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22/01/2008
Questions internationales (2)
Hugo Chavez, provocateur plantaire


(MFI) La politique trangre du Venezuela vise notamment contrer linfluence des Etats-Unis. Les revenus du ptrole lui permettent daffirmer son influence en Amrique latine et de constituer un rseau anti-imprialiste dans le monde entier.

George Bush est un tyran , Mahmoud Ahmadinejad, le prsident iranien, un frre , la Bilorussie un modle En politique trangre aussi, Hugo Chavez droute et matrise lart de la provocation. La diplomatie vnzulienne est guide par trois objectifs : contenir linfluence des Etats-Unis, favoriser lintgration rgionale en Amrique latine et utiliser la manne ptrolire pour se tisser un rseau dinfluence ; ces trois objectifs se recoupant souvent.

Les Etats-Unis, ennemi et client

Hugo Chavez ne cesse de manifester son hostilit aux Etats-Unis en gnral et George Bush en particulier. Une hostilit quil justifie par son opposition au libralisme conomique et au no-colonialisme de la premire puissance mondiale. Au-del des noms doiseaux dont il affuble rgulirement le locataire de la Maison blanche, Hugo Chavez manifeste sa sympathie aux ennemis de Washington : la Russie qui il achte des armes, lIran qui il accorde des prts des taux privilgis, Cuba qui il livre du ptrole et dont il vante le modle. En visite Thran en juillet 2006, il a dnonc le fascisme isralien . Des propos que dplore Maria Carmelina Londono, professeur de droit international luniversit de Bogota : Ne pas approuver la politique trangre amricaine est une chose. Mais par ses dclarations tonitruantes, souvent excessives, Hugo Chavez perd en crdibilit. Il reprsente difficilement une alternative lunilatralisme des Etats-Unis dans ces conditions. Cela dautant que cette hostilit nempche pas les bonnes affaires : Washington est le premier partenaire commercial de Caracas, qui est le 3e fournisseur de ptrole de lOncle Sam. Hugo Chavez accuse les Etats-Unis de vouloir lliminer et envahir le Venezuela. Rponse du gnral Michael Mullen, le chef dEtat-major amricain : Ces accusations sont fantaisistes ; nous ny prtons pas attention. Par contre, limportance des achats darmes par le Venezuela nous inquite ; ceci est de nature dstabiliser la rgion . En effet, depuis 2006, le pays a achet la Russie 24 avions Soukho, 5 sous-marins, 53 hlicoptres MI-26 et 100 000 kalachnikov (plus que le nombre de soldats de larme vnzulienne).

La difficile intgration rgionale

Ce programme darmement pour lequel Caracas ne donne aucune explication convaincante inquite aussi les pays voisins. Hugo Chavez fait pourtant de lintgration rgionale lun des objectifs de sa politique trangre. Tant parce que cest un moyen de contrer linfluence amricaine dans le sous-continent que parce que cela est conforme ses ambitions conomiques et diplomatiques. Ainsi est-il linitiative de lAlternative bolivarienne pour les Amriques, lALBA, qui runit, outre le Venezuela, Cuba, la Bolivie et le Nicaragua. Cet accord de coopration conomique espre concurrencer la Zone de libre-change des Amriques (ZLEA), dfendue par Washington. En avril 2006, Caracas a claqu la porte de la Communaut andine des Nations (Bolivie, Prou, Equateur, Colombie) pour protester contre laccord de libre-change sign avec les Etats-Unis par Bogota et Lima. Ce qui ne la pas empch trois mois aprs de rejoindre le Mercosur, la communaut conomique des Etats du cne sud, la philosophie trs librale. On le voit, cette intgration rgionale est difficile et se heurte aux antagonismes commerciaux, politiques et historiques des diffrents pays. Mais les relations commerciales du Venezuela et la fourniture dhydrocarbures bon prix se dveloppent vite avec presque tous les Etats sud-amricains et des Carabes. Les changes ont mme progress de 600 % depuis 2003 avec le Brsil. Caracas et Brasilia sont pourtant en concurrence pour le titre de leader rgional. A de rares exceptions prs, les chefs dEtat sud-amricains se mfient dailleurs dHugo Chavez. Mais ils ne peuvent pas ignorer sa richesse en ptrole et en gaz, ni sa popularit auprs de leurs concitoyens. La grande victoire dHugo Chavez est que tout le monde en Amrique latine est oblig de se dfinir par rapport lui , commente Maria Carmelina Londono.

Exporter la rvolution sociale

Outre ponger les dettes de ses voisins, leur fournir du ptrole bon prix ou crer avec eux des socits dconomie mixte, Hugo Chavez tente dexporter ses Missions bolivariennes un rseau daide en faveur de laccs aux soins et lducation des plus pauvres et ainsi son influence politique. Le programme dalphabtisation pour adultes Yo Si Puedo, financ par Caracas, touche lensemble du sous-continent. De mme, depuis 2004, la mission Milagro permet des milliers de Guatmaltques, dEquatoriens, de Boliviens et de Pruviens dtre oprs de la cataracte. Une initiative pas toujours apprcie des dirigeants. Cest une ingrence trangre dans notre politique de sant, du Venezuela et de Cuba puisque les mdecins sont cubains , dnonait dans Le Monde le Premier ministre pruvien, Jorge Del Castillo. Par ailleurs, les autorits vnzuliennes viennent dacqurir un hebdomadaire gratuit La Paz, ce qui leur permettra de faire passer des messages politiques aux Boliviens les plus pauvres. Dans un tout autre registre, Hugo Chavez a mme russi faire du carnaval de Rio la vitrine de son gouvernement. Cest en effet PDVSA, la compagnie ptrolire publique, qui finance lcole de samba Unidos de Vila Isabel, qui a remport le premier prix du carnaval en 2006. Selon le Financial Times, lensemble de laide vnzulienne Cuba atteint 7,5 milliards de dollars, 6,3 milliards lArgentine et 4,5 milliards au Brsil. Cest videmment la manne ptrolire du 5e exportateur mondial dhydrocarbures qui autorise ces largesses.
Les relations sont cependant excrables avec la Colombie voisine. Certes, le diffrend est ancien entre deux pays qui partagent une longue frontire et dont les deux prsidents sont on ne peut plus opposs. Nanmoins, les tensions semblaient sapaiser en 2007, et Bogota stait rsolu la mdiation dHugo Chavez concernant les otages des Farc. Mais aprs la libration de Clara Rojas et Consuela Gonzales le 13 janvier 2008, Hugo Chavez a demand le retrait des Farc de la liste des organisations terroristes et quon leur octroie le statut de belligrants. Une revendication insupportable pour le prsident colombien Alvaro Uribe qui a alors dclar : Hugo Chavez confond coopration et ingrence, comme il a confondu mdiation et favoritisme. Les Farc sont une organisation terroriste ; elles nont aucune place sur la scne politique. Et de rappeler que le Venezuela leur a trop souvent servi de sanctuaire. Pendant une journe, Hugo Chavez a tenu tous les Colombiens dans sa main tant lmotion provoque par la libration des deux otages tait forte. En une phrase, il les a tous retourns contre lui , tmoigne une habitante de Bogota.

Larme du ptrole

On la compris : sans les revenus du ptrole, le Venezuela ne pourrait pas avoir une telle influence sur ses voisins ni exporter ses Missions bolivariennes. Ce ne sont donc pas les ides dHugo Chavez qui sduisent, mais son or noir. La hausse des cours ces dernires annes permet au pays dengranger 200 millions de dollars de revenus par jour et de stre constitu une cagnotte de 30 milliards de rserves de change. Le prsident vnzulien propose dailleurs la cration et le financement par lOpep dun Fonds humanitaire international pour lutter contre la pauvret et lillettrisme en Afrique. Une ide qui ne soulve gure lenthousiasme des autres pays exportateurs de ptrole. Comme lexplique lconomiste Miguel Gonzalez : A la diffrence des autres membres de lOPEP, Hugo Chavez estime que lor noir doit avoir une finalit sociale et gopolitique . Il le reconnat en effet : Les revenus ptroliers du Venezuela me permettent dacheter de linfluence et de tisser un rseau international anti-imprialiste. Au-del de lAmrique latine, celui qui a reu en 2004 lencombrant Prix Kadhafi des droits de lHomme accorde aussi une aide importante lIndonsie, lIran, au Mali, au Bnin et plusieurs autres pays africains. Mme les pays occidentaux bnficient des largesses dHugo Chavez : les bus au gaz de Londres sont moins chers grce lui et, comble de lironie, il finance des programmes sociaux dans le quartier du Bronx, New York. Tout cela ne suffit cependant pas constituer une politique trangre crdible.

Jean Piel

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