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16/04/2008 | |||
Afrique de lOuest : 2007, une anne lectorale sous haute tension | |||
(MFI) Le Club du Sahel et de lAfrique de lOuest de lOCDE dresse un bilan des lections en srie qui ont eu lieu dans la rgion en 2007. Une occasion de sinterroger sur lvolution des dynamiques dmocratiques amorces dans les annes 1980 et 1990. Et de mesurer les dfis relever. | |||
Dix pays dAfrique occidentale ont organis des consultations lectorales en 2007, dont neuf appartiennent la Communaut conomique des Etats dAfrique de lOuest (Cdao) : au total, cinq prsidentielles (Mali, Mauritanie, Nigeria, Sngal, Sierra Leone) et neuf lgislatives (Bnin, Burkina Faso, Cameroun, Gambie, Mali, Nigeria, Togo, Sngal, Sierra Leone). Massar Diallo, chef de lunit Gouvernance, dynamique des conflits, paix et scurit du Club du Sahel et de lAfrique de lOuest (CSAO/OCDE), rappelle* que le contrle du pouvoir politique dans la rgion, li celui des ressources naturelles, matrielles ou financires, a souvent donn lieu de violents conflits dans lre dmocratique postcoloniale , o ont eu lieu dj trois gnrations dlections : coloniales avant 1960, plbiscitaires lpoque des partis uniques, et celles des dmocratisations en cours. Les consquences de ces conflits sont encore palpables puisque sur les quinze Etats-membres de la Cdao, dix sont classs Etats fragiles par le Comit daide au dveloppement et quatre seulement nont pas vcu de violences ces trente dernires annes. De plus, sur les 16 pays du Sahel et de lAfrique de lOuest, seuls deux ont chapp un coup dtat militaire en quarante-cinq ans. Un minimum de consensus entre pouvoir et opposition Si 2007 fut une anne lectorale sous haute tension , estime Gwnola Possm-Rageau**, charge de programme de lunit Gouvernance, elle na toutefois pas dclench de crises majeures dans la rgion - mme si des violences ont ponctu la campagne lectorale notamment au Nigeria, causant la mort de 200 personnes . Les scrutins ont bien eu lieu aux dates prvues , lexception de la prsidentielle ivoirienne et des lgislatives guinennes repousses 2008 faute davoir runi les conditions requises. Lespace politique est dsormais ouvert tous, grce au rle positif de la socit civile et des mdias. Des commissions lectorales indpendantes ont vu le jour bon an mal an dans la plupart des pays concerns. Do un certain lan dmocratique . Lenqute dAfrobaromtre*** lavait rvl : 80 % des Africains disaient prfrer lire librement leurs dirigeants, en accord avec le Protocole additionnel sur la dmocratie et la bonne gouvernance adopt en 2001 par la Cdao, qui visait juguler les tensions et drapages en priode lectorale, point de dpart de graves crises politiques , note Massar Diallo. Toute accession au pouvoir doit se faire travers des lections libres, honntes et transparentes , stipule le protocole, base lgale et politique de limplication de la Communaut dans lobservation et/ou la supervision des lections rgionales. Lexigence de fiabilit et de transparence des lections, point nodal de la dmocratie politique , requiert toutefois un minimum de consensus entre pouvoir et opposition, poursuit le chercheur. De nombreux pays ont labor ou consolid des codes lectoraux et des commissions lectorales indpendantes trop frquemment remis en cause ou contests comme au Bnin ou au Togo lan dernier. Autant de symptmes de la fragilit des consensus , qui demeurent un dfi pour la construction de dmocraties durables . Autre dfi : la structure dmographique de la rgion (plus de 290 millions dhabitants dont 160 au Nigeria) qui compte 45 % de moins de quinze ans et prs de 50 % de moins de dix-huit ans. Do une jeunesse qui ne pse pas sur les choix politiques et un corps lectoral relativement restreint. Quen a-t-il t du comportement de llectorat en 2007 ? Dans les pays o lenjeu tait un parachvement politique du processus de sortie de crise, les lections ont consolid une dynamique dmocratique en construction en aboutissant une alternance politique pacifique et en se traduisant par un important taux de participation , estime Massar Diallo. Ainsi, en Sierra Leone, 68 % dlecteurs ont particip la prsidentielle qui a dbouch sur une alternance pacifique malgr des mises en cause de la commission lectorale. Taux de participation record galement au Togo (85 %) pour ce retour dune certaine confiance qui a rendu possible une participation optimale des acteurs politiques longtemps rests en marge . Quant la Mauritanie (65 %), elle a tourn la page du rgime issu du coup dEtat de Ould Vall () dans des conditions acceptables de rgularit et de transparence . Des scores crasants au premier tour Plus inquitant : les scores crasants au premier tour relevs dans les pays o il sagissait de renouveler le leadership politique la tte de lEtat . Ainsi au Sngal, Abdoulaye Wade a t rlu avec 56 % des voix, marquant un cart considrable avec son principal concurrent, Idrissa Seck (15 %). Les lections ont ainsi rvl des tendances lhgmonie politique des leaders au pouvoir au Mali, o Amadou Toumani Tour a t rlu avec 71 % des suffrages ; au Nigeria, o Umaru YarAdua a t lu avec 70 % des voix ; et en Gambie, o Yahya Jammeh a obtenu 67 % des suffrages. Des majorits crasantes qui ont suscit des contestations la recherche de preuves . Sans suite. Massar Diallo note enfin un fort dcalage de la participation, plus forte aux prsidentielles quaux lgislatives dans les pays qui ne sont pas en crise. Hormis le Mali o la variation est faible (3 %) mais qui est en proie un problme chronique de mobilisation lectorale , cette chute du taux de participation a t constate au Bnin (- 16 %), au Cameroun (- 20 %), en Gambie (-17 %) et au Sngal (- 35%). Manque dintrt, voire dfiance lectorale, selon les opposants. Troisime tour des prsidentielles, selon les pouvoirs excutifs. Reste quune importante partie de llectorat considre que les parlementaires ne constituent pas un pouvoir rel . Le parlement passe pour tre un outil du Prsident de la Rpublique pour lgaliser ce quil veut, quitte tordre sans rticence la Constitution et la modifier en utilisant mcaniquement une majorit partisane . Chef de lEtat, chef du parti majoritaire et, ce titre, de la majorit parlementaire : cette ralit mine pratiquement la sparation constitutionnelle des pouvoirs, constitutive de la dmocratie . Crise de croissance ? Si la dmocratie ne profite toujours pas pleinement aux citoyens, force est de constater quelle est en marche. Les scrutins de 2007 ont toutefois mis en vidence de graves dysfonctionnements modifications unilatrales des constitutions, manipulations de codes lectoraux ou des commissions lectorales nationales. Pour jouer un rle accru dans la prvention des crises lies aux lections, la Cdao devrait contribuer amliorer lobservation lectorale un niveau defficacit qui soit dissuasive peut-tre en adoptant un code de conduite accept par tous les acteurs ? * Quen est-il de la dmocratie la lumire des lections ? , sur www.westafricaclub.org ** La dmocratie en question , sur www.westafricaclub.org *** Voir www.afrobarometer.org | |||
Antoinette Delafin | |||
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