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MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

25/03/2008
Kenya (1)
La communaut internationale au chevet du malade


(MFI) Le Parlement knyan a adopt lunanimit le 18 mars 2008 un accord de partage du pouvoir, et la formation dun gouvernement de coalition. Un accord accept pralablement par lopposant Raila Odinga et le prsident sortant Mwai Kibaki sous lgide de lancien secrtaire gnral des Nations unies Kofi Annan. Suffira-t-il pour autant sortir durablement le pays de la crise ?

Mandat mi-janvier 2008 par lUnion africaine, et trs vite soutenu par lensemble de la communaut internationale, Kofi Annan a us de tout son poids pour teindre le feu. La rlection conteste de Mwai Kibaki, le 27 dcembre 2007, avait fait basculer le pays dans une crise politique majeure, faisant plus de 1 200 morts et prs de 300 000 dplacs. Aprs une campagne explosive, les lections gnrales, dont le scrutin stait droul dans le calme, ont subitement plong le pays dans la violence quand le dcompte des voix a t interrompu pour annoncer la victoire du prsident sortant. Des rsultats qui ont surpris quant aux distorsions entre les rsultats des lgislatives et de la prsidentielle.
Dans un lodge du parc national de Tsavo-Ouest, lancien secrtaire gnral des Nations unies est parvenu, le 28 fvrier, faire signer aux deux frres ennemis un accord de principe pour une solution politique la crise, alors que le pays continuait senfoncer dans lextrme violence. Le mdiateur a eu galement lhabilet de proposer que laccord soit entrin par le Parlement, qui la adopt lunanimit le 18 mars 2008 par 200 dputs (sur 222).
Lamendement constitutionnel permet dsormais la cration des postes de Premier ministre et de deux vices Premier ministre. Les dputs ont aussi adopt laccord de rconciliation nationale, qui prvoit la formation dun gouvernement de coalition dans lequel la rpartition des ministres devra tre proportionnelle aux rsultats des lgislatives. Avec 99 dputs (sur 222), le Mouvement dmocratique orange (ODM) de Raila Odinga ne dtient pas la majorit absolue mais le Parti de lunit nationale (PNU) de Mwai Kibaki ne compte que 20 % des siges. Dans ce contexte, Raila Odinga, appel occuper les fonctions de Premier ministre, devrait former un gouvernement compos dautant de membres de lODM que du PNU sil ne veut pas risquer une nouvelle leve de boucliers de ceux qui seront carts des grands ministres (Intrieur, Dfense, Finances, Affaires trangres), occups par le PNU.

La pauvret comme facteur premier de la violence

Laccord de partage du pouvoir permettra-t-il pour autant un retour aux ententes pralables de 2002 ? A lpoque, lopposition avait perdu les prsidentielles de 1992 et 1997 pour tre alle au combat dsunie contre lUnion nationale africaine du Kenya (Kanu, au pouvoir depuis lIndpendance en 1963), alors quelle rassemblait une majorit de voix. Matre duvre de lunit de lopposition autour dun seul candidat, Raila Odinga avait su faire accepter Mwai Kibaki, un modr, partisan du compromis, trop vieux pour prtendre dautres mandats. Mais une fois lu, ce dernier navait pas respect la cl de rpartition des postes ministriels. Et navait soumis que tardivement rfrendum, en 2005, un texte constitutionnel si loign du projet initial quil avait massivement t rejet par le camp Odinga. Do le divorce consomm entre les deux leaders.
Le 20 mars, un Comit d`enqute international indpendant, prsid par un juge sud-africain, Johann Kriegler, et mis en place pendant la mdiation Annan, a commenc officiellement ses travaux portant sur l`ensemble du processus lectoral afin d`examiner la validit des rsultats. Le dernier rapport de lOffice du Haut Commissaire des Nations unies aux Droits de lHomme a mis de srieux doutes sur leur lgalit, prcisant que leur annonce a dclench, entre autres, lincendie de 41 396 maisons. Des violences dont le principal objectif tait politique . Le rapport identifie la pauvret comme facteur premier de la violence, estimant quil existe une relation directe entre les violations constantes des droits conomiques et sociaux sur le long terme et les violences constates lors du processus lectoral. Ses racines profondes, lies des injustices historiques concernant laccs la terre, concernent aussi laccs au travail et autres opportunits financires, des revendications formules lors des troubles, notamment dans la Valle du Rift. Les violences inter-ethniques sont relayes par des messages de division tonalit populiste.
Lanalyse du rapport des citoyens knyans leurs institutions tatiques met aussi en vidence un pass commun de violence , allant du niveau national au village le plus recul, o limpunit a jou galement un rle majeur. Toutes les institutions knyanes ont failli dans cette priode , dplore-t-il, appelant un dbat autour de la loi fondamentale en vue de crer un nouveau contrat social avec lEtat. Une rforme constitutionnelle devrait tre conduite par un organe indpendant puis soumise rfrendum, en vue des prochaines chances lectorales. Dbut mars, un accord de principe a aussi dcid de la cration dune Commission Vrit, Justice et Rconciliation, qui devra tre entrine par lAssemble nationale. Elle visera les auteurs des graves violations des droits humains qui ne devraient en aucun cas faire lobjet damnistie, recommande le rapport, qui encourage encore la mise en place dun programme de rparation aux victimes en vue de favoriser la rconciliation nationale.


Rapport du Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme (OHCHR en anglais), mars 2008.
Mission d'enqute ralise au Kenya, du 6 au 28 fvrier 2008.


Le Kenya, modle de pays stable et dmocratique ?

(MFI) Modle de dveloppement conomique, le Kenya ? Telle nest pas la ralit vcue par ses habitants*. Si les Knyans percevaient jusqu prsent leur pays comme stable, cest au regard des conflits qui agitent les pays voisins lexception de la Tanzanie. Ils jugent leur socit comme particulirement violente. Linscurit, pour eux, cest dabord le nombre demplois salaris trop insuffisant. Les diplms ont du mal trouver et garder un travail. De nombreux Knyans stonnent que la croissance conomique ne profite quaux plus riches. Selon le Pnud, le nombre de ceux qui vivent avec moins de deux dollars par jour a augment depuis 2000 alors que le pays connat une embellie. Ltat nest pas reconnu comme neutre, producteur de services publics et porteur de lintrt gnral . Les Knyans estiment que la politique est un des plus srs moyens de senrichir. On subit les politiciens plus quon attend deux. La corruption touche le sommet de ltat knyan et son administration. Souffrant dune absence de mdicaments et dinstruments, le personnel des structures de sant est pourtant particulirement bien form. Le systme ducatif fonctionne trs correctement du primaire aux universits. Mais ltat est surtout prsent au Kenya dit "utile" au-dessus de 1 300 mtres daltitude tandis quil laisse labandon les priphries, souvent dsertiques. Il est visible dans le centre des villes mais absent des bidonvilles o vit, notamment Nairobi, la majorit de la population urbanise.

A.D



* Daprs un entretien avec Herv Maupeu, directeur du Centre de recherches et dtudes sur les pays dAfrique orientale, LAfrique en questions. Crise knyane, publi dans le cadre du lancement du programme Afrique subsaharienne de lIFRI en fvrier 2008. www.ifri.org



Antoinette Delafin

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