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25/09/2007 | |||
Questions internationales (1) Internet en libert surveille | |||
(MFI) Les Ong estiment 25 le nombre de pays qui censurent Internet des degrs divers ; 64 cyberdissidents croupissent actuellement en prison, dont la majorit en Chine. Le Web est un lieu dchange dides qui fait peur aux rgimes autoritaires. Les internautes cependant savent contourner les interdits : surveiller totalement le Net est impossible. | |||
Quels sont les pays qui censurent le plus Internet ? Mdecin de 34 ans, Pham Hong Son a eu la mauvaise ide de diffuser sur Internet la traduction dun article dune revue amricaine, intitul Quest ce que la dmocratie ? . Les autorits vietnamiennes lont condamn 13 ans de prison pour espionnage, calomnie et diffusion dinformations dangereuses . En Tunisie, Zouhair Yahyaoui est dcd en 2005, 36 ans seulement, dune crise cardiaque aprs avoir pass plusieurs annes derrire les barreaux. Plus connu sous le nom de plume dEttounsi, il avait cr le site TuneZine qui brocardait rgulirement le rgime du prsident Ben Ali. On pourrait ainsi multiplier les exemples. Selon lassociation Reporters sans Frontires (RSF), il y aurait 64 cyberdissidents dtenus dans le monde, dont 50 rien quen Chine. Pour sa part, OpenNetInitiative (ONI) un organisme qui runit des universitaires canadiens, amricains et britanniques estime 25 au moins le nombre de pays qui censurent la Toile pour des raisons conomiques, politiques ou sociales. Cest notamment le cas, en Asie, de la Birmanie, du Vietnam, de la Chine, des deux Core ; en Afrique, de lEgypte, de la Tunisie, du Soudan et de la Libye ; au Proche-Orient, de la Syrie, de lIran et de lArabie Saoudite ; en Europe, de la Bilorussie et de la Georgie, et sur le continent amricain de Cuba. Au moins 200 000 sites dans le monde sont filtrs ou inaccessibles. Internet est un formidable outil pour diffuser immdiatement et au plus grand nombre des informations, des ides, des photos Cest devenu, dans les pays dmocratiques, un outil essentiel de la vie politique et sociale, allant jusqu faire merger un journalisme-citoyen . Il est donc peu surprenant que des dictatures et mme des jeunes et fragiles dmocraties mettent tout en uvre pour le contrler. Il y a seulement cinq ans, peu de gouvernements surveillaient Internet. Aujourdhui, non seulement de plus en plus de pays le font, mais au-del des contenus, ils interdisent parfois des plates-formes compltes dinformation, comme YouTube ou Google Maps, voire des moteurs de recherche. Une fois que le filtrage commence, il est appliqu un nombre croissant de sujets , constate John Palfrey, lun des membres dONI. Cette aggravation de la censure tient videmment au nombre croissant dinternautes, de blogueurs et de sites. Rien quen Chine, on estime 162 millions le nombre dinternautes. Comment concrtement Internet est-il censur ? Trois moyens principaux existent. Primo, empcher la visite de certains sites en exigeant des fournisseurs daccs quils bloquent tout acheminement de la demande vers le site en question. Par exemple, les internautes chinois ne peuvent techniquement pas surfer sur les pages de lOng amricaine Human Rights Watch in China. La recherche dun site suppos subversif conduit laffichage dune page derreur. Secundo, supprimer certains sites dans lindex des moteurs de recherche. Le site en question est alors toujours accessible, mais introuvable via les principaux moteurs de recherche. Cela restreint le risque quil soit visit. A ce niveau, un test est facile raliser : faites une recherche dimages pour Tian an men sur Google.com, vous trouverez aussi bien des photos de la clbre place de Pkin que des clichs des manifestations de 1989 en faveur de la dmocratie. Sur Google.cn, la version chinoise du premier moteur de recherche au monde, les deux types de photos existent encore, mais celles des manifestations sont moins nombreuses et renvoyes en fin de classement. Enfin sur Baidu.com, le moteur de recherche chinois, les internautes nauront droit qu des photos touristiques et celles de familles heureuses visitant la grande place. Troisime possibilit enfin, la censure peut sexercer directement grce aux logiciels commercialiss dans certains pays. Ainsi il est possible dempcher la cration de blogs ou la mise en ligne de contributions contenant certains mots-cls comme dmocratie ou libert De mme, si ces mots-cls se retrouvent dans un e-mail, le message narrivera jamais au destinataire. A Cuba, les logiciels ferment automatiquement tout programme contenant le mot Fidel . Si les autorits cubaines considrent Fidel comme un mot subversif, vous imaginez le niveau de la censure dInternet dans lle , ironise un responsable de RSF. Tout ordinateur possde une identification, ce quon appelle un IP, et peut donc tre surveill, tout comme il peut tre pirat. Des associations humanitaires, mais aussi des universitaires et des hommes politiques, accusent des grandes entreprises amricaines, comme Cisco (le premier fabricant mondial de routeurs ) ou les moteurs de recherche Yahoo et Google, de se rendre complices pour des raisons commerciales de la rpression du Web (voir article ci-aprs). Celles-ci dmentent sans toujours convaincre, et affirment ne pas tre responsables du mauvais usage que des gouvernements font de leurs outils. Au-del des techniques, comment sorganise cette censure dInternet ? Le meilleur moyen de contrler Internet est dj den limiter laccs. En Core du Nord et au Turkmnistan, seuls quelques hauts fonctionnaires ont le droit de surfer sur la Toile. A Cuba, peu de personnes possdent un ordinateur, et les quelques privilgis doivent justifier dune raison valable pour sabonner au Net. Autant dire que les connexions prives sont rares. En outre, elles sont trs lentes. Certes, des cybercafs ont ouvert La Havane, mais ils sont trop chers pour la majorit des Cubains. Dune manire gnrale, dans les pays o les tlcommunications sont un monopole dEtat, et o le nombre de personnes mme culturellement et financirement dutiliser Internet est faible, la surveillance est facile. Tout abonn doit remplir de multiples questionnaires. Au Vietnam, en Tunisie, en Egypte, en Birmanie, la lgislation impose aux fournisseurs daccs et aux propritaires de cybercafs dinstaller des logiciels de surveillance, de conserver des informations sur leurs clients et de dnoncer tout comportement suspect. Ds quon sassoit dans un cybercaf Rangoon, on croise tout de suite un soi-disant tudiant qui vient faire votre connaissance, tout en jetant des coups dil peine discrets sur votre cran , samuse un journaliste qui se rend rgulirement en Birmanie. Cette pression a pour rsultat une forte autocensure. Certains pays ont peine besoin de dployer des policiers ; les propritaires de cybercafs et les fournisseurs daccs sont les premiers dlateurs car ils ne veulent pas perdre leur business, ou deux-mmes ils effacent les phrases suspectes dans les blogs et les e-mails. Quant aux internautes, nombre dentre eux se savent surveills ; ils ne visitent donc que des sites ludiques. Cest un terrible appauvrissement dInternet , regrette John Palfrey. En Chine, cete pression sur les internautes est encore plus directe. Sur les forums de discussion, deux petits avatars de policiers surnomms Jungjing et Chacha saffichent en permanence lcran avec le message : Internautes, la police virtuelle vous regarde. Il suffit de cliquer sur ces avatars pour dnoncer, la vraie police cette fois-ci, tout message contenu pornographique, pro-Taiwan, hostile au Parti communiste ou contraire lordre public. Cest ainsi que dans les 25 pays cits par lONI comme censurant la Toile sont bloqus ou trs surveills tous les sites de lopposition, des associations de dfense des droits de lhomme et des mdias trangers, les blogs critiquant le pouvoir et, dune manire gnrale, comme le prvoit la loi vietnamienne, tous les messages qui sopposent lEtat, dstabilisent la scurit, lconomie ou lordre social et incitent lopposition . Un texte suffisamment flou pour arrter quiconque. La politique nest pas le seul sujet dinquitude pour les gouvernants. En Iran, en Arabie Saoudite ou en Egypte, les sites immoraux sont interdits, cest--dire ceux proposant des jeux dargent, dfendant les droits des femmes, favorisant les rencontres entre homosexuels Lordre moral de la rue se retrouve sur le Web. Dans la pninsule arabique, la censure touche aussi les sites chiites et israliens. Cette censure peut tre gomtrie variable. Un vnement organis dans une capitale peut inciter les dirigeants relcher quelques jours leur emprise pour donner une meilleure image du pays. Internet sera certainement plus libre en Chine pendant les JO de Pkin. De mme, lInde dmocratique a ferm quelques jours plusieurs sites islamistes et nationalistes aprs une srie dattentats attribue au Pakistan. Enfin la Core du Sud o le nombre dinternautes est en pourcentage lun des plus importants au monde ne surveille que les contenus favorables la Core du Nord , souligne Ron Deibert, un politologue canadien, crateur de Citizen Lab. Aux dires des spcialistes, le drame de la censure dInternet est quelle constitue une atteinte la libert dexpression, mais quelle est peu visible puisque individualise. Rien voir avec le choc que reprsentent les images de rpression dune manifestation. Un touriste en visite La Havane ou Saigon peut croire que tout va bien puisquil pourra sans difficult consulter ses e-mails dans un cybercaf. Ce nest pas lui qui, pour avoir tap le terme droits de lhomme , verra sur son cran safficher : Ce programme fermera dans quelques secondes pour raisons lies la scurit de lEtat . Le contrle dInternet est-il vraiment efficace ? Pas toujours. Tout dpend en fait de la population des pays et du niveau dautoritarisme des dirigeants. En Core du Nord et au Turkmnistan, dont les frontires sont fermes, les habitants relativement peu nombreux et la dictature absolue, le contrle du Net est total. Il ny a dailleurs pas de cyberdissidents puisque pas daccs Internet. Ailleurs, en Syrie, en Chine, en Egypte ou en Tunisie, ceux qui utilisent Internet pour critiquer le rgime ou proposer un autre regard sur le monde sont harcels, arrts, parfois condamns des peines de prison, leur matriel informatique dtruit. Consulter un site Internet catalogu subversif ne suffit pas vous envoyer derrire les barreaux. Tout au plus serez-vous menac, fich, votre abonnement rsili. De quoi dcourager la majorit. Les cyberdissidents sont ceux qui utilisent activement la Toile pour faire passer des messages. Ils seraient 64 en dtention. Cest beaucoup trop, mais cest aussi trs peu compar aux millions dinternautes. Il est possible de passer entre les mailles de la censure , explique Ron Deibert. Appelons-le Ahmed, ce blogueur gyptien interview par lhebdomadaire Tlrama. Comme il le raconte : En Egypte, les forums de discussion et les blogs sont trs surveills. Certains sujets sont tabous, comme le prsident Moubarak ou la religion. Mais il est possible de dire beaucoup de choses en y mettant les formes ; passer par le conte, lhumour, des expressions codes. Il suffit dtre un peu subtil. Et un de ses amis dajouter : Plus on a de sources dinformations, plus on communique, plus la libert progresse. Les chanes satellitaires ont dj largi laccs linformation. Internet reprsente une tape de plus car on sy exprime. Certes, cest rserv ceux qui savent lire et crire, et disposent de quelques moyens. Pour Nguyen Thanh Giang, un militant des droits de lhomme vietnamien, interview dans Times Asia : Quelles que soient les manuvres du pouvoir, les forums de discussion ont acclr le processus dmocratique. La Chine illustre les limites du contrle dInternet. Les 40 000 policiers affects la traque des cyber-contestataires ne parviennent pas empcher le Web de simposer comme une formidable caisse de rsonance des attentes et des mcontentements de la socit civile. Certes, lautocensure est la rgle ; les hbergeurs de blogs reoivent tous les mois la liste des sujets interdits. Mais en mai dernier, le gouvernement a renonc obliger les blogueurs senregistrer sous leur vritable identit. Impossible mettre en uvre dans un pays qui compte 162 millions dinternautes, 20 millions de blogueurs et au moins un million de sites locaux. Quelques exemples : Xiamen (dans le sud-est du pays), un militant cologiste a russi, grce son blog, mobiliser les habitants contre le projet de construction dune centrale ptrochimique. Son message avait t lu par un million de personnes. La presse na pas parl de la manifestation, mais des participants lont filme avec leur tlphone portable, puis diffuse sur le Net. De mme, un scandale desclavage dans des briqueteries du Hnan a t rvl par la tlvision, mais est devenu une affaire nationale grce Internet o les parents denfants disparus ont fait circuler des ptitions. La grande muraille de la censure est de plus en plus virtuelle en Chine ; rien ne semble pouvoir arrter linformation , se flicite OpenNetInitiative. Comme lcrit Eric Sauted, un Franais install Macao et spcialiste dInternet en Chine : Un nombre croissant de forum permet aux Chinois dexprimer leur colre sur les ingalits sociales, la mdiocrit du systme de sant ou les abus de pouvoir de chefs locaux du Parti communiste. Cest ainsi qu leur manire de plus en plus de Chinois deviennent dissidents sans tre politiquement organiss . La censure sur Internet ressemble un gigantesque jeu du chat et de la souris. Ceux qui veulent diffuser ou lire des contenus dits subversifs multiplient les stratgies de contournement, tant sur le plan technique que sur la forme de leurs messages. Mais les autorits sont, elles aussi, de plus en plus performantes dans leur traque. | |||
Jean Piel | |||
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