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26/02/2008 | |||
Questions internationales (2) Un tandem pour diriger la Russie | |||
(MFI) Vladimir Poutine a dsign son successeur : Dmitri Medvedev, un juriste discret, actuel vice-Premier ministre et dune loyaut sans faille au patron du Kremlin. Dmitri Medvedev sera donc le prochain prsident de la Russie, mais la ralit du pouvoir restera dans les mains de Vladimir Poutine qui sera Premier ministre. Un coup dEtat constitutionnel dnonc par lopposition, mais qui sduit les Russes. | |||
Rarement une lection prsidentielle aura t aussi peu palpitante. Avec 82 % des intentions de vote, Dmitri Medvedev, dauphin dsign de Vladimir Poutine, est sr dtre le prochain prsident russe, le 2 mars 2008. Il na face lui aucun adversaire de lopposition dmocratique. Garry Kasparov, lancien champion du monde dchecs, a renonc se prsenter, et la candidature de lex-Premier ministre Mikhal Kassianov a t rejete par la Commission lectorale. Ce scrutin sera une farce. Il vaut mieux le boycotter , a dnonc ce dernier. Les trois autres candidats seront lultra nationaliste Vladimir Jirinovski, le communiste Guennadi Ziouganov et Andre Bogdanov, le leader du Parti dmocratique de Russie, une formation cre par le Kremlin afin de se doter dune soi-disant opposition. Un candidat en qute de lgitimit Linconnue reste le taux de participation. Les dirigeants russes souhaitent quil soit dau moins 65 % afin de lgitimer Dmitri Medvedev. Selon un reportage publi par le Moscow Times, les gouverneurs de province ont t pris de prendre les moyens darriver une telle participation, sous peine de perdre leur poste. Des bureaux de vote seront installs dans les entreprises, les hpitaux et les universits. Je prfre obir aux instructions. Lors des lections lgislatives du 2 dcembre 2007, je navais pas install durnes dans mes locaux. Rsultat : jai subi un redressement fiscal et reu une amende pour un soi-disant dfaut du systme anti-incendie , tmoigne un chef dentreprise dans le quotidien moscovite. Ce besoin de lgitimer le futur patron du Kremlin est dautant plus fort que lOSCE lOrganisation de scurit et de coopration en Europe a renonc envoyer des observateurs en Russie le 2 mars, estimant que les autorits ne leur donnaient pas les moyens de remplir correctement leur mission. Un candidat discrtement progressiste Ag de 42 ans, Dmitri Medvedev tait depuis longtemps lun des deux dauphins de Vladimir Poutine, avec lautre vice-Premier ministre, Sergue Ivanov. Comme Vladimir Poutine, il est originaire de Saint-Ptersbourg et on le dit totalement dvou son patron. Bourreau de travail, discret voire effac, respectueux de la hirarchie, il a toujours vouvoy lactuel prsident, alors que celui-ci le tutoie. Leur relation est celle dun grand frre pour son petit frre , ironise le quotidien Novoe Vremia. Egalement prsident du gant nergtique Gazprom, ce juriste de formation surnomm le grand vizir par la presse moscovite est considr comme le plus progressiste des proches de Vladimir Poutine. Ce qui certes nest pas trs exigeant. En tant que vice-Premier ministre, il tait charg des grands chantiers socio-conomiques, de la dmographie et des questions lies lamlioration de la qualit de la vie. Son style est le plus proche de celui du candidat idal dress par Poutine lui-mme : Moderne, jeune, professionnel et ambitieux. Peu expriment en politique trangre, sans rseau constitu, sans appui chez les silovikis, les hommes en uniforme, omniprsents dans la haute administration et la direction des entreprises, Dmitri Medvedev aura certainement du mal exister par lui-mme. Cela tombe bien ; ce nest pas ce quon attend de lui. Un candidat sous surveillance Si Dmitri Medvedev sera certainement le prochain prsident de la Russie, il sera tout aussi certainement sous la coupe de Vladimir Poutine. Car cest officiel, ce dernier sera Premier ministre et dtiendra la ralit du pouvoir. Un coup dEtat constitutionnel , dnonce lopposition. Lactuel patron du Kremlin nentend pas occuper ce poste de Premier ministre de faon transitoire, mais aussi longtemps que Dmitri Medvedev sera prsident , soit jusquen 2012, voire en 2016. Le 14 fvrier dernier, lors dune confrence de presse de prs de cinq heures devant 1 364 journalistes, Vladimir Poutine a prsent son programme de dveloppement pour la Russie jusquen 2020, et dfini les relations entre lui et le futur locataire du Kremlin : En tant que Premier ministre, jaurai pour tche de prparer le budget et le dfendre devant le Parlement, dlaborer la politique conomique, de rsoudre les questions sociales, de sant, dducation et denvironnement, de crer les conditions garantissant les capacits de dfense et la scurit du pays, de mener la politique conomique extrieure. On voit mal ce qui reste Dmitri Medvedev. Mais celui-ci ne semble pas sen offusquer. Il existe une complmentarit et une confiance rciproques entre nous deux. Avec Vladimir Poutine, nous pourrons remplir ensemble les missions les plus difficiles et les plus vastes , a-t-il rcemment dclar. Cette redistribution des rles entre le prsident de la Rpublique et le Premier ministre nest pas pour dplaire la majorit des lecteurs. En effet, seule la Constitution interdit Vladimir Poutine de briguer un troisime mandat. Car sinon lintress dont la cote de popularit dpasse les 80 % et qui jouit dun vritable culte de la personnalit aurait certainement t rlu. Peu importe aux Russes les drives autoritaires du Kremlin ; Vladimir Poutine est synonyme de stabilit politique, de bonne sant de lconomie et de fiert retrouve de la Grande Russie. Des lments fondamentaux aprs le chaos des annes 90. Reste une question : Dmitri Medvedev acceptera-t-il longtemps un si encombrant mentor, malgr sa rputation de loyaut toute preuve ? Boris Doubine, le directeur du centre dtudes politiques Levada, rappelle que lHistoire nous a appris nous mfier des leaders soi-disant effacs. Ils peuvent se dcouvrir de vastes ambitions une fois en poste . Mais aujourdhui, personne ne croit de telles prtentions de la part de Dmitri Medvedev. Vladimir Poutine a dj annonc quil ne mettrait pas le portrait du futur prsident dans son bureau. Medvedev, lui, a promis quil accrocherait celui de Poutine. | |||
Jean Piel | |||
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