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20/11/2007
Afrique: un tat civil encore en friche

(MFI) Rendu ncessaire par la multiplication des processus dmocratiques qui exigent une inscription fiable sur des listes lectorales, mais aussi par une politique de plus en plus stricte dimmigration dans les pays dvelopps, ltat civil dans la plupart des pays dAfrique est encore en friche malgr les efforts rcents dploys par les Africains appuys par leurs bailleurs de fonds trangers.

Selon lAssociation internationale des maires francophones (AIMF), qui a cr en 2002 un Observatoire international de ltat civil, lAfrique subsaharienne est une rgion o le nombre de dclarations des faits dtat civil est notoirement faible au regard du potentiel dmographique. Plus de 70 % des vnements (naissance, mariage, dcs) survenant dans cette zone ne font lobjet daucune dclaration auprs des services des municipalits lgalement habilits les recevoir. Les causes sont, selon les experts, la fois dordre sociologique, conomique et politique. Mais, selon les membres de lObservatoire, cest principalement labsence dinteraction entre les partenaires tatiques, locaux et les membres de la socit civile (ONG, associations, etc.) qui freine le dveloppement du processus.
Ce constat est partag par lUnicef qui estime que plus de 40 % des naissances survenues en 2000 nont pas t enregistres, soit prs de 50 millions denfants. Cest en Afrique que les taux denregistrement ont t les plus faibles : plus de 70 % des naissances nont pas t dclares, contre 63 % en Asie du Sud-Est, 31 % au Moyen Orient et en Afrique du Nord, 22 % en Asie de lEst et 14 % en Amrique latine. Ces difficults se mesurent dans les campagnes mais aussi dans les villes, notamment les capitales et les grandes mtropoles.

Un relais entre les services publics et les autorits traditionnelles

LObservatoire, dont la dernire session de travail a eu lieu en septembre 2007 Tunis, veut la fois offrir son expertise et proposer des solutions juridiques et pratiques. Plusieurs runions ont dj t organises dans diffrentes villes dAfrique subsaharienne dont Bamako, Dakar et Cotonou. Dans la capitale sngalaise, en juillet 2006, on sest pench sur les conditions dune meilleure sensibilisation des populations la dclaration des faits dtat civil. Des reprsentants des institutions religieuses et traditionnelles ainsi que des grands groupes de presse et des mdias du Mali et du Sngal y ont t invits dans un souci de renforcer les liens avec les autorits locales et nationales.
Pour Bruno Leuvrey, qui a particip ces runions, lAIMF souhaite quau-del dune modernisation de ltat civil qui passe par un renforcement des services administratifs des collectivits locales et des ministres de tutelle , la non-dclaration des faits dtat civil soit considre comme un vritable problme de socit. LObservatoire cherche ainsi jouer un rle de relais entre les services de lEtat, les services municipaux et les structures traditionnelles (familles, glises, chefferies) qui, de par leur proximit avec les populations, ont souvent une connaissance en temps rel des faits dtat civil.
Les barrires lenregistrement des faits dtat civil sont nombreuses : manque de volont politique (pas de lgislation, lgislation obsolte et/ou mal applique), obstacles budgtaires mais aussi culturels comme la langue ou les discriminations entre hommes et femmes. Et enfin les conflits, qui ont favoris les dplacements des populations et la destruction des papiers dtat civil, comme ce fut le cas pour les Burkinab expulss de Cte dIvoire.
Or le non-enregistrement des naissances, des mariages et des dcs pose de nombreux problmes. Les enfants non-dclars sont exclus du systme institutionnel : ils nont quun accs limit lducation, puisquil est ncessaire de possder un acte de naissance pour sinscrire lcole ou pour passer lexamen du premier niveau. La possession dun acte est aussi ncessaire pour officialiser une union la mairie, pour trouver un emploi, pour prouver sa nationalit, son ge, pour avoir accs au systme de sant publique. Elle est galement ncessaire pour faire valoir ses droits de succession, pour participer la vie politique et exercer ses droits de citoyens (voter, se prsenter aux lections). Corrlativement, le droit de tout individu tre enregistr ds sa naissance, dacqurir un nom et une nationalit, est inscrit dans de nombreux textes internationaux et nationaux.

Un projet-pilote au Congo Brazzaville

Le souci de faire en sorte que tous les citoyens puissent disposer dun acte dtat civil se retrouve galement dans bon nombre de lgislations : le code civil franais et la jurisprudence reconnaissent une valeur authentique aux actes de ltat civil dont tout un chacun doit tre pourvu ; cest galement le cas au Sngal ou au Congo Brazzaville par exemple. Ce dernier pays a perdu une partie de son tat civil, dtruit lors des diffrentes guerres civiles, notamment Brazzaville et dans le dpartement du Pool, au sud de la capitale. LAIMF a pu conduire partir de 2002 un projet damlioration du fonctionnement de ltat civil (formation, sensibilisation, quipement). Par ailleurs, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) a rdig un rapport sur ltat civil au Congo en 2006.
Le nouveau ministre franais de lImmigration, de lidentit nationale, de lintgration et du codveloppement, qui a durci les conditions de lentre en France des trangers et du regroupement familial, rendant possible les controverss tests ADN sous certaines conditions en labsence "dtat civil fiable", a paralllement dgag une enveloppe de 200 000 euros (sur la priode 2008 2010) qui devrait tre utilise pour un projet pilote au Congo. Le premier objectif en serait de dresser ltat des lieux des registres dtat civil existant, de former des officiers dtat civil, ainsi que des agents chargs du recensement administratif vocation dtat civil (sages-femmes, pompes funbres,) et dquiper certains bureaux en petit matriel bureautique. Lopration sera applique trois arrondissements de Brazzaville et dix districts du Dpartement du Pool, si les autorits congolaises confirment les rsultats des concertations techniques pralables.
La France a dj financ des projets de refonte de ltat civil comme celui men en Mauritanie de 1994 2000. Cette action de coopration a permis ltat mauritanien de se doter dune administration spcialise avec des moyens logistiques et technologiques adapts. Les 217 centres dtat civil crs assurent dsormais un suivi de la population grce un fichier national et des cartes didentit infalsifiables. Cette action a galement permis de conduire avec succs le recensement national et dlaborer un fichier lectoral scuris. Selon une tude de lUnicef, la constitution de systmes dtat civil modernes, non seulement en Afrique mais galement dans dautres rgions du monde, devrait permettre de lutter plus efficacement contre les trafics dtres humains rduits en esclavage, au travail forc et la prostitution et de lutter contre les fraudes et les abus.

Marie Joannidis

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