| |||
04/09/2007 | |||
Questions internationales (2) Les pouvoirs du roi limitent louverture politique au Maroc | |||
(MFI) Spcialiste du Maghreb, Khadija Mohsen-Finan est charge de recherche lInstitut franais des relations internationales (Ifri). Selon elle, la victoire des islamistes modrs du PJD aux lections lgislatives est certaine. Ce qui ne bouleversera pas pour autant la vie politique du royaume. | |||
MFI : O en est la transition dmocratique au Maroc ? Khadija Mohsen-Finan : Cette transition dmocratique est une ralit. Si on compare la scne politique actuelle ce quelle tait il y a dix ans, lvolution est marquante. Il existe dsormais une vie politique active au Maroc, des dbats publics. Beaucoup de tabous sont tombs. La preuve de cette ouverture est videmment que le Parti de la justice et du dveloppement soit mme de remporter les prochaines lections lgislatives. Certains observateurs avaient pari sur une large ouverture de la socit larrive au pouvoir de Mohammed VI en 1999. Leur espoir a t du. La presse est toujours surveille, mme si elle fait preuve de plus daudace que par le pass. Les associations ne jouissent pas dune totale libert non plus. Nanmoins, il ne faut pas ngliger certaines avances comme la rforme du code de la famille obtenue suite aux revendications des mouvements fministes. MFI : Est-il donc encore trop tt pour qualifier le Maroc de dmocratie ? KMF : Oui, certainement. Par exemple, peu importe le nombre de voix quobtient le PJD. En ralit, le nombre de ses dputs sera ngoci avec le ministre de lIntrieur et le Palais royal. Il faut tre conscient que le Maroc reste un pays traditionnel. Le paradoxe est que les Marocains rclament plus de liberts mais quen mme temps, ils reprochent au roi son absence dautorit. Ainsi, lorsque Mohammed VI a rcemment mis au pas plusieurs journaux, les protestations sont venues dEurope. Pas du Maroc o la majorit de la population estime en effet que la presse ne doit pas aller trop loin. Les Marocains veulent un roi puissant, visible, avec une autorit affirme. Ce pouvoir du roi limite louverture politique. Le Maroc nest pas une monarchie constitutionnelle : le gouvernement na pas de pouvoir, le Parlement en a peu et le monarque en a beaucoup. La libralisation politique est dose par le Palais, selon sa volont, dans le respect du systme. Trois lignes rouges sont infranchissables : lislam, la personne du roi et lintgrit territoriale. Certains intellectuels ou militants politiques voquent lide dun monarque constitutionnel. La difficult est de dfinir ltendue et les limites de ses pouvoirs. Il ne faut pas oublier que le roi est le Commandeur des croyants ; cest par dfinition un pouvoir qui ne se limite pas. De mme, il est le garant de lunit territoriale. Historiquement, la nation marocaine nexistait pas avant le sultanat. Cest lallgeance des diffrentes tribus au sultan, puis au roi, qui ont dfini les frontires. Lenjeu est donc sensible. MFI : Que reprsente pour la vie politique du royaume la probable victoire du PJD aux lections lgislatives ? KMF : La victoire des islamistes modrs du PJD est inluctable, mais dans les limites que jai indiques prcdemment. Le nombre de leurs lus sera ngoci avec le ministre de lIntrieur et le Palais, et le Parlement a peu de pouvoir au Maroc. Dune certaine faon, le PJD a dj gagn les lections. Il a men une excellente campagne et sest impos comme un parti de masse moderne. Tout comme lAKP en Turquie, le PJD entend conqurir le pouvoir par sa forte implantation locale. Son objectif est de mettre la population en adquation avec son identit arabo-musulmane. Concrtement, cela signifie tourner davantage le pays vers le Moyen-Orient, moraliser la socit, encadrer le droit des femmes, restreindre la consommation dalcool Le PJD est un parti religieux, pas un mouvement extrmiste. Il entretient de mauvaises relations avec les groupes fondamentalistes salafistes. Pour ces derniers, le PJD est infod au pouvoir. Son secrtaire gnral, Sad Eddine Othmani, tient un discours modr. Certes, dautres membres du PJD suivent une ligne plus radicale, plus populiste. Cela correspond un partage des rles entre Sad Eddine Othmani et ses collgues. Reste savoir pour quelle tendance votent les lecteurs. Car le PJD rpond une attente des Marocains dus par les partis traditionnels, dsireux dun repli identitaire et attachs leur foi musulmane. MFI : Le roi pourrait-il nommer Sad Eddine Othmani au poste de Premier ministre ? KMF : Je ne le crois pas. Mohammed VI na pas envie dun tte--tte avec les islamistes. Cela lobligerait grer trop dinconnues. Le Palais entend maintenir ses distances avec un mouvement quil connat mal, apprcie peu. Et qui dispose dune forte base populaire. | |||
Propos recueillis par Jean Piel | |||
|