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MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

10/02/2008
IVme confrences des ministres francophones de la Justice
Les dfis de ladministration de la justice dans lespace francophone


(MFI) Linstitution judiciaire est charge de mettre en uvre, en toute indpendance, lensemble des rgles et principes gouvernant le rglement des conflits devant les cours et tribunaux. Comment assurer leffectivit et lefficacit du service public de la justice, de sorte faire de linstance judiciaire un acteur de la paix sociale et linstrument essentiel de la consolidation de lEtat de droit ?

Au-del des questions de lorganisation dune instance judiciaire fonctionnant effectivement et digne de la confiance des justiciables, ladministration de la justice met en jeu des considrations politiques, sociales, historico-culturelles. Elle sentend ainsi comme laction dexercer le pouvoir judiciaire au sein de lappareil dEtat. Tout systme de justice, accept et compris par les justiciables, doit tre fond sur des mcanismes conciliant les exigences bases sur des standards internationaux et les ralits propres son environnement.
La prise en compte de spcificits locales dans ladministration de la justice comme par exemple lintgration de modes alternatifs de rglement des conflits, tels les gacacas au Rwanda, larticulation avec les instances de la justice traditionnelle ou ldification de procdures bases sur un systme juridique hybride nest pas en soi incompatible avec lexercice dune justice quitable et impartiale. Au contraire, une telle prise en compte peut participer la prennit et lefficacit de linstitution judiciaire.


Indpendance de la justice : loffice du juge mis lpreuve

Le principe dindpendance de la justice est consacr par plusieurs instruments juridiques internationaux (Dclaration universelle des droits de lHomme du 10 dcembre 1948, Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 dcembre 1966, rsolutions de lAssemble gnrale des Nations unies des 29 novembre et 13 dcembre 1985, portant Principes fondamentaux relatifs lindpendance de la magistrature ).
Dans les pays de lespace francophone, il est souvent expressment consacr par les sources internes. Ainsi, dans la plupart de ces pays, cest la constitution elle-mme qui dfinit lindpendance de la justice (Albanie, Belgique, Bnin, Bulgarie, Cambodge, Egypte, Ile Maurice). Au contraire, dautres Etats, comme le Burkina Faso, le Cameroun, la Guine, la Mauritanie, le Niger ou la Rpublique Tchque nont donn aucune acception textuelle cette notion dans leur droit positif. Et mme, certains pays, plus hsitants sur la question, se sont gards de donner une base constitutionnelle ou lgislative lindpendance de la justice, laissant la jurisprudence le soin de combler ce vide en consacrant le principe dans le droit national (Suisse, Hongrie, Liban).
De manire gnrale, le principe dindpendance signifie que linstitution (lautorit judiciaire) et la personne (le magistrat et ses missions) doivent tre labri dingrences internes et extrieures, quelles quen soient leur origine et leur nature. Au-del de laffirmation solennelle, il appartient au juge lui-mme, sous le contrle de ses pairs (organes disciplinaires, etc.), de donner un sens vritable son indpendance. A ce titre, il y a lieu dobserver strictement les rgles thiques, cest--dire morales, et dontologiques, cest--dire professionnelles, comme le devoir de rserve, lintgrit, les obligations lies la reprsentation de linstitution judiciaire, etc. En effet, les magistrats sont soumis une dontologie dont le respect des rgles doit relever, au moins pour les magistrats du sige, de la comptence dune instance indpendante. Il en est ainsi, par exemple, du Conseil suprieur de la magistrature en France, au Sngal, au Congo (loi du 15 avril 1999) et au Gabon (loi du 14 avril 1993).
Paralllement ces garanties, des rgles de protection de la personne et de la carrire du magistrat, assorties de procdures permettant den assurer leffectivit, doivent exister. Elles concernent en particulier linamovibilit, limmunit juridictionnelle, les modalits transparentes davancement, de mutation, de gestion de carrire et de rmunration.


Accs la justice : la question du droit au juge

Laccs la justice est une autre composante dterminante de lEtat de droit. En effet, il ny a point de droits effectifs si leur proclamation nest pas suivie de rgles permettant chaque citoyen, en cas de besoin, de saisir le juge et dobtenir, dans un dlai raisonnable, une dcision excutoire. Tout dpend, ici, de la volont politique des gouvernants de dgager ou non les moyens appropris pour assurer lefficacit du service public de la justice. Ce qui souligne le fait que la justice a un cot, tant pour lEtat que pour le justiciable, et rvle en mme temps ses difficults dapplication, notamment pour les membres de lespace francophone les plus dpourvus de ressources.
Bon nombre dEtats nont pas pu se doter dune carte judiciaire visant permettre, de faon satisfaisante, lgal accs de tous les citoyens la justice. Aussi certains Etats de lespace francophone (France, Sngal, Burkina Faso, Rwanda, Gabon, Tchad, etc.) ont-ils mis en place des solutions originales, en appui aux actions des tribunaux ou en dehors de celles-ci, pour rpondre aux demandes de justice dans des situations particulires : institution de juges traditionnels pour les gacacas au Rwanda, de chefs de quartiers ou de village au Sngal, ou encore dautorits coutumires dans les zones rurales au Gabon ; incitation recourir des formes spcifiques de rglement des litiges, souvent organises par lEtat (par exemple les Maisons de justice et du droit en France, ou divers procds alternatifs de rglement des conflits).
Enfin, le droit au juge ne se limite pas seulement la problmatique de la rpartition gographique des tribunaux ; il met galement en jeu les cots de la justice pour le justiciable, laccs une dcision judiciaire pleinement excutoire et le rle essentiel des auxiliaires de justice pour une bonne administration de la justice. Quel que soit le systme envisag, les cots de la justice doivent tre raisonnables et ne pas dissuader le justiciable dagir.


Les dfis de la formation et des technologies nouvelles : lmergence du juge moderne ?

Lefficacit de la justice dpend aussi de la qualit de ses ressources humaines. Cette ralit a justifi la mise en place de mcanismes rgissant tant lentre (concours, admission sur qualification ou sur titre, etc.) que lavancement dans le corps (avancement automatique, tableau davancement, procdure de la transparence ), ainsi que de rgles relatives la formation du personnel judiciaire (programmes spcialiss, formation obligatoire ou facultative, continue ou en alternance). De manire gnrale, les Etats de lespace francophone ont opt pour le recrutement des magistrats par la voie normale du concours, ouvert aux candidats sur critres (ge, nationalit, titre daccs, casier judiciaire, etc.). Une procdure complmentaire de nomination sur titre est parfois utilise, par exemple au Burkina Faso, en France, en Bulgarie
En matire de formation, les efforts dploys par chaque Etat doivent tre renforcs, notamment par la mutualisation des moyens et la consolidation de la coopration bilatrale ou multilatrale : changes de ressources humaines et matrielles, programmes de stages professionnels largis, ou encore cration de centres rgionaux de formation pour les pays ayant en commun la langue franaise
Les Etats francophones doivent en parallle prendre davantage en considration les technologies de linformation et de la communication dans la modernisation de leurs systmes judiciaires. En effet, le recours de plus en plus important la technologie informatique, et spcialement Internet, a dmontr que le rseau est un formidable outil de recherche et dinformation pour le personnel judiciaire, de diffusion des dcisions auprs du public et de transparence. Cependant, en dpit de lutilisation encore marginale de ces instruments, lon ne peut passer sous silence cette interrogation : les Etats sont-ils prts intgrer dans leur pratique judiciaire sous rserve du respect des exigences de confidentialit et de transparence lextension aux voies lectroniques des modes de dpt des critures, de communication entre les parties, de notification des actes de procdure et de publication de toutes les dcisions publiques ?


A. A. Mbaye et P. Chenivesse

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