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08/04/2008
Questions internationales (1)
Elections dans la morosit en Italie


(MFI) Labstention devrait tre forte lors des lections lgislatives des 13 et 14 avril. Les lecteurs dnoncent des scrutins rptition et une dsinvolture de la classe politique. Ce scrutin sera probablement loccasion dune recomposition du paysage politique de la Pninsule autour de deux formations : le Parti dmocrate, de centre-gauche, et le Peuple de la libert, coalition autour de Silvio Berlusconi, qui pourrait remporter un troisime mandat de prsident du Conseil.

Dans quel contexte politique se droulent ces lections ?

Deux ans peine aprs les prcdentes lgislatives, les Italiens reprennent le chemin des urnes. La chute du gouvernement de Romano Prodi, le 24 janvier dernier, a en effet impos ces lections anticipes. Il ne sagit en rien dune surprise. Le gouvernement de lancien prsident de la Commission europenne tait constitu de treize partis aux intrts souvent divergents, et il ne disposait que de deux voix de majorit au Parlement.
Cest donc dans un contexte de profonde lassitude, mais aussi de mcontentement croissant lgard de la classe politique et de ses joutes parlementaires qua lieu ce scrutin. La politique italienne est devenue un jeu guichet ferm dont les lecteurs sont exclus. Les lus semblent coups des ralits du pays et ne sintressent qu de minables magouilles politiciennes. Le systme proportionnel donne un poids excessif aux petites formations qui empchent tout gouvernement de fonctionner , dnonce la journaliste Lucia Annunziata dans le quotidien La Stampa.
Le systme du vote bloqu renforce le divorce entre les lecteurs et la classe politique. On ne vote pas pour un candidat dans chaque circonscription, mais pour un parti qui dsigne ses lus partir dune liste certes connue des lecteurs mais quils nont pas les moyens de modifier. Un systme dnonc tant par lEglise que par le patronat, les deux lobbies les plus puissants du pays. La constitution des listes par les seuls tats-majors des partis conduit un pouvoir oligarchique, bien loin de lidal dmocratique. Cela entrane aussi une campagne lectorale pauvre en contenus , regrette Giuseppe Betori, le secrtaire gnral de la Confrence piscopale. De son ct, Luca di Montezemolo, le patron des patrons italien sinquite dun Parlement plus nomm qulu, avec une cooptation au rabais. Cela favorise chez les lus la fidlit au chef plutt que le mrite, et freine le renouvellement de la classe politique . Plus de cent trente parlementaires sont mathmatiquement assurs de retrouver leur sige lAssemble. Dans ces conditions, pourquoi feraient-ils des efforts en faveur de leurs administrs ?
La multiplication des scrutins, le systme du vote bloqu et le sentiment que les lus ne sinvestissent pas pour le pays font craindre aux observateurs un fort taux dabstention, aggravant le malaise dmocratique.

Quels sont les principaux thmes de la campagne ?

En 1993, lopration Mani Pulite (Mains propres), ce vaste coup de filet anti-corruption et anti-mafia dans les milieux politiques avait entran dans la foule ladoption du systme majoritaire, tempr par une dose de proportionnelle. Mais en 2006, Silvio Berlusconi, alors Premier ministre, sentant venir sa dfaite aux lections lgislatives, a concoct une vritable usine gaz qui mixte scrutin majoritaire, proportionnel, vote bloqu, dans le seul but dembarrasser ses adversaires de gauche, condamns un vaste gouvernement de coalition ingrable. Aujourdhui, les Italiens souhaitent un retour au scrutin majoritaire.
La campagne lectorale est aussi loccasion pour les candidats dapprouver ou de refuser le rachat dAlitalia par Air France, de dnoncer la gestion calamiteuse du traitement des ordures Naples et de se prononcer pour ou contre lavortement. Dans un pays dont 87 % des habitants sont catholiques et o lEglise reste influente, certains remettent en cause le droit lIVG. Croyants ou pas, les Italiens ne veulent pas dun parti de Dieu pilot par la hirarchie ecclsiastique. Tous reconnaissent la ncessit dinstitutions laques et ils napprouvent pas les interventions rptes de lEglise dans le dbat politique, mais ces interventions influencent les lus , estime le sociologue Marco Politi, dans La Repubblica.
Bien videmment, aucune campagne lectorale Rome nlude la question des liens entre les hommes politiques et la mafia, et lemprise de cette dernire sur de multiples secteurs, comme les transports ou limmobilier. Mais entre dbat et solution, il y a loin de la coupe aux lvres. Lconomie est un autre sujet dinquitude pour les Italiens. En 2007, le taux de croissance a t, une nouvelle fois, infrieur la moyenne europenne (+ 1,7 % contre + 2,5 % dans la zone euro) et le tissu industriel sest dgrad continuellement. Certains experts voquent le spectre de la rcession ; le pays a connu une croissance zro en 2005. Dans le mme temps, la dette publique bat des records. Aucun secteur ne prsente davantages comparatifs face aux pays voisins. Lconomie italienne manque de dynamisme. Tous les indicateurs la relguent dans le wagon de queue des pays industrialiss en terme de productivit et de comptitivit , analyse le magazine The Economist.
A en croire Marc Lazar, du Centre dtudes et de recherches internationales (CERI) : La campagne lectorale est jusqu prsent de bonne tenue, ce qui ne signifie pas quelle passionne les Italiens. Les partis de gauche ne se contentent pas de stigmatiser Silvio Berlusconi sur le thme Au secours, la droite revient. Et la droite ne fait pas que dnigrer ses adversaires en brandissant une imaginaire menace communiste. Le problme est que les programmes conomiques des deux principales formations le Parti dmocrate, de centre-gauche, et le Peuple de la libert, autour de Silvio Berlusconi ne diffrent gure. Dans les deux cas, le discours est plutt libral. Reste savoir si les lecteurs y adhrent .


Quelles sont les principales forces en prsence ?

Ces lections lgislatives sont loccasion dune recomposition du paysage politique dans la Pninsule (mais non de son personnel). A gauche, outre le Parti socialiste et le Parti communiste des travailleurs, lArc-en-ciel regroupe les Rnovateurs communistes, le PCI, les Verts et Gauche dmocrate. Il sagit dune coalition situe entre le centre-gauche et lextrme-gauche. La principale innovation est la cration du Parti dmocrate, n de la fusion entre les sociaux-dmocrates et les dmocrates-chrtiens de La Margherita. Pro-europen, favorable un engagement social de lEtat mais libral au plan conomique, ce mouvement de centre-gauche blairiste, diront certains est dirig par lex-maire de Rome, Walter Veltroni. Pour la premire fois, le centre-gauche a refus de sallier des partis plus radicaux. Un moyen de prvenir les critiques de drives idologiques et de risques dtatisation de lconomie. Ce faisant, il a dplac les frontires habituelles de la gauche , explique le politologue Ilvo Diamanti, dans La Repubblica.
De lautre ct de lchiquier, outre quelques formations centristes, un mouvement populiste de dfense des consommateurs et deux ligues dextrme-droite, le principal parti est le Peuple de la libert, une coalition qui runit, autour de Silvio Berlusconi, Forza Italia, lAlliance nationale, la Ligue du Nord et diffrents petits partis.
Lheure est au regroupement. Sans avoir disparu, lmiettement partisan, caractristique de lItalie, est nettement moindre pour ces lections lgislatives. Cest une volution majeure qui, si elle se confirme, pourrait rconcilier les Italiens avec la politique , souligne Ilvo Diamanti. Autre nouveaut de cette campagne : plus quune lutte entre partis, elle est marque par un affrontement entre deux leaders charismatiques : Walter Veltroni et Silvio Berlusconi (voir portraits ci-aprs). Ces lections semblent donc tre personnalises lextrme, au point davoir une allure de campagne prsidentielle la franaise ou l'amricaine. Mais qui dit affrontement ne dit pas coup bas : choisi par les militants de son parti, Walter Veltroni se prsente comme le candidat du changement et de la modration, et non comme un candidat anti-Berlusconi. Clbre pour ses dclarations lemporte-pice et ses discours flamboyants, ce dernier joue pour la premire fois profil-bas, reconnaissant quil ne dispose pas de recettes miracles pour lItalie. Je nai pas de baguette magique ; je gouvernerai avec humilit , dclare celui que lon surnomme Il Cavaliere. Il se dit mme prt ouvrir son gouvernement tous les hommes comptents et de bonne volont .


Comment alors devraient se dterminer les lecteurs ?

A en croire les sondages, 25 % des Italiens sont encore indcis. Pas facile en effet de choisir entre deux listes qui, si elles ne ressemblent pas sur la forme et sur le style, dfendent nanmoins des programmes similaires. Au point que chacun accuse lautre de plagiat. Hormis quelques diffrences de ton sur la fiscalit, la scurit et la politique trangre, il ny a pas dincompatibilit majeure entre les propositions du Parti dmocrate et celles du Peuple de la libert. Lheure est la prudence et la modration.
Tout est affaire de confiance dans les hommes. Est-il possible de croire que Silvio Berlusconi sest rellement assagi ? Peut-on voter pour une coalition qui admet en son sein lextrme-droite, avec la Ligue du Nord et lAlliance nationale ? A contrario, Walter Veltroni aura-t-il les moyens de gouverner sans le soutien de la gauche radicale ? Est-il vraiment dispos librer les entreprises du fardeau fiscal ? , sinterroge la journaliste Lucia Annunziata, dans La Stampa. Les deux grandes formations appellent au vote utile pour priver les petits partis de leur pouvoir de chantage, et assurer ainsi la stabilit gouvernementale.
Selon les derniers sondages, le Peuple de la Libert aurait six points davance sur le Parti dmocrate : 39 % des intentions de vote pour le premier, 33 % pour le second. LUnion centriste et la Gauche Arc-en-ciel attireraient chacune 8 % des suffrages. Paradoxalement : la cote de popularit de Walter Veltroni (58 %) dpasse de loin celle de Silvio Berlusconi (36 %). Cest pourquoi le leader du Parti dmocrate croit encore sa victoire possible, dautant que lcart entre les deux principales listes se rduit. Il se dit dtermin se battre jusquau bout pour empcher Il Cavaliere de devenir une troisime fois prsident du Conseil italien.


Jean Piel

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