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03/07/2007
Questions internationales (2)
Le discours ambigu de la communaut internationale


(MFI) Aprs la victoire du Hamas Gaza, la communaut internationale Etats-Unis et Isral en tte a promis daider le Fatah, install en Cisjordanie. Habitu aux promesses, le prsident Mahmoud Abbas attend den voir les rsultats concrets pour les Palestiniens. Certains observateurs jugent hypocrite lattitude de Washington et de Tel-Aviv qui, par leur intransigeance envers la cause palestinienne, ont favoris lmergence du Hamas.

Le pire cauchemar dIsral est en train de se produire : avoir sa frontire un territoire contrl par un mouvement islamiste entretenant dexcellentes relations avec lIran . Cest ce qucrivait le quotidien progressiste isralien Haaretz au lendemain de la victoire du Hamas Gaza. Cette nouvelle na pas surpris les chancelleries occidentales ; elle constitue nanmoins une source dinquitude. Cest pourquoi Washington, Bruxelles, Tel-Aviv, mais aussi la Jordanie et les Emirats du Golfe ont immdiatement affirm leur soutien au Fatah du prsident Mahmoud Abbas. Isral sest mme dclar prt collaborer sans restriction avec le nouveau gouvernement palestinien constitu par Mahmoud Abbas en Cisjordanie. De leur ct, les Etats-Unis et lUnion europenne ont annonc la leve des sanctions financires et diplomatiques imposes depuis plus dun an au gouvernement palestinien. Le Congrs amricain devrait mme dbloquer 86 millions de dollars daides lquipe de Mahmoud Abbas.

Laisser pourrir la situation Gaza

Selon la presse amricaine, ladministration Bush est tente par la stratgie dite de la Cisjordanie dabord , largement inspire par Isral, et qui vise renforcer le pouvoir du prsident de lAutorit palestinienne en normalisant les conditions de vie en Cisjordanie, tout en laissant la situation se dgrader dans la bande de Gaza abandonne au seul Hamas. Le contraste de niveaux de vie entre les deux territoires serait cens encourager les Palestiniens faire le choix du Fatah, avec le risque de crer Gaza un foyer dinstabilit et de violence qui pourrait dborder sur toute la rgion. Les Europens sont rservs sur cette stratgie, estimant que la rconciliation et lunit nationale sont les seuls moyens pour atteindre les objectifs nationaux palestiniens .
Reste savoir si ces premires dclarations, tant de la part des Etats-Unis que dIsral, seront suivies deffets. Le 25 juin sest tenu Charm-el-Cheikh, en Egypte, un sommet isralo-arabe pour tenter de relancer le processus de paix : les rsultats nont pas t la hauteur des esprances. Seul engagement ferme de lEtat hbreu : la libration prochaine de 250 prisonniers du Fatah dtenus dans les geles israliennes (sur 11 000 dtenus palestiniens) condition quils naient pas de sang sur les mains . Tel-Aviv a galement promis de dbloquer 600 millions de dollars quil dtient illgalement alors quils proviennent des taxes douanires dues lAutorit palestinienne. Mais le calendrier et les modalits de ce transfert de fonds nont pas t dfinis. Revenant sur ses premires dclarations aprs la victoire du Hamas Gaza, le Premier ministre isralien, Ehoud Olmert, a soulign Charm el-Cheikh quil ne souhaitait pas la relance des discussions de paix isralo-palestiniennes tant que le nouveau gouvernement de Mahmoud Abbas ntait pas stabilis . Un terme bien flou. Des rencontres entre dirigeants israliens et palestiniens devraient cependant se tenir tous les 15 jours pour tablir un horizon politique, pralable ncessaire la reprise de pourparlers sur la cration dun Etat palestinien . Quant la leve des 500 barrages de larme isralienne en Cisjordanie, qui rendent trs difficile le moindre dplacement des Palestiniens, Isral ne veut pas en entendre parler pour linstant. Rien de trs concret donc pour lAutorit palestinienne. Par ailleurs, Ehoud Olmert a promis que leau, llectricit, les vivres et les mdicaments seraient toujours livrs vers la bande de Gaza.
Selon certains observateurs, la victoire du Hamas Gaza a fait prendre conscience Isral et aux Etats-Unis quil fallait enfin accepter un vrai processus de paix et des ngociations srieuses en vue de la cration dun Etat palestinien moins de voir la rgion tomber sous la coupe de mouvements fondamentalistes. Ce serait donc une chance pour la cause palestinienne. Mais pour dautres, la lutte fratricide entre le Hamas et le Fatah arrange bien Tel-Aviv qui voit son ennemi se dchirer. Quant la victoire Gaza du Mouvement de la rsistance islamique, cest un excellent prtexte pour ne plus vouloir ngocier lavenir de la Palestine.

Thran soutient le Hamas

Peu de pays ont exprim leur soutien au Hamas aprs sa conqute de Gaza. Cest cependant le cas de lIran, qui finance le Mouvement de la rsistance islamique. Le chef des services de renseignements du Fatah a accus Thran davoir jou un rle majeur dans la victoire du Hamas. Selon lui, la Rpublique islamique aurait non seulement fourni des fonds et des armes au Hamas, mais des soldats iraniens auraient encadr ses combattants ces derniers mois. Une accusation dmentie par Ali Larijani, le prsident du Conseil de scurit national iranien : LIran ne fournit darmes ni au Hamas ni au Hezbollah libanais ni quiconque, et ne la jamais fait. Notre soutien au Hamas, comme au Hezbollah, est uniquement financier et politique. Aux dires des spcialistes cependant, Thran qui ambitionne de devenir LA puissance rgionale cherchera certainement profiter de cette victoire du Hamas pour renforcer son influence au Proche-Orient.
Le Hamas a galement reu les flicitations dAl-Qaeda par la voix de son n2, Ayman Al-Zawahiri : Nous disons nos frres, les moujahidins du Hamas, que nous nous tenons, ainsi que toute la nation musulmane, vos cts. Un soutien dont le Hamas se serait bien pass. Nous ne sommes pas des Talibans. On ne peut pas comparer les Palestiniens, peuple ouvert et duqu, des intgristes arrirs , rplique Salah Al-Bardawil, le prsident du groupe parlementaire du Hamas.

Le double-jeu dIsral et des Etats-Unis

Cette volont dune partie de la communaut internationale de voler au secours du Fatah aprs son viction de Gaza est dnonce comme une hypocrisie par nombre dobservateurs. Parmi eux, William Quandt, lancien conseiller de Jimmy Carter pour le Proche-Orient : Il est indcent de la part dIsral et des Etats-Unis de pleurer sur le sort de Mahmoud Abbas et de se lamenter sur la nouvelle crise qui met feu et sang les territoires palestiniens, alors quils nont rien fait pour aider le prsident de lAutorit palestinienne. Au contraire, lorsquen janvier 2006, le Hamas a remport dmocratiquement les lections lgislatives imposes par la communaut internationale, Washington a stopp ses aides la Palestine. Les consquences ont t dvastatrices sur le plan humanitaire et ont affaibli les institutions palestiniennes. Cet tranglement de la population a contribu la radicaliser et la jeter dans les bras du Hamas.
Pour sa part, Toby Dodge, chercheur lInstitut international des tudes stratgiques, Londres, rappelle que les Etats-Unis ont exig que le gouvernement palestinien reconnaisse Isral, rejette la violence et accepte tous les accords passs sans jamais exiger quoi que ce soit des autorits israliennes qui, depuis quarante ans, occupent la Cisjordanie et, aprs leur dpart de Gaza en 2005, ont transform ce territoire en prison ciel ouvert . Ironie du sort : cette nouvelle crise dans les territoires concide avec la publication du rapport de lenvoy spcial de lOnu au Moyen-Orient, Alvaro de Soto. Rapport dans lequel le diplomate accuse Washington et Tel-Aviv davoir encourag le chaos palestinien : Lors du retrait isralien de la bande de Gaza en 2005, Ariel Sharon en a profit pour exiger des concessions financires aux Etats-Unis alors que la construction de la barrire de scurit se poursuivait, que des colons sinstallaient en Cisjordanie et que larme isralienne soumettait Gaza un blocus () Sans subir de critiques, Isral refuse de ngocier srieusement et poursuit sa politique des faits accomplis qui rend de plus en plus difficile, voire impossible, la cration dun Etat palestinien () La communaut internationale a toujours beaucoup plus exig de lAutorit palestinienne que des dirigeants israliens, qui pourtant ne respectent pas plus la lgalit .
Le Hamas ne souhaite pas tre isol dans la bande de Gaza et espre pouvoir ngocier le sort du territoire avec les membres du Quartet (Etats-Unis, Union europenne, Russie, Onu). Mais il nest pas du tout certain que ceux-ci acceptent de discuter avec un mouvement plac par Washington sur la liste des organisations terroristes. Quant au prsident de lAutorit palestinienne, Mahmoud Abbas, il ne se fait plus gure dillusion sur les promesses de la communaut internationale. Comme il la dclar le 25 juin Charm el-Cheikh : Jattends dsormais de voir ce que les dclarations des uns et des autres vont changer concrtement pour la cause palestinienne .

Jean Piel

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