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08/01/2008 | |||
Questions internationales (2) Mdiation slovne sur le statut du Kosovo | |||
(MFI) Sa parfaite connaissance des Balkans pourrait permettre la Slovnie dtre un intermdiaire efficace entre lUnion europenne et la Serbie sur lpineux dossier du Kosovo. Reste savoir si la diplomatie a encore une chance sur ce sujet. | |||
Le statut du Kosovo sera lun des dossiers les plus difficiles rgler pour lUnion europenne en 2008. Place depuis juin 1999 sous administration internationale et gre par la Minuk, la Mission intrimaire des Nations unies pour le Kosovo, la province serbe espre obtenir son indpendance dans les prochains mois. 2008 restera dans lhistoire comme la grande anne de lindpendance , a dj dclar le prsident kosovar Fatmir Sejdiu. Un scnario que refuse avec vigueur la Serbie, pour laquelle le Kosovo est le berceau de sa culture et de son histoire. Jamais nous ne renoncerons 15 % de notre territoire, surtout si charg de symboles. Le Kosovo est la Jrusalem des orthodoxes , insiste le prsident serbe Boris Tadic, pourtant considr comme un rformateur pro-europen. Les dernires ngociations, menes le 10 dcembre sous lgide de lOnu, ont chou et on voit mal aujourdhui comment la diplomatie pourrait russir faire voluer positivement le dossier. Le mdiateur de lOnu, lancien prsident finlandais Martti Ahtisaari, suggre sans jamais parler dindpendance doffrir Pristina tous les attributs de la souverainet : un hymne, une Constitution, un drapeau, un Parlement, un gouvernement Sans disposer darme cependant. Une solution qui ne ferait quofficialiser la ralit actuelle. En effet, depuis 1999, le Kosovo a son propre gouvernement, lit son Parlement, lve ses impts Rien de ce qui se dcide Belgrade ne sapplique dans sa province mridionale. Surtout, 90 % de la population est de souche albanaise pour seulement 8 % de Serbes. Pendant la guerre, la violence des attaques serbes contre le Kosovo a rendu illusoire toute ide de communaut de destin entre les deux peuples. Comme le souligne un diplomate europen : Lindpendance permettrait cette rgion trs pauvre de se concentrer sur les vrais problmes que sont le dveloppement conomique, la stabilisation des institutions politiques, le rapprochement avec lEurope. La mission onusienne remplace par une mission europenne ? Le 28 janvier 2008, les ministres des Affaires trangres de lUE devront dcider de lenvoi ou non dune mission civile, compose de policiers, juristes, logisticiens et spcialistes dadministration publique, pour mettre en uvre le plan de Martti Ahtisaari et favoriser ainsi laccession du Kosovo lindpendance. Cette mission se substituera progressivement la Minuk, mais bnficiera toujours de la protection des 1 600 soldats de lOtan runis sous la bannire de la Kfor. Belgrade a davance condamn cette mission qualifie datteinte la souverainet de la Serbie . Cest l que la connaissance des Balkans par la Slovnie prsidente en exercice de lUnion europenne prendra toute sa valeur. Comme le dclarait rcemment le Premier ministre slovne, Janez Jansa : Nous avons pour nous lavantage dune excellente connaissance de la rgion et une crdibilit dans nos rapports avec nos interlocuteurs serbes et kosovars. Nous comprenons mieux que les autres Europens quand une discussion commence draper, comment il est possible de la rattraper, ce quil faut dire ou ne pas dire. Nous appartenons nous aussi cette rgion des Balkans. Les trois objectifs de la Slovnie Premier objectif des autorits de Ljubljana : inciter les dirigeants kosovars ne pas dclarer unilatralement et de faon trop triomphale leur indpendance, en labsence daccord international. Cela bloquerait toute poursuite des pourparlers avec Belgrade. Il sagit de gagner du temps afin de convaincre la Serbie du bien-fond dune indpendance qui marquera le dernier chapitre de la recomposition des Balkans. Deuxime objectif de la Slovnie : russir ce que lUnion europenne parle dune seule voix sur cette question. En effet, les principaux pays europens, tout comme les Etats-Unis, sont favorables lindpendance du Kosovo. Mais ce nest pas le cas de la Slovaquie, de la Roumanie, de Chypre ni de la Grce. Ces pays redoutent notamment que certaines de leurs provinces revendiquent aussi lindpendance, sous prtexte de spcificits culturelles, linguistiques ou ethniques. Dans un pass rcent, la division de lEurope a empch de trouver une solution au conflit des Balkans, voire a envenim les combats , rappelle Janez Lenarcic, le secrtaire dEtat slovne aux Affaires europennes. La Slovnie tentera donc dobtenir des Kosovars quils retardent le plus possible leur dclaration dindpendance. Pour le reste, ce sera lensemble de lUnion europenne de prendre ses responsabilits. Troisime et dernier objectif de la Slovnie : convaincre la Serbie, partir de sa propre exprience, que louverture sur le monde favorise la paix et la prosprit alors que le repli nationaliste est une voie sans issue. Pour ce faire, Ljubljana doit aussi convaincre ses partenaires europens dacclrer le rapprochement avec les anciennes rpubliques yougoslaves. Nous ne demandons pas un rabotage des critres dadhsion, mais nous souhaitons que lEurope soit plus volontariste dans son assistance aux Balkans. Cela ne sert ni les intrts de lUE, ni ceux des Balkans que les deux blocs signorent , insiste Janez Lenarcic. La Commission europenne doit prouver Belgrade quil existe une perspective europenne , ajoute Janez Jansa. Les autorits slovnes estiment notamment que lUE ne doit pas faire de larrestation des anciens chefs de guerre serbes et croates, en particulier Ratko Mladic, un pralable lapprofondissement des relations bilatrales. Une coopration avre avec le Tribunal pnal international pour lex-Yougoslavie (TPIY) suffirait. Ljubljana aimerait ainsi parvenir, avant la fin de sa prsidence le 30 juin 2008, des Accords de stabilisation et dassociation avec les rpubliques balkaniques ; ce qui reprsenterait un pas important vers ladhsion lUE. Surenchre serbe et opposition russe Cependant, le Premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, considr comme un nationaliste modr, a dj dclar quil nacceptera pas dchanger le Kosovo contre un rapprochement avec lUE. Au contraire, il estime que cest Bruxelles de choisir entre des Accords de stabilisation et dassociation ou lenvoi dune mission civile au Kosovo. Une surenchre qui tient aussi limminence de llection prsidentielle en Serbie, prvue le 20 janvier. A en croire Janez Jansa, le Premier ministre slovne, interview dans Le Monde : Les annes de guerre et de propagande nationaliste ont laiss des traces profondes dans les esprits en Serbie. Il faudra au moins une gnration pour en effacer les consquences. Mais je ne crois pas que lindpendance du Kosovo poussera Belgrade une action militaire. Tout au plus assistera-t-on des troubles et des dclarations tonitruantes pendant quelques jours, comme un baroud dhonneur, puis la ralit simposera. Reste que certains observateurs se demandent si, malgr sa parfaite connaissance de la rgion, la prsidence slovne de lUE est un rel atout pour rsoudre la crise du Kosovo. Dabord, le poids diplomatique de Ljubljana est limit, en particulier face la Russie, adversaire dtermin de lindpendance du Kosovo et membre du Conseil de scurit de lOnu. Ensuite, la Slovnie suscite un certain ressentiment dans les Balkans. Cest en effet sa dclaration unilatrale dindpendance, en juin 1991, qui avait prcipit la guerre dans lex-Yougoslavie. Une guerre laquelle la Slovnie a paradoxalement chapp. | |||
Jean Piel | |||
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