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| 18/12/2007 | |||
| Questions internationales (1) La longue marche des chrtiens chinois | |||
| (MFI) Perscuts pendant des annes, les chrtiens de Chine dont le nombre est estim 50 millions bnficient aujourdhui dune plus grande libert de culte. Mais les autorits les surveillent de prs, redoutant que les Eglises ne se transforment en un mouvement social de masse incontrlable. Lidologie officielle ne souffre toujours pas la concurrence. | |||
| Que reprsente le christianisme en Chine ? La taille du pays, la clandestinit de certaines glises et un recensement alatoire rendent incertain le rsultat, mais on estime globalement 50 millions le nombre de chrtiens en Chine : environ 15 millions de catholiques et 35 millions de protestants. Une goutte deau rapporte au 1,3 milliard de Chinois. Cependant, le christianisme se dveloppe rapidement dans lEmpire du milieu, comme dautres religions et mouvements spirituels au demeurant. Le christianisme, le catholicisme surtout, tait une religion des campagnes. Or il sduit de plus en plus de citadins. De mme, les intellectuels et les cadres sont nombreux se convertir ce qui tait considr comme une religion de gens simples , souligne Jean-Paul Wiest, un spcialiste du catholicisme chinois luniversit de Hong-Kong. Ancien correspondant de lhebdomadaire Time Magazine et auteur de Jsus Pkin, David Aikman veut croire que dici 2050, le tiers de la population chinoise sera chrtienne. Cest cette minorit qui va bouleverser les rgles sociales et politiques du pays . Une analyse qui laisse sceptique Jean-Paul Wiest : Je ne pense pas que le christianisme puisse devenir prdominant en cette terre de bouddhisme. Mais il aura sans doute un rle de ferment dans lmergence de la socit civile et de la dmocratie, comme ce fut le cas Taiwan, notamment du fait de la conversion de nombreux intellectuels. Pour sa part, la sociologue Wang Meixiu, cite par LExpress, estime que le nombre de chrtiens augmente en effet, mais leur foi na dimpact que dans leur sphre prive. Cette religion na aucune influence sur lespace public, et encore moins sur une ventuelle dmocratisation du pays . Reste que ce succs croissant du christianisme mme relatif lchelle du pays inquite les autorits chinoises. Comment expliquer cette progression du christianisme en Chine ? Catholicisme se traduit en chinois par Ecole du Seigneur du ciel (tianzhujiao), et protestantisme par Ecole du Christ (Jidujiao). Ce sont des missionnaires europens des Jsuites conduits par lItalien Matteo Ricci qui ont introduit le catholicisme en Chine au XVI sicle. Ils ont ouvert des coles, des dispensaires, des orphelinats A lavnement de la Rpublique populaire en 1949, on comptait une douzaine de missions catholiques et trois millions de fidles. La Chine est une terre de croyances. Le christianisme fait partie de notre histoire ; ce nest pas une religion de blancs, importe rcemment. Etre chrtien ne signifie pas tre un mauvais patriote , dfendait, dans LExpress, Yu-Jie, un militant catholique de Shanghai. Selon lui, aucune cole de pense de tradition chinoise nest synonyme de libert et dgalit. Le confucianisme dfend une socit hirarchise, le taosme aussi; le bouddhisme enseigne lobissance. Par son message damour universel, le christianisme est au contraire porteur des idaux dgalit, de respect, de dmocratie . Un discours quapprouve Li Baiguang, un avocat pkinois cit par Le Nouvel Observateur : Les souffrances subies pendant la Rvolution culturelle nous ont renforcs spirituellement. Loppression venait dun camp, la libration de lesprit dun autre. Aujourdhui, la Chine continue dtre gouverne par le Parti communiste. Mais lidal communiste est mort. Il ne reste que la course largent et au pouvoir. Mais une fois ces deux choses obtenues, vous comprenez leur vanit. La population a besoin de croire, elle a besoin dun idal. Lconomie de march, cest le triomphe de lgosme; tout le monde se mfie de tout le monde. Le christianisme, lui, enseigne le respect mutuel, la confiance dans lautre et lentraide. Ce sont des valeurs qui manquent dans la Chine daujourdhui . Et un jeune prtre dajouter : La tolrance religieuse est la dernire rforme. Il y a eu louverture de lconomie. Maintenant arrive louverture de lesprit. Le dveloppement conomique rapide de la Chine et le matrialisme et la course largent quil entrane favoriserait donc lclosion des religions. La progression du christianisme est aussi rendue possible par la plus grande libert religieuse concde par les autorits chinoises, et dsormais reconnue par la Constitution. En 1978, la politique douverture et de modernisation sociale inaugure par Deng Xiaoping autorise cinq religions : le bouddhisme, le taosme, lislam, le catholicisme et le protestantisme. Depuis, toutes ont connu un essor certain, et leurs fidles peuvent prier, se runir et mme propager leur foi sans tre harcels. Ils restent certes surveills dans un pays o les liberts politiques nexistent pas et o le pouvoir se mfie de toute organisation mme de crer un mouvement social de masse, rapidement incontrlable et qui concurrence lidologie officielle. On se rappelle comment ont t arrts des milliers dadeptes du Falungong, ce mouvement crypto-bouddhiste qui a sduit des millions de personnes en seulement quelques annes. Quel est aujourdhui le niveau de libert religieuse des chrtiens chinois ? Aprs lavnement de la Rpublique populaire en 1949, et surtout pendant la Rvolution culturelle (1966-1976), les chrtiens chinois ont t perscuts : arrestations de fidles, prtres envoys en camps de travail, destruction dglises et de monastres, autodafs de bibles La religion est alors lopium du peuple ; il faut la dtruire. Cette poque est rvolue. Mais lorsque Deng Xiaoping autorise cinq religions en 1978, il encadre la libert de culte en exigeant que les confessions soient au service de la modernisation de la Chine . Rsultat : il existe deux Eglises catholiques dans lEmpire du milieu : une Eglise officielle, runie au sein de lAssociation patriotique des catholiques, organisation cre en 1957 et infode au Parti communiste, qui ne reconnat pas lautorit du Pape ; et une Eglise clandestine, fidle au Vatican, qui rsiste aux autorits chinoises. LEglise officielle runit environ 70 % des 15 millions de catholiques chinois, les 30 % restant ont fait le choix de la clandestinit. Une religion ne peut tre quindpendante. Le discours du Christ nest au service daucun gouvernement. Il na pas sadapter des objectifs politiques , soutient Mgr Joseph Zen, le cardinal de Hong Kong, ardent dfenseur des droits de lHomme. Wang Lei est un prtre de lEglise clandestine, qui officie dans un gros bourg industriel de la province du Hebei, louest de Pkin. Comme il lexpliquait dans Le Monde : Avant 1978, tous les chrtiens taient perscuts. Puis ceux de lEglise officielle ont pu vivre librement leur foi, tandis que les autres restaient menacs. Ces cinq dernires annes, la situation sest nettement amliore. Si nous sommes discrets, que nous nintervenons pas dans les conflits sociaux, que nous ne dfendons pas de revendications politiques au nom de la religion, que nous nous limitons notre pastorale, alors les autorits locales nous laissent en paix. Un discours confirm par Mgr Li Jinfeng, lvque de Fengxiang, au centre du pays. Lui aussi appartient lEglise clandestine. Nanmoins, son presbytre et sa salle de prire clairement identifiables dans lartre principale de la ville sont ouverts tous, et il entretient les meilleures relations avec les responsables locaux du Parti communiste. La confrontation est inutile avec les dirigeants politiques. Ayons des rapports de courtoisie, sachons faire des compromis de part et dautre. Moi aussi, je suis un garant de la paix sociale par linfluence que jai sur les fidles , expliquait, dans un entretien au Monde, cet vque qui a t emprisonn de 1958 1973. Le tmoignage de Mgr Li Jinfeng illustre ces zones grises qui, en Chine, bousculent les frontires entre linterdit, lautoris et le tolr. La libert religieuse a fait de grands progrs en Chine. Mais elle varie dune province lautre. Dans certaines rgions, tous les catholiques vivent leur foi au grand jour. Dans dautres, les membres de lEglise clandestine sont tenus une grande discrtion, voire se cacher. Dune manire gnrale, se runir pour prier ou pour lire la Bible ne gne pas les autorits. Elles interviennent par contre si des prtres ou des fidles crent, au nom de leur foi, des associations dentraide ou des coles , souligne Bernardo Cervellera, le directeur dAsianews, une agence de presse catholique, spcialise sur lAsie. Au demeurant, les chrtiens ne sont pas les seuls faire les frais du courroux des autorits chinoises. Les musulmans ougours et les bouddhistes tibtains en savent quelque chose. Des prtres sont-ils toujours emprisonns en Chine ? Les associations humanitaires, comme Amnesty International ou Human Rights Watch in China, assurent que des chrtiens languissent en prison, mais ils se disent incapables davancer un chiffre exact. Plus qu leur foi, leur arrestation tient souvent leur engagement social ou des rglements de compte locaux. Nanmoins, comme le rappelle Mgr Joseph Zen : Un homme dEglise se doit de dfendre les droits de lhomme et la dmocratie. Ceux qui disent quun prtre doit sen tenir la prire nont rien compris la religion. De lavis des observateurs, les longues peines de prison ou la condamnation aux travaux forcs restent exceptionnelles contre des chrtiens. Par contre, il arrive encore dans quelques provinces que certains soient arrts deux ou trois semaines, ou subissent des discriminations dans leur emploi, ou soient harcels par des cadres zls du Parti communiste local. Le temps des grandes purges est fini. Mais les menaces existent encore dans certaines localits , explique le directeur dAsianews. Les catholiques sont davantage que les protestants soumis un contrle troit du fait des relations tendues entre Pkin et le Vatican (voir article ci-aprs). Membre de lorganisation vangliste Evergreen, tablie dans la province du Shanxi, le Norvgien Finn Torjesen estime que certains, aux Etats-Unis notamment, exagrent les perscutions dont seraient victimes les chrtiens chinois. Ils voient en chaque Chinois un martyr. Ils propagent cette ide fausse soit pour collecter de largent, soit par anticommunisme primaire. Mais si lon reste discret, la pratique religieuse est libre ici . LEglise officielle volue-t-elle aussi ? Avant tout, un point important : lEglise officielle et lEglise clandestine croient en un mme Dieu, suivent les mmes rites, lisent la mme Bible. Dans les glises de lAssociation patriotique des catholiques, on ne prie pas le Parti communiste, mais Jsus-Christ. Si lEglise clandestine entretient de meilleures relations dsormais avec les autorits chinoises, les fidles de lEglise officielle sont de plus en plus attachs la personne du Pape. Il suffit de se rappeler les foules qui ont envahi les lieux de prire partout en Chine la mort de Jean-Paul II, alors que la presse officielle passait sous silence lvnement. Comme lexplique Jean-Paul Wiest : Les deux Eglises sont de plus en plus proches. La grande nouveaut du christianisme en Chine est que 99 % des fidles aujourdhui veulent que leurs vques soient lgitims par Rome. Sur les 79 prlats ordonns par lAssociation patriotique des catholiques, 70 ont ensuite t approuvs par le Vatican. Certains rclament discrtement cette bndiction ; parfois elle se fait au grand jour. Et le spcialiste du catholicisme chinois luniversit de Hong Kong dajouter : Les quelques vques patriotiques qui nont pas lassentiment de Rome font de la figuration. Les fidles ne les reconnaissent pas et leurs glises sont vides. Cest l tout le paradoxe de la Chine : le pays envoie des missionnaires ltranger, en Birmanie et au Moyen-Orient notamment. On y imprime chaque anne plus de trois millions de Bibles. Des coles et des hpitaux sont confessionnels. Des prtres clandestins clbrent la messe au grand jour et jouent les mdiateurs dans des conflits locaux. De nombreux Amricains, officiellement professeurs danglais, sont en ralit des missionnaires protestants, sans que les autorits ny trouvent rien redire. Mais des chrtiens sont toujours emprisonns, et le rgime entend contrler chaque glise et, au-del, chaque religion. Comme si 15 millions de catholiques pouvaient menacer le rgime chinois , soupire Mgr Joseph Zen. | |||
| Jean Piel | |||
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