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29/01/2008 | |||
Questions internationales (2) Un ptrole durablement cher | |||
(MFI) Finie lpoque o le baril cotait moins de cinq dollars. Selon tous les experts, le monde est entr durablement dans lre du ptrole cher. Explication : une offre qui stagne alors que la forte croissance des pays mergents accrot la demande. Mais un ptrole cher pourrait aussi tre une chance car cela favorise les nergies alternatives. | |||
Vingt dollars en 2002, prs de 100 dollars aujourdhui : le prix du baril de ptrole (159 litres) atteint des sommets, et pour les experts, sa course folle est loin dtre termine. Comment expliquer une telle flambe des cours ? En effet, si en 2007 les ambitions nuclaires de lIran ont continu attiser la tension rgionale, si plusieurs attentats ont frapp lAlgrie, si la guerre se poursuit en Irak, si lexploitation a t perturbe au Nigeria du fait des revendications de mouvements rebelles, aucun accident gopolitique nouveau et majeur, mme daffoler les acteurs du march, ne sest nanmoins produit. De mme, aucune rgion ptrolifre na t dvaste par une catastrophe naturelle. Spculation sur lor noir La faiblesse du dollar monnaie dans laquelle sont libelles les transactions a contribu la hausse. Comme lexpliquait au quotidien Le Monde Chakib Khelil, le prsident de lOpep : A chaque fois que le dollar baisse, le prix du baril augmente puisque les pays producteurs doivent rattraper cette baisse et leur manque gagner conscutif. En outre, un dollar faible favorise la spculation. Sans ces deux phnomnes, le baril tournerait autour de 55 dollars. La spculation sur lor noir est en effet la mode. Depuis la crise des subprimes aux Etats-Unis, les financiers quittent les actifs traditionnels actions ou immobilier pour investir dans les matires premires. La faiblesse du dollar permet den acheter bon prix. Nanmoins, les experts du Center for Global Energy Studies, Londres, relativisent cette explication. La spculation a certes une influence, mais elle naffecte pas les fondamentaux. Cest comme lcume dune vague. Plus les vagues sont creuses, plus grande est lillusion de lcume , confiait lhebdomadaire conomique Challenges lun de ces experts. Il nen reste pas moins que la barre symbolique des 100 dollars le baril a t franchie, le 2 janvier 2008, suite lintervention de deux courtiers. The Wall Street Journal raconte lhistoire : Alors que le brut cotait 99,53 dollars la bourse de New York, Richard Arens, un courtier indpendant, a dbours 100 000 dollars pour acheter 1 000 barils, soit le volume minimal autoris. Un lot quil a immdiatement revendu, en perdant 600 dollars au passage. Mais cest la perte quil tait prt assumer pour tre le premier au monde acheter du ptrole 100 dollars. LHistoire a retenu son nom, mais pas celle de lautre courtier, le premier avoir vendu du ptrole 100 dollars, pour un bnfice de seulement 600 dollars. Leur petit jeu a affol la plante. Lapptit des pays mergents Le prix du ptrole est aujourdhui essentiellement dtermin, non par lOpep ni par les compagnies ptrolires, mais par loffre et la demande telle quelle sexprime au Nymex, la bourse des matires premires de New York, ou lIPE, son homologue de Londres. Or aujourdhui, loffre de ptrole reste constante, par contre la demande augmente trs vite du fait de la croissance vertigineuse de certains pays, au premier rang desquels la Chine. Pkin consommait 5,6 millions de barils par jour en 2003 ; il en a aval 7,6 millions par jour en 2007, et sa soif nest pas prte de se tarir. Son seul parc automobile devrait tre multipli par sept dici 2030. La Chine nest pas seule en cause : lInde, la Malaisie, la Core, le Vietnam connaissent aussi une croissance rapide. Au demeurant, lAsie est dsormais le premier consommateur dor noir au monde, devant les Etats-Unis qui absorbent pourtant 25 % de la production mondiale. Certes, le continent reprsente la moiti de la population de la plante, et lOncle Sam seulement 5 %. LAsie nest pas la seule rgion connatre un dveloppement soutenu ; cest aussi le cas de lAmrique latine et dune partie du Moyen-Orient. En 2007, 114 pays (sur 192 membres de lOnu) ont connu un taux de croissance suprieur 5 %. Rsultat : selon lOpep, la consommation de ptrole 84 millions de barils par jour en 2007 devrait augmenter de 1,8 million de barils par jour dans les 12 mois venir. Des cours la hausse, mais pas de choc ptrolier Face la hausse des cours, les pays producteurs pourraient-ils mettre plus de ptrole sur le march ? Cest ce que rclament les capitales occidentales. La solution semble difficile car, lexception de lArabie Saoudite, tous les pays de lOpep exploitent dj le maximum de leur capacit. Surtout, la demande est globalement satisfaite. Comme le souligne Chakib Khelil : Le cartel nest en rien responsable de la flambe des cours. Il a toujours maintenu un approvisionnement adquat, ordonn et suffisant. Au demeurant, lorsque lOpep a mis sur le march 500 000 barils supplmentaires en novembre 2007, cela na eu aucune incidence sur les prix. Conclusion de Christophe de Margerie, le patron de Total, cit par Le Monde : Les vannes de lOpep sont ouvertes fond. La demande des pays mergents comme la Chine ne cesse de crotre. Il ny a donc aucune raison que le prix du ptrole baisse. Une analyse partage par la quasi-totalit des experts. Le monde sinstalle durablement dans lre du ptrole cher , crit le Center for Global Energy Studies. Quelques voix discordantes estiment cependant que la probable rcession de lconomie amricaine pourrait entraner un ralentissement mondial, do une baisse des cours du brut dans les prochains mois. Pour qualifier lactuelle hausse des cours, personne ne parle cependant de choc ptrolier. En effet, en 1973 comme en 1979, la hausse des prix avait t brutale et avait provoqu une grave crise conomique mondiale. Ce nest pas le cas aujourdhui o le prix du baril augmente rgulirement depuis 2004. En outre, la hausse est plutt le rsultat dune forte activit conomique. Une chance pour lenvironnement ? Reste savoir si 100 dollars le baril est un prix excessif pour lor noir. Certes, les automobilistes se plaignent, les cots de production augmentent et la facture est particulirement lourde pour les pays pauvres. Mais les analystes rappellent quen terme rel (cest--dire en tenant compte de linflation), le ptrole avait dj atteint un tel sommet en 1973. Un ptrole cher est aussi synonyme de revenus records pour les compagnies ptrolires, donc de moyens dinvestir dans lexploitation de nouveaux gisements, sinon trop profonds ou trop difficiles daccs pour tre rentables, comme en Asie centrale ou dans lArctique. A contrario, les cologistes esprent que les cours records favoriseront une baisse de la consommation dnergie et un intrt accru pour les carburants verts (olien, solaire, biomasse). Cest ce quexplique Gerd Leipold, le directeur excutif de Greenpeace : Plutt que de fustiger la folie des marchs, apprcions au contraire le fait que cest l le seul moyen de donner aux hommes la conscience de la raret des ressources comme de lenvironnement. Au-del des misres quotidiennes quil provoque dans les pays mergents comme dans les pays dvelopps, le baril 100 dollars peut tre une chance pour lhumanit. | |||
Jean Piel | |||
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