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10/02/2008
IVme confrence des ministres francophones de la Justice
Harmonisation du droit (2)
Lexemple de lOhada


(MFI) A lheure dune harmonisation invitable du droit international, une quinzaine de pays africains ont lanc, depuis plus de quatorze ans, un mcanisme dintgration conomique travers lOrganisation pour lharmonisation en Afrique du droit des affaires, lOhada.

Cette organisation, cre par le trait relatif lharmonisation du droit des affaires en Afrique sign le 17 octobre 1993 Port-Louis (Maurice), en marge dun sommet de la Francophonie, regroupe lheure actuelle seize Etats : le Bnin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Rpublique centrafricaine, la Cte dIvoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la Guine, la Guine-Bissau, la Guine-Equatoriale, le Mali, le Niger, le Sngal, le Tchad et le Togo. Le trait est toutefois ouvert ladhsion de tout Etat membre de lOrganisation de lUnion africaine (UA) et au-del, invit y adhrer du commun accord de toutes les parties. Son domaine gographique dpasse donc les frontires de la Zone Franc et de laire linguistique francophone puisque la Guine (non membre de la Zone franc), la Guine-Bissau, lusophone, et la Guine-Equatoriale, hispanophone, en font dj partie.
Bas sur le droit civil (romano-germanique), le droit Ohada subit aussi des influences du common law anglo-saxon puisque des experts internationaux participent aussi son laboration. Ce qui pourrait faciliter, terme, ladhsion de pays non francophones comme le Ghana voire le Nigeria, mme si cela poserait quand mme des difficults surmonter.


Remdier linscurit juridique et judiciaire

LOhada est dote de quatre institutions principales : le Conseil des ministres, qui constitue lorgane normatif, le Secrtariat permanent install Yaound au Cameroun, lEcole rgionale suprieure de la magistrature situe Porto-Novo, au Bnin, et la Cour commune de justice et darbitrage (CCJA), installe Abidjan, en Cte dIvoire, qui donne son avis sur linterprtation et lapplication commune du trait et des actes uniformes et qui fait fonction de cour suprme pour tous les litiges relevant du droit des affaires, se substituant aux cours de cassation des pays membres de lorganisation. Le Trait a pour objectif de favoriser le dveloppement conomique et lintgration rgionale en dotant les Etats-parties dun droit des affaires unique et simplifi, offrant la scurit juridique et judiciaire ncessaire lensemble des acteurs conomiques. Il permet aussi dassurer la promotion de larbitrage comme instrument privilgi de rglement des diffrends contractuels.
Les textes approuvs pour ladoption des rgles communes sont appels actes uniformes et sont directement applicables et obligatoires dans les Etats membres. Ils portent sur de multiples sujets lis au monde des affaires comme le droit commercial gnral, le droit des socits, le recouvrement et les voies dexcution, le droit de la faillite ou le droit de larbitrage. Le principal objectif de lOhada, depuis sa mise en place, est de remdier linscurit juridique et judiciaire existant dans plusieurs pays africains, o la plupart des textes en vigueur dataient de lpoque de la colonisation et ne correspondaient plus la situation conomique ni aux rapports internationaux actuels.
Dans les tats de la Zone Franc, les oprateurs conomiques avaient coutume de dnoncer une situation qui leur tait prjudiciable et qui tait caractrise par la coexistence de textes contradictoires, la lenteur des procdures, limprvisibilit des tribunaux, la corruption des systmes judiciaires et les difficults dexcution des dcisions. Lharmonisation du droit conomique et lamlioration du fonctionnement des systmes judiciaires taient donc ncessaires pour restaurer la confiance des investisseurs, faciliter les changes entre les pays et dvelopper un secteur priv performant.
Toutefois, le fonctionnement de ce mcanisme rvle encore des insuffisances et des problmes qui risquent den altrer lefficacit si des solutions urgentes dordre institutionnel ninterviennent pas. Les points les plus importants portent sur le financement de lOhada, les organes de lorganisation et la rpartition des postes et, enfin, la rvision du trait, pour laquelle une runion des chefs dEtat et de gouvernement est ncessaire.


Budget ordinaire de lorganisation : 5 millions deuros

Le Conseil des ministres de lOhada, comprenant les ministres de la Justice et des Finances, avait reconnu en octobre 2003 Libreville, au Gabon, que seul un mcanisme autonome de financement permettrait aux institutions dassurer correctement leur mission et de devenir des partenaires part entire dautres organisations internationales impliques dans le dveloppement conomique. Ce mcanisme prvoyait un prlvement automatique de 0,05 % sur la valeur des importations de chaque pays, vers directement sur un compte spcifique ouvert au nom de chaque pays auprs des banques centrales. Mais il nest toujours pas mis en uvre, un certain nombre de ministres des Finances dAfrique de lOuest, imits par leurs collgues dAfrique centrale, voulant budgtiser cette contribution. Pour les experts de lOIF, il est donc ncessaire que les Etats sengagent faire fonctionner ce mcanisme partir du 1er janvier 2008, ce qui suffirait pour financer le budget ordinaire de lorganisation estim 5 millions deuros.
Concernant la direction des organes de lOhada, il sagit de ractualiser la dcision prise peu aprs la mise en uvre de lorganisation dattribuer les postes un certain nombre de pays choisis davance. Car ces Arrangements dits de Ndjamena , adopts en avril 1996 pour assurer le fonctionnement rapide des instances permanentes, soulvent aujourdhui des problmes de comptence et crent des frustrations de plus en plus grandes parmi les autres pays membres, aggraves par le clivage rgional qui fait que ces trois postes essentiels relvent de pays de lAfrique de lOuest et ne prennent pas en compte larrive ventuelle de nouveaux membres. Les partisans dune plus grande souplesse font valoir que dans la plupart des institutions vocation rgionale qui fonctionnent actuellement, louverture et la mise en comptition des candidats est devenue la rgle, et quau plan multilatral on assiste aussi une remise en cause des attributions automatiques .


En attendant une runion des chefs dEtat

De mme, le projet de rvision du trait examin Malabo, en mars 2005, na pu aboutir, faute dune runion de chefs dEtat qui na pas encore ce stade pu se tenir.
Reste encore dfinir les attributions et la priodicit des runions de la Confrence des chefs dEtat et de gouvernement, nouvel organe propos par le projet de Malabo ; discuter de la question de la langue de rfrence du trait, avec les consquences techniques et financires de ladoption de quatre langues de travail (franais en tant que langue de rfrence, espagnol, portugais et anglais), et aussi de lopportunit de laugmentation du nombre des juges de la CCJA face laccroissement de la charge de travail. Leur nombre avait t fix sept provenant de sept pays. Certains souhaitent quil y en ait un par pays membre, ce qui reviendrait, disent certains experts, ce quils soient de simples reprsentants de lEtat. En fait, la solution qui parat merger, et qui devrait tre rgle dans les mois qui viennent, porte sur un accroissement progressif du nombre des juges.
Tout le monde pour le moment compte beaucoup sur les efforts du secrtaire gnral de lOIF Abdou Diouf, ancien chef dEtat sngalais, et de ceux de lactuel prsident Abdoulaye Wade, dont le pays assure en 2008 la prsidence du conseil des ministres de lOhada pour relancer la machine afin de rgler tous ces problmes. Et faire avancer quatre dossiers qui influent sur le fonctionnement ordinaire et lvolution de lOhada : la structuration des commissions nationales, la mise en place du registre du commerce et du crdit mobilier (RCCM) aux niveaux local, national et rgional, la mise en conformit du droit interne par rapport au droit Ohada et les relations entre la Cour commune de justice et darbitrage et les Hautes juridictions nationales. La bonne articulation de ces quatre sujets favorisera lmergence dun espace rgul permettant aux individus, investisseurs, producteurs ou consommateurs, dagir dans des conditions juridiques optimales pour la cration dentreprises, linvestissement personnel et lemploi de leurs ressources.


LOhada : architecture et volution

LOhada a permis lharmonisation progressive du droit des affaires dans seize pays dAfrique occidentale et centrale. Son architecture, base sur le droit civil franais dinspiration romano-germanique, se veut rigoureuse en matire dnonc des lois mais souple dans leur application afin de pouvoir souvrir terme, comme le prvoient les statuts, dautres pays ayant une lgislation inspire de la common law anglo-saxonne.

- 1993 - La rflexion avait commenc ds avril 1991 lorsque les ministres des Finances de la Zone Franc, runis Ouagadougou, dcident de se pencher sur la faisabilit dun projet de mise en place progressive dun droit harmonis des affaires, afin de rationaliser et damliorer lenvironnement juridique des entreprises.
Le projet aboutit le 17 octobre 1993, Port-Louis (Maurice), en marge du sommet de la Francophonie, la signature du trait sur lharmonisation du droit des affaires en Afrique, entr en vigueur partir de 1995. Seize pays y sont parties. Le Trait est toutefois ouvert ladhsion de tout Etat membre de lUnion africaine (UA) et au-del, invit y adhrer du commun accord de toutes parties.
LOhada conoit et met en uvre des textes lgislatifs, appels actes uniformes , relatifs au droit des affaires, dsormais appliqus par les juridictions nationales.

- 1996 - Les arrangements dits "de Ndjamena" procdent la rpartition des siges et attribuent certains pays la direction des organes permanents de lOhada afin dassurer leur fonctionnement rapide : le Secrtariat permanent, la prsidence de la Cour commune de justice et darbitrage et la direction de lEcole rgionale suprieure de la magistrature.

- 1998 - Les trois premiers Actes uniformes (droit commercial gnral, droit des socits commerciales et du groupement dintrt conomique, organisation des srets), adopts le 17 avril 1997 par le Conseil des ministres, entrent en vigueur dans les Etats parties le 1er janvier 1998, suivis ultrieurement par dautres actes. Le droit du travail, le droit des socits coopratives ou mutualistes et celui des contrats et de la preuve sont toutefois encore ltude.

- 2003 - En octobre 2003, Libreville au Gabon, le Conseil des ministres de lOhada dcide de mettre en place un mcanisme autonome de financement pour permettre aux institutions dassumer correctement leur mission. Ce mcanisme est constitu dun prlvement automatique de 0,05% sur la valeur des importations de chaque pays, vers directement sur un compte spcifique ouvert au nom de chaque pays auprs des banques centrales (BCEAO et BEAC), qui nest toujours pas oprationnel.

- 2005 - Le Conseil des Ministres adopte Malabo, en mars 2005, un projet de rvision du Trait de Port-Louis, qui ne peut tre amend que par un sommet des chefs dEtat et de gouvernement des seize membres de lOhada, que tous souhaitent voir se tenir en 2008.
Sensibilis par les Hautes autorits maliennes, le Secrtaire gnral de la Francophonie a confi un Comit dexperts indpendants, qui sest runi en 2006 Paris, le soin dy porter un regard critique ; la rflexion sest poursuivie en novembre 2007 par une runion des "forces vives" de lOhada. Au menu des sujets tudis, la rvision du trait mais aussi la suppression ventuelle des "arrangements de Ndjamena", laugmentation du nombre des juges de la Cour de Justice et des langues utilises au sein de lorganisation, le franais restant la langue de rfrence.
Le dernier Conseil des ministres, en dcembre 2007 Niamey, a justement souhait la suppression des "arrangements de Ndjamena" et la prise en compte des conclusions du rapport des experts et des recommandations des "forces vives".


Marie Joannidis

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