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| 08/04/2008 | |||
| Questions internationales (2) Duel litalienne | |||
| (MFI) Trs personnalise, la campagne lectorale oppose Silvio Berlusconi Walter Veltroni. Deux hommes que tout spare : les ides, le style, la fortune, le rapport la politique et la vie citoyenne. Seuls points communs : un engagement politique de longue date et une farouche volont de barrer lautre la route du pouvoir. | |||
| Si les programmes des deux principaux partis italiens se ressemblent singulirement, les personnalits de leurs leaders sont par contre diamtralement opposes. Homme daffaires richissime au look manucur et au verbe enflamm, Silvio Berlusconi ne ressemble gure lintellectuel passionn de cinma et militant social de toujours quest Walter Veltroni. Certes, les deux hommes ont en commun un long engagement politique, mais ni du mme ct de lchiquier ni avec le mme parcours. Silvio Berlusconi a beau se dfinir comme un entrepreneur gar en politique , il a longtemps navigu entre le monde des affaires et celui de la vie publique. En 1994, il franchit le pas et se prsente aux lections lgislatives la tte dun parti cr pour lui, Forza Italia. Le voil dentre Prsident du Conseil, ainsi quon appelle le Premier ministre dans la Pninsule. Mais la dfection de son principal alli le contraint la dmission quelques mois plus tard. Elu dput europen au Parlement de Strasbourg en 1999, il retrouve le poste de chef du gouvernement en 2001, la tte dune coalition qui accueille en son sein deux formations dextrme-droite, la Ligue du Nord et lAlliance nationale. Son discours est alors populiste, ultra-libral, scuritaire. On est pour lui ou contre lui. Sans nuance. En restant 1 800 jours la tte du pays, celui que lon surnomme Il Cavaliere a tabli un record qui sera difficile galer. Battu par Romano Prodi aux lections lgislatives de 2006, il espre aujourdhui retrouver le chemin du pouvoir. Walter Veltroni, pour sa part, na jamais t prsident du Conseil. Militant communiste ds ladolescence, il a dabord t simple conseiller municipal de Rome en 1976, avant dtre lu dput en 1981. Puis lhomme quitte le PCI pour le Parti Dmocrate de Gauche qui lenverra aussi au Parlement. En 2001, il est lu maire de Rome et facilement rlu en 2006. Ardent dfenseur de la culture, de lenvironnement et de laide sociale, il est souvent compar Bertrand Delano, le maire de Paris. Un charisme partag Silvio Berlusconi et Walter Veltroni ont aussi en commun un talent de communicateur et un charisme certain. Mais ce postulat pos, la diffrence de style est abyssale. Membre de la loge maonnique P2, Silvio Berlusconi est adepte des discours enflamms, des formules choc, des accusations doigt point. Populiste tantt cajoleur tantt agressif, il sait mettre les rieurs de son ct. Ses drapages verbaux volontaires ou calculs sont nombreux ; comme quand il traite un eurodput allemand de kapo ou quil affirme la supriorit de la civilisation chrtienne sur la civilisation musulmane . Des excs qui lui ont valu un autre surnom : il Buffone, le bouffon. Rien de tout cela chez Walter Veltroni qui prfre expliquer, argumenter, convaincre. Son talent dorateur est certain, et il sait capter lattention malgr le ton professoral de celui qui est convaincu davoir raison. A la fougue parfois irraisonne dun Berlusconi soppose la modration pdagogique dun Veltroni. Les deux hommes partagent aussi le besoin de faire oublier certains pans de leur pass. Veltroni, son engagement ancien auprs du Parti communiste, mais aussi sa participation au dernier gouvernement de Romano Prodi. Et Berlusconi, le bilan de ses cinq annes la tte de lEtat. Un bilan mdiocre malgr ses dngations. Il promettait, avec des accents reaganiens, moins dEtat, moins dimpts, plus de travail et de meilleurs salaires. Rien de tout cela nest advenu. Certes, un million demplois ont t crs, mais ils sont dus, pour les deux-tiers, la rgularisation massive dimmigrs clandestins. Par contre, le gouvernement a rdig plusieurs lois favorisant les intrts conomiques de Berlusconi, et lui permettant dchapper la justice. Comme le dclarait au quotidien Le Monde le politologue Giovanni Sartori : Berlusconi sest comport comme le PDG de lItalie ; il a agi comme si le pays tait son entreprise destine lui faire gagner toujours plus dargent. Le rgime tait personnalis lextrme ; tout a t fait pour soigner les intrts de sa seule personne. Cest inacceptable dans une dmocratie . Aujourdhui, Il Cavaliere semble stre assagi. Il promet quil dirigera le pays avec humilit et se fait le chantre de louverture politique. Peut-on le croire ? Face lui, Walter Veltroni possde un sens reconnu de la chose publique et de lengagement citoyen. Il lui reste dmontrer son efficacit dans laction. Le style bling-bling La diffrence entre les deux hommes est galement physique. A 71 ans, Silvio Berlusconi refuse de vieillir, coup de lifting et dautobronzant qui lui donnent un visage presque plastifi. Il aime les ftes de la jet-set, les costumes de bonne coupe, le clinquant (ou le style bling-bling cher Nicolas Sarkozy) et semble tonnamment en forme pour son ge. Avec ses lunettes cercles dargent, ses cheveux poivre et sel en bataille et son lger embonpoint, Walter Veltroni est clairement moins attach son look. Mais face son adversaire, il insiste sur sa jeunesse : 52 ans. La moyenne dge de ses colistiers est de 43 ans (48 ans pour la liste de Silvio Berlusconi) et la moiti dentre eux sont des femmes (le tiers chez son adversaire). Le leader du Parti dmocrate aime se prsenter comme le seul homme du changement, celui qui peut faire voluer lItalie sans la bouleverser. Il dit admirer John Kennedy, Bill Clinton et Barack Obama. Yes we can , a-t-il lanc en anglais la fin dune confrence de presse. Un slogan qui est celui du candidat la candidature dmocrate aux Etats-Unis. Fortune contre intgrit Enfin, largent spare les leaders des deux principaux partis. Avec un patrimoine estim 12 milliards deuros, Silvio Berlusconi est la 3e fortune dItalie (il a longtemps t la premire) et la 26e mondiale. Sa proprit de Sardaigne est plus grande que lEtat du Vatican et sa collection de tableaux et de livres anciens est exceptionnelle. Il est aussi propritaire du club de football de lAC Milan. Deuxime groupe italien, sa socit Fininvest a des intrts dans limmobilier, lnergie, les tlcommunications, ldition Mais les accusations de corruption, de bilans truqus, de fraudes fiscales sont nombreuses contre Silvio Berlusconi. Cest lincarnation du Prince de Machiavel , estime la journaliste Lucia Annunziata. Au cours des annes 1990, le sige de Fininvest a t perquisitionn 560 reprises. Mais les juges nont jamais rien pu prouver. Certes, le chef du gouvernement Silvio Berlusconi avait eu la sagesse de faire adopter une loi damnistie et une autre dpnalisant les dlits des entreprises. A la tte de Mediaset, Silvio Berlusconi contrle galement la moiti du paysage audiovisuel italien. Ce qui lui a permis, lors des lgislatives de 2006, de bnficier de 43 fois plus de temps dantenne que Romano Prodi. Sans succs pour autant. Comme le reconnaissait un rapport du Parlement europen en 2004 : Le systme italien prsente une anomalie, savoir la runion dun pouvoir conomique, politique et mdiatique entre les mains dun seul homme . Le patrimoine de Walter Veltroni est beaucoup plus modeste. Sa fiert est son bel appartement romain, et tout le monde reconnat en lui un homme intgre. Journaliste de formation, lhomme a t rdacteur en chef du quotidien LUnita. Passionn de cinma, il a fond le Festival du film de Rome. Il est aussi lauteur de plusieurs romans. Les Italiens apprcient son ct intellectuel, mais ils se demandent sil nest pas trop gentil pour diriger le pays. Ces derniers mois, il a cherch durcir son image, notamment en renforant la lutte contre les immigrs clandestins roumains dans la capitale. Il nest pas sr que cela suffise. Le Peuple de la Libert, le parti de Silvio Berlusconi, est crdit de six points davance dans les sondages, face au Parti dmocrate. Mais paradoxe, la cote de popularit de Walter Veltroni (58 %) est nettement plus leve que celle du Cavaliere (36 %). Cest pourquoi lintress veut encore y croire. Il se dit dtermin se battre jusquau bout pour priver Silvio Berlusconi dun troisime mandat de prsident du Conseil. Ce dernier le reconnaissait dailleurs il y a peu : Le seul adversaire politique que je crains en Italie, cest Walter Veltroni . | |||
| Jean Piel | |||
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