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11/12/2007 | |||
Questions internationales (2) Lconomie au service de lapaisement | |||
(MFI) Malgr une norme diffrence de dveloppement, les deux Core tentent de promouvoir leurs changes conomiques. Pour Soul en particulier, lobjectif est autant commercial que politique. Exemple de cette ambition : le complexe industriel de Kaesong en Core du Nord, o une vingtaine dentreprises sud-corennes emploient 12 000 ouvriers nordistes. | |||
A 60 km au nord de Soul dmarre une autoroute quatre voies qui traverse la DMZ, la zone dmilitarise qui spare les deux Core. Rgulirement, des chicanes gardes par des sentinelles patibulaires, un badge leffigie du prsident nord-coren au revers de la veste, obligent les vhicules ralentir. De chaque ct, de hautes cltures mtalliques empchent laccs lasphalte dventuels candidats lexil vers la Core du Sud. Aprs cinq kilomtres de cet trange couloir autoroutier, on arrive Kaesong, le premier complexe industriel inter coren, inaugur en 2003. L, sur un terrain de 22 hectares o sactivent encore grues et pelleteuses, sont installes une vingtaine dentreprises sud-corennes. Elles emploient 12 000 ouvriers nord-corens (surtout ouvrires en fait), sous lil de 500 cadres venus de Soul. Immenses ateliers clairs au non, salaris en uniforme, discipline et travail. Il sagit dindustries lgres : vtements, chaussures, montres, ustensiles de cuisine A lextrieur flotte le drapeau de la Core runifie (Pninsule bleue sur fond blanc) tandis que des haut-parleurs diffusent des chants rvolutionnaires. Aux dires de ceux qui y sont alls, lambiance est quelque peu surraliste. Un symbole de paix Entre communisme et capitalisme, Kaesong est le premier exemple de coopration conomique de part et dautre du 38 parallle. La Core du Sud apporte les capitaux, les technologies, les dbouchs commerciaux. Cest elle aussi qui a rpar les routes et install llectricit. De son ct, Pyongyang propose des terrains peu chers, et surtout une main duvre comptente, docile, qui videmment parle coren et dont le salaire ne dpasse pas 70 dollars par mois, soit trois fois moins quen Chine et 20 fois moins quen Core du Sud. Kaesong stendra sur 16 000 hectares en 2012. 1 800 entreprises y emploieront alors 350 000 salaris. Ce complexe industriel est un symbole de paix , senthousiasmait, devant lenvoy spcial de Libration, An Tae-Won, un haut-fonctionnaire nord-coren. Une analyse que confirme sa manire Koh Yu-Hwan, conomiste la Korea Exchange Bank, Soul : Kaesong a des objectifs autant commerciaux que politiques. Cest un lment de la Sunshine policy, la politique douverture vers le nord, dfendue par le prsident Roh Moo-Hyun. Aprs des dcennies de mfiance rciproque, on ne peut pas se rconcilier du jour au lendemain. Il faut dj apprendre travailler ensemble, dialoguer au sein dune entreprise, avoir des objectifs communs mme sil sagit de chiffres de production. Puis on voluera vers des sujets plus sensibles, un dialogue plus politique. Cest une stratgie des petits pas, mais cest la seule possible vue lampleur du foss entre les deux Core. Laccord inter coren du 4 octobre dernier prvoit la cration dautres parcs industriels de ce type. De mme, une zone de pche commune a t dfinie et les liaisons ferroviaires devraient reprendre sur une base rgulire. Sinon, les changes inter corens se chiffrent 1,5 milliard de dollars ; une goutte deau dans le commerce extrieur du sud (1 % peine), mais limportant est leur croissance continue (+28 %) depuis 2004. Des changes encore limits La limite des changes conomiques entre les deux frres ennemis tient videmment leur diffrence de dveloppement. Au nord, un rgime communiste totalement ferm, dont le PIB atteint peine 25 milliards de dollars, o les industries sont obsoltes, lagriculture en friche. Depuis 1995, plus dun million de Nord-corens seraient morts de faim, selon les organisations internationales. Au sud, un pays dmocratique, moderne, ouvert sur le monde, dont le PIB et de 480 milliards de dollars pour un excdent commercial de 10 milliards. Plusieurs entreprises sud-corennes appartiennent aux leaders mondiaux dans leur secteur : construction navale, automobile, lectronique, crans plats Nanmoins, pris en tau entre un Japon toujours en avance sur le plan technologique et une Chine industrieuse aux salaires trs faibles, Soul voit dans sa coopration conomique avec la Core du Nord un moyen de baisser ses cots de production, outre le gain politique. Favoriser le dveloppement de son voisin lui permettra aussi de rduire la facture dune ventuelle runification. Lexemple allemand a marqu Soul. De leurs cts, les dirigeants nord-corens esprent ainsi gagner des devises et moderniser leur tissu industriel. Cela dautant que le pays dispose de ressources : un sous-sol riche en minerais et une main duvre comptente. Ces dernires annes, il a tent quelques timides rformes : autorisation des marchs ruraux, montarisation des changes, commerces privs De lavis des experts, la Core du Nord ne peut quvoluer sur le modle chinois : fermet politique et libralisation conomique. Des voix slvent cependant Soul, qui critiquent lexploitation des ouvriers nord-corens Kaesong. Non seulement ceux-ci sont trs peu pays par rapport leurs homologues sud-corens, mais ils doivent reverser une partie de leur salaire au gouvernement et ne disposent daucuns droits syndicaux. Rponse de Koh Yu-Hwan, lconomiste de la Korea Exchange Bank : Ce nest pas le problme aujourdhui. Certes, les salaires Kaesong sont faibles, mais ils reprsentent le double du salaire moyen en Core du Nord. La liste est longue de ceux qui veulent y travailler ; les autorits Pyongyang redoutent mme une contamination idologique de ces ouvriers par les cadres du Sud. Les Nord-Corens nen sont pas revendiquer des droits syndicaux. En Core du Sud aussi, on sest dabord enrichi, avant de se dmocratiser. | |||
Jean Piel | |||
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