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07/08/2007 | |||
Bruit de bottes dans les Kivus | |||
(MFI) A peine six mois aprs la fin de la transition politique, des bruits de bottes rsonnent de nouveau dans les Kivus. Un temps silencieux, les divers groupes arms (Mai-Mai, ex-Interhamwe, militaires banyamulenge dissidents, etc.) qui ont fait la rputation sanglante de cette rgion des Grands Lacs font de nouveau parler deux. De la pire manire. | |||
La situation dans les Kivus, lest de la Rpublique dmocratique du Congo (RDC), est inquitante. Les troupes du colonel banyamulenge dissident, Laurent Nkunda, nont pas intgr larme rgulire congolaise, contrairement au scnario post-transition prvu, mais elles ont, en revanche, doubl en effectifs ; plusieurs attaques de villages attribues aux ex-Interhamwe ont eu lieu, dclenchant selon lOrganisation des Nations unies (Onu) une crise humanitaire dans les Kivus (environ 700 000 dplacs). Mais surtout, les assassinats cibls ont fait leur retour : le 18 mai, le chef de lantenne locale de lAgence nationale de renseignement tait abattu Beni ; le 13 juin, un journaliste de la plus grande radio du pays (Okapi), Serge Maheshe, tait assassin par balles avant une rencontre avec des ambassadeurs europens ; le 5 juillet, un homme daffaires, Kambale Kisoni, figurant sur la liste noire des Nations unies comme trafiquant dor, tait abattu dans son bureau Butembo ; le 11 juillet, le corps du secrtaire provincial du mouvement politique pro-tutsi RCD tait retrouv sans vie Goma. Rglements de comptes et extrmistes en action Llimination de ces notables montre que lheure est aux rglements de comptes et que les extrmistes des deux bords sont prts jeter de lhuile sur le feu. A ces meurtres politiques sajoutent les nombreux meurtres pour vols, qui participent de linscurit gnralise dans cette rgion o militaires et hommes en armes pullulent. Press par une population majoritairement anti-tutsi qui a vot pour Kabila 95 %, le gouvernement masse des troupes et des quipements lourds au Nord-Kivu et prtend rgler le problme des militaires dissidents Banyamulenge en 5 jours ! Du coup, lenvironnement rgional se dtriore : le ministre des Affaires trangres rwandais a report annul, disent certains sa visite Kinshasa et, au Burundi, les Forces nationales de libration qui avaient rejoint le gouvernement dunion veulent reprendre le maquis. Un tlescopage entre un renouveau de la violence au Burundi et les tensions kivutiennes nest plus exclure. Les communiqus exprimant une profonde inquitude se succdent un rythme soutenu en provenance de toutes les capitales diplomatiques : la prsidence du Conseil de Scurit vient dadresser un avertissement ceux qui voudraient relancer les hostilits et les pompiers de la rgion (Karel de Gutch, le ministre belge des Affaires trangres, et Louis Michel, le commissaire europen, ex-ministre belge des Affaires trangres) ont fait, 24 heures dintervalle, des dplacements clairs Kinshasa. Pour autant, en cette priode de renouvellement massif des ambassadeurs Kinshasa, rien ne garantit que les avertissements et conseils diplomatiques, si bruyants soient-ils, soient entendus. Alors, comme lpoque de Mobutu, le destin de la fragile dmocratie congolaise pourrait se jouer dans les Kivus. La lgitimit des casques bleus seffrite peu peu Si les casques bleus taient une arme nationale, on nhsiterait pas parler de bourbier congolais pour qualifier lengagement des Nations unies en RDC. Comme les Etats-Unis en Irak ou, bien avant, au Vietnam, les Nations unies sont enlises en RDC : les casques bleus ne sont pas capables de pacifier le pays et, en mme temps, leur dpart accrotrait fortement le risque dun retour de la guerre. Les Nations unies sont donc condamnes rester sans progresser et voir leur lgitimit seffriter quotidiennement. Car toute arme enlise est une arme qui se comporte mal ! Selon des documents internes, des casques bleus de la Mission de lOrganisation des Nations unies en Rpublique dmocratique du Congo (Monuc) ont, pendant des mois en 2005 et 2006, chang des rations alimentaires et du renseignement contre de lor et des dollars avec les rebelles des Forces dmocratiques de libration du Rwanda (FDLR, les ex-gnocidaires hutus Interhamwe de 1994, rfugis dans les Kivus depuis le gnocide). Des casques bleus du contingent indien, alors command par le gnral Gudapati Venkata Satyanarayana, taient bass Nyabiondo, dans le Nord Kivu : la localit comporte des mines dor sous contrle des FDLR. Dcouvert par les services de la MONUC en 2006, ce trafic a abouti au relvement du contingent incrimin, au remplacement du gnral indien par un de ses compatriotes et louverture dune enqute du dpartement des investigations internes de lONU. Mais, daprs des sources onusiennes, ce trafic na pas cess et aucun militaire indien na t inquit alors que les casques bleus ne se contentaient pas de faire du commerce avec des gnocidaires mais les prvenaient aussi des oprations militaires contre eux. Cest la seconde fois que les casques bleus trempent dans un trafic dor quils sont censs empcher en RDC. Des casques bleus pakistanais (un autre grand pays contributeur de troupes pour les oprations de maintien de la paix) sont viss par une enqute interne de lOnu pour trafic dor avec des miliciens du FNI en Ituri. Selon la BBC qui avait rvl laffaire, ces casques bleus rendaient en secret aux miliciens les armes saisies dans le cadre du programme de dsarmement. L aussi aucune sanction na t prise contre des casques bleus qui sabotaient sciemment leur mission de paix. Pour les Congolais, limpunit qui rgne dans leur pays a contamin lONU. Thierry Vircoulon Alerte lintolrance (MFI) Le bilan des six premiers mois du nouveau gouvernement de la Rpublique dmocratique du Congo est inquitant, crit Franois Grignon, directeur du programme Afrique de lONG Crisis Group dans le quotidien franais Le Monde du 21 juillet 2007. Il est marqu par lusage disproportionn de la force contre des opposants, le recours la corruption pour parvenir ses fins et un dangereux regain de tensions dans les provinces de lEst. En toute logique, lONG classe, dans son bulletin de prvisions pour le mois daot, la Rpublique dmocratique du Congo comme prsentant un risque de conflit accru lest. Dans son rapport du 5 juillet (Congo : consolider la paix, rapport Afrique n128), lONG prcisait dj : La tenue des lections en Rpublique dmocratique du Congo a constitu une avance notoire pour le processus de paix mais beaucoup reste encore faire pour en retirer tous les bnfices. Sil est peu probable quune vritable guerre reprenne, les violences au Bas-Congo et Kinshasa dbut 2007, qui ont fait plus de 400 morts, et les nouvelles menaces de guerre dans les Kivus rappellent encore combien le pays reste fragile. Pour sa part, la Mission de lOrganisation des Nations Unies en Rpublique dmocratique du Congo publiait, le 3 aot, un communiqu dans lequel elle notait avec une trs grande inquitude la multiplication de rumeurs, de discours, de tracts, dmissions de radio et de tlvision, darticles de presse, ou de manipulation des foules, faisant appel lincitation la haine intercommunautaire, ethnique ou tribale, lintolrance, lexclusion et la xnophobie. De tels propos sont tenus et colports avec une frquence grandissante dans plusieurs parties de la RDC, notamment Kinshasa et lEst de la RDC, en particulier dans les Kivus, o le risque de voir se creuser davantage le foss entre les diverses communauts qui y vivent est bien rel.[] Quils soient le fruit de lexpression dune frustration spontane ou de campagnes dlibres, ces propos sont inadmissibles et inacceptables. Ceux qui tentent de manipuler la population pour servir leurs propres desseins, quels quils soient, ne devraient pas oublier les consquences tragiques de tels agissements dans lhistoire de la RDC et de bien dautres pays. Ariane Poissonnier | |||
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