendait : Je pense avoir pris la meilleure dcision pour les intrts de mon pays. Mais en visite Bagdad le 11 juin 2007, Gordon Brown, qui succdera Tony Blair le 27 juin, a t on ne peut plus assassin pour dcrire laction de son futur prdcesseur : Il a agi de bonne foi, mais des erreurs ont t commises. Pour nous, la question est dsormais de savoir comment aider efficacement les Irakiens. Le choix de lIrak comme premire visite ltranger en tant que Premier ministre adoub prouve dailleurs quel point Gordon Brown considre le dossier comme sensible.

Un retrait programm

Aujourdhui, 7 100 soldats britanniques sont dploys en Irak, essentiellement dans la rgion de Bassora ; 152 ont t tus depuis le dbut du conflit. On compte dsormais 1 200 attaques et attentats par mois dans lancienne Msopotamie, et la guerre aurait fait prs de 700 000 victimes irakiennes, en majorit des civils. Le 21 fvrier 2007, Tony Blair a annonc un calendrier de retrait progressif des troupes au grand dam des Etats-Unis officiellement du fait de la stabilisation de la situation. Un premier contingent de 1 600 hommes quittera lIrak dans les prochains mois. Les Anglais sont de plus en plus hostiles la guerre qui a largement entam le prestige de leur Premier ministre.

Jean Piel

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