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| 07/11/2007 | |||
| Questions internationales (1) Iran : les Pasdarans au cur de la crise avec lOccident | |||
| (MFI) Le 25 octobre dernier, les Etats-Unis ont adopt des sanctions financires contre lIran en raison de la poursuite de son programme nuclaire. Ces sanctions visent les Pasdarans, une arme parallle qui tient les leviers du pouvoir Thran. Le prsident Mahmoud Ahmadinejad en est un ancien officier. Portrait de ce mouvement qui, au-del de son influence politique et militaire, contrle des pans entiers de lconomie. | |||
| Dans quel contexte sont ns les Pasdarans ? Le 5 mai 1979, layatollah Khomeiny fonde les Sepah- Pasdaran, les Gardiens de la rvolution. Il vient de semparer du pouvoir Thran et se mfie des anciennes troupes du Chah. Il veut crer un contrepoids linfluence de larme rgulire en formant une arme idologique dont la mission est de dfendre la rvolution islamique. Etre les yeux et les oreilles du nouveau rgime contre les ennemis de lintrieur , pour reprendre lexpression du politologue Sad Leylaz. Juste aprs la rvolution, nous craignions un coup dEtat militaire ou une intervention amricaine. Lide tait de mobiliser les Iraniens dans une arme populaire, comme en Isral ou aux Etats-Unis avec la Garde nationale. Il ne faut pas oublier qualors, aprs la dictature du Chah, le nouveau rgime reprsentait un rel espoir pour les Iraniens , explique Mohsen Sazegara, un des fondateurs des Pasdarans aujourdhui rfugi aux Etats-Unis. Officiellement, leur raison dtre est toujours la mme. Les gardiens de la rvolution se considrent comme les dfenseurs de la rvolution islamique, de ses ralisations, de lidologie et des valeurs de limam Khomeiny. Notre mission principale est darrter ceux qui souhaitent dtruire et renverser la rvolution islamique , dclarait encore en 2003 leur commandant en chef, Yahya Rahim Safavi. Mais ds1980, lors du dclenchement de la guerre contre lIrak, les Pasdarans se transforment. Darme parallle, ils sont traits comme une arme classique bnficiant de la totale confiance du pouvoir. Ce sont eux, pour lessentiel, qui figurent sur les portraits des martyrs de cette guerre, placards partout dans Thran. Les Gardiens de la rvolution seraient aujourdhui 130 000, rpartis entre Forces terrestres (105 000 hommes), Aviation (5 000 hommes) et Marine (20 000 hommes). Ils sont mieux arms et mieux pays que larme rgulire et dpendent directement du Guide suprme de la Rpublique islamique, layatollah Ali Khamenei et non pas du ministre de la Dfense. Disposant dun arsenal de pointe, ils commandent les units quipes du missile Shahab-3, dune porte suffisante pour frapper Isral. Quel est aujourdhui le pouvoir militaire des Pasdarans ? Le rle militaire des Pasdarans est essentiel dans une rgion instable o les rumeurs de guerre vont bon train (voir larticle suivant, Bruits de bottes autour de lIran). Au plan intrieur, il leur assure un pouvoir immense. Outre leur 130 000 hommes, les Pasdarans disposent de deux forces dappoint. Dune part les Bassidji, sorte de milices antimeutes bases lentre des avenues des grandes villes, spcialistes du coup de poing contre les manifestants, en particulier les tudiants. Dautre part les units Al-Qods, qui mnent les missions de renseignement et les oprations clandestines ltranger. Les units Al-Qods ont contribu la formation du Hezbollah libanais au dbut des annes 1980 et continuent lentraner. Elles lui auraient notamment fourni les missiles antichars et les roquettes qui lui ont permis de rsister loffensive isralienne lt 2006. Les units Al-Qods paulent galement le Hamas en Palestine, et les insurgs chiites en Irak. On retrouve aussi leur trace en Afghanistan. Cest pourquoi les Etats-Unis les ont particulirement dans le collimateur. Plusieurs de leurs membres ont t arrts par les forces amricaines en Irak. Mais les Pasdarans ont aussi fait prisonniers, en mars dernier, des soldats britanniques qui opraient dans le Chatt al-Arab. Les units Al-Qods sont le bras arm de lexportation de la rvolution islamique. Cest le vecteur de dstabilisation rgionale utilis par lIran , expliquait Abbas Milani, le directeur des tudes iraniennes luniversit de Stanford, dans Le Monde. Quelle est linfluence politique des Pasdarans ? A en croire de nombreux observateurs, les Pasdarans dtiennent la ralit du pouvoir Thran. Leur rle-cl dans le programme nuclaire iranien les place au cur de la crise entre la Rpublique islamique et les pays occidentaux. Cest pourquoi les sanctions amricaines adoptes le 25 octobre dernier gel des avoirs dune vingtaine dinstitutions iraniennes les visent directement. Au mois daot, Washington avait envisag dinscrire les Gardiens de la rvolution sur la liste des organisations terroristes, ce qui aurait t une premire contre une force militaire officielle dun pays. Cest rest pour linstant une menace, les allis des Etats-Unis ne voulant pas mlanger le dossier nuclaire et les affaires de terrorisme. Les dirigeants des Pasdarans ne sont plus les vaillants soldats de la guerre contre lIrak. Ils ont aujourdhui une cinquantaine dannes et appartiennent llite politique et la bourgeoise daffaires iraniennes. Derrire la faade dune existence pieuse et modeste, ils vivent dans les quartiers chics de la capitale et roulent en Mercedes, tandis que leurs femmes et leurs filles shabillent Paris , ironisait le quotidien conservateur britannique The Telegraph. Les annes 1990 celles de la reconstruction de lIran aprs la guerre ont t un tremplin pour les Pasdarans. Leur statut de hros du conflit leur a permis dobtenir des postes-cls dans ladministration, et surtout on le verra la direction de nombreuses entreprises. En 1997, lorsque le rformateur Mohammed Khatami est lu la prsidence de la Rpublique, le Guide suprme, Ali Khamenei, va utiliser les Pasdarans pour contrer les initiatives de cet homme ses yeux trop populaire, trop libral et trop ouvert sur lOccident. Cela a t une erreur terrible de la part de layatollah Khamenei. Les Gardiens de la rvolution qui disposaient dj dargent et darmement ont alors reu en prime linfluence politique. Ctait leur offrir le pouvoir sur un plateau , analyse Mohsen Sazegara. Llection la magistrature suprme de Mahmoud Ahmadinejad en juin 2005 lui-mme ancien officier pasdaran , a encore renforc leur emprise sur la vie politique iranienne. Les Pasdarans ont fait lire Mahmoud Ahmadinejad. En rien le scrutin de 2005 na t libre , accuse Abbas Milani. Dsormais, les Pasdarans dtiennent les deux-tiers des siges au Majlis (Parlement) et vingt postes de ministres. On les retrouve la tte des mdia officiels ainsi que de toutes les agences gouvernementales o se prennent les principales dcisions comme le Conseil suprme de scurit nationale, en charge du programme nuclaire. Quen est-il de leur pouvoir conomique ? Banque, armement, industrie lourde, transport Les Gardiens de la rvolution sont prsents dans tous les secteurs. Au lendemain du conflit contre lIrak, les autorits iraniennes leurs ont donn les cls du complexe militaro-industriel. Depuis, ils ont su se diversifier au point de contrler des pans entiers de lconomie. Ainsi dirigent-ils laroport de Thran, le rseau de tlphonie mobile, lentreprise de construction du mtro, plusieurs htels de luxe, les principales banques daffaires du pays. En 2006, ils auraient dcroch pour 12 milliards de dollars de contrats. Une de leur principale source de revenus : le secteur des hydrocarbures. En juin 2006, ils ont remport le contrat de dveloppement de limmense champ gazier de Pars-Sud, pour un montant valu deux milliards de dollars. Et lune de leurs dernires acquisitions, Oriental Kish, est la plus importante socit ptrolire prive iranienne. Ce sont les Pasdarans qui concdent des firmes trangres les droits dexploitation des puits de ptrole. Faire des affaires en Iran, cest le faire avec les Pasdarans , commente un diplomate europen. Au-del de ces entreprises lgales, certains les accusent de contrler le trafic de drogue et de possder treize ports clandestins o les douanes ne se montrent jamais. Entre leur pouvoir politico-militaire et leur puissance conomique, les Pasdarans sont un Etat dans lEtat. Ils disposent dun rseau dinfluence exceptionnel et ignorent le mot transparence , estime le politologue Sad Leylaz. Constituent-ils un front uni derrire Mahmoud Ahmadinejad ? Rien nest moins sr. Derrire une unit de faade, les luttes de pouvoir sont intenses. Cest du moins ce que pense Abbas Milani : Entre layatollah Khamenei, Mahmoud Ahmadinejad et les Pasdarans, tout est si li quon ne sait plus qui contrle qui. Les guerres de clans sont froces, et les alliances se font et se dfont au gr des intrts conomiques et des objectifs politiques. Les rseaux sont opaques et volutifs. La vie politique iranienne, cest un peu la caricature de lOrient compliqu . Le rcent limogeage dAli Larijani, principal ngociateur sur le dossier nuclaire, comme celui, quelques semaines auparavant, du commandant en chef des Pasdarans, Yahya Rahim Safavi, illustre les divisions au sein du pouvoir. Les deux hommes pourtant rputs tre des ultras ont t remplacs par des personnalits encore plus radicales. Cest la lutte entre les faucons et les faucons radicaux , ironise un ditorialiste iranien. Pour les observateurs, ces changements annoncent un durcissement de la politique nuclaire iranienne, ainsi quun renforcement du clan de Mahmoud Ahmadinejad. Le Prsident de la Rpublique ne fait pas lunanimit chez les Pasdarans. Certains lui reprochent sa politique conomique, sans objectif chiffr long terme, sans ligne directrice, et sa distribution de la rente ptrolire au gr dannonces populistes Se sentant contest, Ahmadinejad a donc promu ses fidles aux postes-cls. Plusieurs responsables des Pasdarans seraient aussi favorables un assouplissement du programme nuclaire. Et plus de ralisme dans le dialogue avec les pays occidentaux - l encore, plus pour des raisons conomiques quidologiques. Les sanctions adoptes par les Nations unies (R.1747/2007) aprs le refus rpt de Thran de suspendre son enrichissement duranium, visent directement neuf dirigeants des Gardiens de la rvolution, et les intrts conomiques de tout le mouvement. Ltau financier mis en place contre lIran par les Etats-Unis et lOnu est trs efficace. Aucune banque internationale naccepte de financer de grands projets dinvestissement dans le pays. Lun des objectifs poursuivis par les Occidentaux, en sanctionnant les Pasdarans, est dinciter laile pragmatique du pouvoir prendre en main le dossier nuclaire contre laile la plus radicale , explique un diplomate europen. Cet objectif na pas t atteint jusqu prsent. Bien au contraire. Nanmoins, des voix slvent, mme chez les religieux, qui estiment que trop de conservatisme pourrait menacer la survie du systme de la Rpublique islamique. Le retour sur le devant de la scne politique de lancien prsident Hachmi Rafsandjani, plus modr, est un signe. Comme le reconnaissait, dans Le Monde, Mehdi Alizadeh, un conseiller de haut rang des Bassidji : Je me suis battu contre lIrak pour la grandeur de lIran. Aujourdhui, je suis favorable au programme nuclaire pour la mme raison. Car mes yeux, le nuclaire, ce nest pas la bombe ; cest lindpendance nergtique, la recherche mdicale, le progrs conomique... Les partisans de Mahmoud Ahmadinejad sont dans une logique de nostalgie guerrire, pas de progrs. Je ne suis pas le seul penser ainsi. Mais cest vrai que nous sommes une minorit . | |||
| Jean Piel | |||
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