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31/07/2007 | |||
Questions internationales (2) Jean-Jacques Kourliandsky : Il existe un vrai problme de gouvernance au Mexique | |||
(MFI) Spcialiste de lAmrique latine, Jean-Jacques Kourliandsky est chercheur lInstitut des relations internationales et stratgiques (Iris). Selon lui, linsurrection dOaxaca obit avant tout des enjeux locaux. Elle tmoigne de la faiblesse du pouvoir central face des gouverneurs trop puissants. | |||
MFI : Linsurrection dOaxaca pourrait-elle facilement redmarrer aujourdhui ? Jean-Jacques Kourliandsky : Ce nest pas exclure. Cependant le contexte politique est trs diffrent. En 2006, le Mexique tait en pleine campagne lectorale pour la prsidentielle, une campagne trs polarise : droite contre gauche. Linsurrection dOaxaca avait des racines avant tout rgionales notamment la personnalit trs conteste du gouverneur de la province , mais elle sest aussi nourrie des enjeux de llection prsidentielle. Ce contexte politique a aujourdhui disparu. En outre, la rbellion a pu durer aussi longtemps car le pouvoir central tait faible. Felipe Calderon avait t lu prsident de la Rpublique de justesse, et son adversaire de gauche, Andres Manuel Lopez Obrador, refusait de reconnatre sa dfaite, parlant de fraudes lectorales, organisant des manifestations de rues. Aujourdhui, la lgitimit de Felipe Calderon nest plus conteste. Aucune rbellion, dans nimporte quelle province du Mexique, ne durerait aussi longtemps. Le gouvernement central a aussi eu lintelligence de ne pas sopposer louverture dune enqute par la Cour suprme sur les abus des forces de lordre Oaxaca. Cela devrait contribuer apaiser les esprits. Cela ne signifie videmment pas que les difficults conomiques et sociales de la province dOaxaca ont disparu. MFI : Cette insurrection ne tmoigne-t-elle pas des frustrations nes dun clivage entre le nord du Mexique, plutt riche, et le sud souvent pauvre ? J.-J. K. : Le clivage existe en effet. Mais je ne suis pas sr que cela soit la bonne cl de lecture de linsurrection dOaxaca. Le malaise est davantage celui dun Mexique fdral o le chef de lEtat a du mal imposer son autorit lensemble du pays. Il existe un vrai problme de gouvernance au Mexique. Prenez lexemple de la lutte contre le trafic de drogue que vient de lancer le prsident Felipe Calderon. Dans certaines rgions, la police fdrale doit avant tout lutter contre les autorits locales qui entretiennent les meilleures relations avec les trafiquants, et refusent dappliquer une politique dcide par Mexico. De mme, Oaxaca est dirig par un gouverneur lancienne, vieux cacique du Parti rvolutionnaire institutionnel, qui estime avoir tous les droits sur sa province et confond sans sourciller les intrts de lEtat et ses intrts personnels. Or le pouvoir central na gure de prise contre ce genre dattitude. Au Mexique, les gouverneurs ont beaucoup trop de pouvoir et le contrle citoyen est trop limit. Cest dailleurs aussi pourquoi linsurrection dOaxaca est avant tout un mouvement local qui ne risque pas davoir de rpercussions sur les autres provinces. Tout comme le conflit du Chiapas ne sest jamais tendu lensemble du Mexique. MFI : Au moment o de plus en plus de pays dAmrique latine lisent des dirigeants de gauche, le Mexique va-t-il longtemps rester une exception ? J.-J. K. : LAmrique latine nest pas homogne. La gauche qui dirige le Venezuela na rien voir avec celle au pouvoir en Argentine ou au Brsil. Le Mexique obit aussi une structure politique trs particulire. Cest un pays qui a t dirig pendant 71 ans, de 1929 2000, par le mme parti, le PRI, soit une longvit suprieure celle du Parti communiste en URSS. Le PRI a imprim un modle de parti unique, o le clientlisme est la rgle. Mme si le Mexique se dmocratise aujourdhui, il reste marqu par cette culture politique. Lorsquun parti, de droite ou de gauche, remporte les lections localement, il a ce rflexe de clientlisme. Que signifierait alors une victoire lchelon national dun parti de gauche ? Au demeurant, Andres Manuel Lopez Obrador, class gauche au Mexique, na rien voir avec Hugo Chavez. Il est beaucoup plus consensuel, beaucoup plus modr. Il ne sintresse pas une internationale de gauche, il ne dfend que des problmatiques internes au Mexique. Certains pensent que lAPPO, lAssemble populaire des peuples dOaxaca, reprsente une nouvelle gauche, moins institutionnelle, plus proche des proccupations quotidiennes de la population, plus en phase avec les syndicats et les revendications des minorits indignes. Mais lAPPO reste un mouvement local dont, en outre, la dynamique sessouffle. Il est peu connu dans le reste du Mexique. De mme, aussi clbre soit-il ltranger, le sous-commandant Marcos na jamais russi tendre son influence au-del du Chiapas. On peut aussi sinterroger sur lappartenance du Mexique lAmrique latine. Le pays est de plus en plus intgr, surtout conomiquement, lAmrique du Nord. En-dehors de la question des clandestins, des millions de Mexicains travaillent aux Etats-Unis et au Canada. Le pays est davantage tourn vers ses voisins du nord que vers ceux du sud. | |||
Jean Piel | |||
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