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27/11/2007
Rpublique dmocratique du Congo
Civils en pril : alerte maximum au Nord-Kivu


(MFI) Le compromis sign Nairobi le 10 novembre 2007 entre la RDC et le Rwanda, visant le dsarmement de toutes les milices ngatives , suffira-t-il ramener la paix au Nord-Kivu ? Le 1er dcembre, Kinshasa doit faire part de ses intentions. Mais sur le terrain, de violents combats ont oppos larme congolaise au gnral dissident, Laurent NKunda. Principales victimes : les civils qui fuient en masse les camps de dplacs.

L approche commune signe par les ministres des Affaires trangres congolais et rwandais, Antipas Mbusa Nyamwisi et Charles Murigand, le 10 novembre 2007, Nairobi, est-elle rellement en passe de ramener la stabilit dans la rgion des Grands Lacs ? Rien nest moins sr. Selon ce document, Kinshasa devrait faire part au 1er dcembre dun plan dtaill pour dsarmer les ex-FAR/Interahamwe, les rebelles hutus rwandais. Regroups au sein des Forces dmocratiques de libration du Rwanda (FDLR, cres en 2001), ils seraient environ 6 000 hommes dont certains ont particip au gnocide rwandais de 1994.
De son ct, Kigali sest engag scuriser sa frontire et empcher lentre ou la sortie de membres de tout groupe arm, en particulier de celui du chef de milice dissident, le gnral dchu Laurent NKunda . Depuis la fin aot, les FARDC (forces armes congolaises) ont mass environ 20 000 hommes au Nord-Kivu pour combattre ses quelque 4 000 soldats insurgs. NKunda, vis depuis 2005 par un mandat darrt international pour crimes de guerre, prtend dfendre les intrts des Tutsis Congolais du Nord Kivu, auxquels il appartient.

Echec des processus dintgration des rebelles dans larme

Depuis que les combats ont repris entre les diffrents insurgs et larme nationale, en dcembre 2006, plus de 370 000 civils ont t dplacs dans la province. Et la crise a encore empir partir de mai 2007 aprs que les dernires tentatives pour intgrer les troupes de Nkunda dans larme ont chou. Un avis confirm par le dernier rapport de lInternational Crisis Group, pour qui la nouvelle crise rsulte de lchec des processus dintgration de larme, de la gouvernance conomique et de la justice transitionnelle . Les tensions avaient diminu dans la seconde moiti de la transition grce une politique dapaisement. Une fois lu, le prsident Joseph Kabila avait ouvert des pourparlers discrets avec Nkunda, avec la facilitation du Rwanda, et conclu un accord portant sur lintgration progressive de ses troupes dans les forces armes rgulires : le mixage . Toutefois, ni Nkunda ni Kabila nont t en mesure de contenir les extrmistes de leurs camps opposs cet accord , estime lICG.
Le mixage sest donc effondr en mai 2007, conduisant une nouvelle escalade militaire. Jusquau 15 octobre o Joseph Kabila a suspendu les offensives et appel lensemble des groupes arms congolais actifs dans la rgion dsarmer ou intgrer larme, donnant aussi son feu vert aux FARDC pour dsarmer de force les combattants rcalcitrants dici la fin 2007. Mais Laurent NKunda a craint que ses troupes ne soient pas suffisamment protges sil les autorisait intgrer larme nationale.

A quand une initiative politique globale ?

A moins que le gouvernement du Congo ne lance une initiative politique globale pour rsoudre la crise au Nord-Kivu, la violence pourrait saccrotre et dstabiliser nouveau la rgion , affirme lICG qui engage le gouvernement congolais ouvrir le dialogue avec NKunda plutt qu adopter une solution purement militaire . Franois Grignon, son directeur Afrique, rappelle que cette province fragile du Nord-Kivu a t lpicentre de la violence au Congo depuis le dbut du conflit, il y a plus de quinze ans .
Sur le terrain, des combats sporadiques mais violents ont repris. Dabord le 13 novembre, quand NKunda a attaqu les FARDC Mugunga, forant plus de 28 000 dplacs fuir les camps des environs en direction de Goma, la capitale provinciale. Depuis, la Mission de lOnu en Rpublique dmocratique du Congo (Monuc), en tat dalerte maximum , a renforc son dispositif , dployant des blinds autour des camps de dplacs. Dans le mme temps, les nkundistes avaient bloqu la route reliant Goma Masisi, vitale pour lapprovisionnement de la capitale provinciale. Un blocus dnonc par les commerants qui ont fait observer qu affamer des populations () est un crime de guerre . La route venait enfin dtre dgage par la Monuc quand les troupes de NKunda ont attaqu Rutshuru, le 19 novembre.
En rponse, les chefs des FARDC et de la Monuc annonaient de prochaines oprations militaires. Toutes les voies pacifiques ont t explores et nous allons passer une phase de contrainte , dclarait le gnral sngalais Babacar Gaye, dont lobjectif est de permettre aux civils de rentrer chez eux. Quant au gnral Dieudonn Kayemb, chef dtat-major gnral des FARDC, il voquait un plan dusage de la force destin mettre fin cette aventure de NKunda . Laurent NKunda semble ainsi tre en train de faire les frais de laccord de Nairobi. Alors que le sommet du Commonwealth dont le Rwanda fait dsormais partie ouvrait ses portes Kampala, le gnral dchu, trs isol, ritrait ses accusations de collusion entre les FARDC, les FDLR et la Monuc.

Intense ballet diplomatique


De son ct Ross Mountain, reprsentant-adjoint du Secrtaire gnral de lOnu, appelait le 26 novembre les groupes arms du Nord-Kivu baisser les armes et rejoindre le processus dintgration de larme , saluant au passage laccord de Nairobi, qui avait dailleurs prvu le soutien de la Monuc pour sa mise en uvre, en accord avec son mandat et ses moyens . Une manire de faire suite la feuille de route adopte le 26 septembre New York par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Belgique et lAfrique du Sud qui souhaitaient que son action soit plus nergique : sur les 17 000 Casques bleus rpartis en RDC, dont le mandat comprend la protection des civils, y compris en recourant la force arme si ncessaire, seuls 4 500 ont t affects au Nord. Aujourdhui, lintense ballet diplomatique qui se poursuit rsonne plutt comme des bruits de botte. Tanzaniens, Angolais et Sud-Africains ont ainsi fait escale Kinshasa dans le cadre de la SADC pour proposer leurs bons offices.
La communaut internationale, dit et redit lICG, devrait encourager Kabila lancer une initiative globale de paix pour le Nord-Kivu . Il pourra sattaquer ensuite aux questions centrales : restauration de lautorit de ltat, distribution des terres, rgulation de lexploitation des ressources naturelles, retour des rfugis et mise en place dun processus de justice transitionnelle facilitant la rconciliation. Le Procureur gnral de la Cour pnale internationale devrait ouvrir des enqutes sur les crimes commis dans la province depuis juin 2003 et forcer les principaux responsables rpondre de leurs actes.

Un bilan humanitaire dsastreux

(MFI) La tension est telle quil suffit maintenant de quelques tirs, plusieurs kilomtres, pour jeter prs de 30 000 personnes sur les routes en deux heures , a dplor Jens Hesemann, le porte-parole du Haut commissariat des Nations unies pour les rfugis (HCR), qui estime que le Nord-Kivu fait face la pire situation de dplacement interne de populations depuis la fin de la guerre (1998-2003). En effet, le bilan humanitaire est dsastreux : depuis la fin 2006, environ 400 000 nouveaux civils ont d fuir le Nord-Kivu, portant le total pour cette province prs de 800 000 dplacs (les autres tant issus de prcdentes tapes du conflit).
Meurtres, enlvements de civils en grand nombre, viols gnraliss, pillage et destruction de biens Larme et les forces de maintien de la paix de lONU doivent protger les civils en danger au Nord-Kivu , rappelle pour sa part Human Rights Watch (HRW) dont le rapport affirme en outre que les crimes commis contre les civils au cours des dix-huit derniers mois ont t autant le fait des soldats de larme congolaise que des troupes de Nkunda et des FDLR.
Quant lICG, il estime que les causes de ces tensions nont jamais t traites. La province est coupe en deux et les territoires de Masisi et Rutshuru sont pris entre lancien groupe rebelle soutenu par le Rwanda, le Rassemblement congolais pour la dmocratie (RCD) et larme nationale (FARDC). Le dsarmement na gure avanc, pas plus que la rintgration des milices Ma-Ma ou le rapatriement des rebelles hutu rwandais (FDLR). Lexploitation illgale des ressources naturelles sest ainsi poursuivie et toutes les communauts ont continu sarmer, animes par de profonds ressentiments les unes envers les autres, lis aux problmes dinscurit foncire, aux violations massives des droits humains pendant la guerre et aux rivalits pour le contrle des ressources naturelles.
A. D.

Human Rights Watch : Nouvelle crise au Nord Kivu, 23 octobre 2007.
International Crisis Group : Congo: ramener la paix au Nord Kivu, 31 octobre 2007, http://www.crisisgroup.org



Antoinette Delafin

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