Rechercher

/ languages

Choisir langue
 
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

10/02/2008
IVme confrence des ministres francophones de la Justice
Justice pnale internationale : des acquis fondamentaux


(MFI) Certains pourront voir les choses en noir et considrer, quen matire de justice pnale internationale, les progrs sont bien lents. A contrario, les plus optimistes estimeront que lon na jamais autant parl de justice pnale internationale, dans les mdias comme dans la sphre des pouvoirs politiques, et que cest l signe manifeste et positif dvolution.

Lactualit rcente semble donner raison aux optimistes : au Cambodge, o le gnocide perptr entre 1975 et 1979 aurait dcim le quart de la population, celui que lon surnomme Douch , de son vrai nom Kaing Guek Eav, qui a dirig le centre dinterrogatoire S-21 , vient dtre inculp pour crimes contre lhumanit par le Tribunal spcial Khmers rouges (TKR qui est, en ralit, un ensemble de chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens charges de la poursuite des crimes commis par les Khmers rouges). A Arusha, ville tanzanienne o sige le Tribunal pnal international pour le Rwanda, la chambre dappel du TPIR vient de confirmer la condamnation 25 annes de prison dAloys Simba pour gnocide et extermination , et pour crimes contre lhumanit . Au Sngal, les autorits judiciaires viennent de prendre lengagement dentamer dici quelques mois lenqute visant lex-prsident tchadien Hissne Habr, pour crimes contre lhumanit . Sil est organis, ce procs sera une premire car aucun chef dEtat na encore t jug pour de tels crimes sur le continent africain
Depuis une dcennie, on constate un recul de limpunit dont ont pu jouir par le pass tant de responsables politiques et militaires, malgr lextrme gravit de certains des crimes quils ont pu commettre. Sur un strict plan symbolique, larrestation le 1er avril 2001 de Slobodan Milosevic, puis louverture de son procs devant le Tribunal pnal international pour lex-Yougoslavie sont marquer dune pierre blanche. Ce prcdent a une vocation pdagogique vidente, pour la premire fois dans lhistoire un ancien chef dEtat tait jug devant une juridiction internationale.


Le long chemin vers la Cour pnale internationale

Cest lampleur et le degr dhorreur atteints par les crimes perptrs par lAllemagne nazie et le Japon qui ont conduit la mise en place de deux tribunaux militaires internationaux , lun Nuremberg et lautre Tokyo, chargs par les vainqueurs de chtier les coupables. De l date le signal qui conduira ladoption, dans le cadre des Nations unies, dune base juridique nouvelle intgre dans des conventions internationales, de mme que dans quantit de lgislations nationales. Il faudra nanmoins attendre le milieu des annes 1990, dans un nouveau contexte international rendu possible par la fin de lantagonisme Est-Ouest, pour que dmarre vritablement le long processus, parsem dembches, qui va aboutir lentre en vigueur, le 1er juillet 2002, du statut de la Cour pnale internationale (CPI). Nul doute que les crises yougoslave et rwandaise, survenues dans ce mme intervalle, nont pas peu contribu la naissance de la CPI. Car, faut-il le rappeler, en labsence de juridiction pnale internationale permanente, cest le Conseil de scurit qui a d crer, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations unies relatif l action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et dacte dagression , deux tribunaux ad hoc. Tribunaux existence limite dans le temps et comptence restreinte dans lespace
Comptente pour les crimes de gnocide, les crimes contre lhumanit ainsi que les crimes de guerre commis partir du 1er juillet 2002, la Cour pnale internationale, dont le sige est La Haye, ne fait cependant pas lobjet dun consensus universel car certains Etats, dont les Etats-Unis, ne sont toujours pas partie prenante la Convention de Rome qui la institue. Toute personne ge de dix-huit ans rvolus peut thoriquement tre poursuivie et ce indpendamment de son statut et des fonctions occupes : aucune exonration de responsabilit pnale nest en effet prvue pour des actions menes dans le cadre de responsabilits officielles.
Selon le statut, cette comptence ne saurait sexercer que si lEtat sur le territoire duquel un crime a t commis ou dont le responsable du crime est ressortissant, est partie au Trait. Cependant, au cas o une situation est dfre au Procureur par le Conseil de scurit, en cas de menace ou datteinte la paix et la scurit internationales, aucune condition pralable nest exige et la Cour est toujours comptente. Les deux autres cas de saisine possibles sont ceux dune situation dfre au Procureur par un Etat partie ou lorsque le Procureur dcide, sur la base des informations dont il dispose, de se saisir dune situation particulire. Il est noter, autre originalit de la Cour, quelle est complmentaire des juridictions pnales nationales et quelle se limitera, sur dcision des juges, enquter et engager des poursuites que dans les cas o un Etat naurait pas la capacit de le faire lui-mme ou nen aurait pas la volont
La CPI est dores et dj oprationnelle et son Procureur a ouvert un certain nombre de dossiers pour des crimes de guerre ou contre lhumanit commis en Rpublique dmocratique du Congo, en Ouganda ou encore au Darfour.


Loriginalit des juridictions mixtes

Cest au Sierra Leone qua t inaugure une formule originale de justice, suppose moins coteuse et plus rapide, impliquant tout la fois la lgislation nationale et internationale. En rponse une demande du gouvernement sierra-lonais de juin 2000, le Tribunal spcial pour la Sierra Leone (TSSL) a t cr le 14 aot 2000 par la rsolution 1315 du Conseil de scurit. Le procs de Charles Taylor, lun des principaux inculps, a actuellement lieu La Haye, dans les locaux de la CPI le Conseil de scurit ayant en effet autoris par sa rsolution 1688 cette dlocalisation, la demande du TSSL.
Au Cambodge, une loi nationale du 10 aot 2001 a permis la cration de chambres extraordinaires , intgres aux tribunaux existants. Puis le mois de mars 2003 verra la conclusion des ngociations entre les autorits cambodgiennes et les Nations unies. Ces discussions devaient aboutir un projet daccord, officiellement sign Phnom Penh le 6 juin 2003, concernant la poursuite, conformment au droit cambodgien, des auteurs des crimes commis pendant la priode du Kampucha dmocratique. Les premiers procs des inculps devraient dbuter dbut 2008. Au Timor, le tribunal mixte national et onusien, charg de traduire en justice les responsables des atrocits commises en 1999 par les militaires et miliciens indonsiens, a t lourdement handicap par labsence de coopration de Djakarta. En Bosnie-Herzgovine a t cre une Chambre pour les crimes de guerre, afin de dsengorger le TPIY, daider la refondation du systme judiciaire bosniaque et de favoriser la rconciliation entre communauts. Enfin, dernier exemple en date, la cration, le 30 mai 2007, par le Conseil de scurit des Nations unies, du tribunal international pour juger (selon le droit libanais), les assassins de lex-Premier ministre Rafic Hariri ainsi que les auteurs de 14 autres assassinats commis sur des personnalits libanaises anti-syriennes.


Le relais des juridictions nationales

Paralllement aux juridictions pnales internationales permanente (CPI) ou ad hoc (TPIY, TPIR) et hybrides (Sierra Lone, Cambodge et Timor), la justice pnale sest galement enrichie de laction de juridictions nationales dEtats dclarant vouloir exercer la comptence universelle celle-ci autorisant un Etat droger aux principes classiques de territorialit et de personnalit. Larrestation, la requte de lEspagne, dAugusto Pinochet Londres le 16 octobre 1998 procde de cette logique et a marqu un prcdent important. Cest la Belgique qui est alle le plus loin dans cette voie, en poursuivant les auteurs de crimes commis ltranger ; cest vrai des Rwandais jugs Bruxelles pour leur participation au gnocide de 1994 mais aussi et surtout pour Hissne Habr, ancien prsident du Tchad de 1982 1990, contre lequel un mandat darrt international tait dlivr en septembre 2005, en mme temps quune demande dextradition tait adresse au Sngal o celui-ci rside depuis lors.
Protiforme et donc plus efficace, la justice pnale internationale nen demeure pas moins dpendante de la bonne (et de la mauvaise) volont des Etats. Les cas de Radovan Karadzic et de Ratko Mladic tenus pour principaux responsables du massacre de plusieurs milliers de Musulmans de Srebrenica, en juillet 1995, et toujours en fuite depuis plus dune dcennie tmoignent du chemin restant parcourir.


Renaud de la Brosse

retour