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22/04/2008 | |||
Côte d’Ivoire Présidentielle 2008 : Sept mois pour convaincre (2) | |||
(MFI) Plusieurs décrets ont été signés fixant les modalités de l’élection présidentielle du 30 novembre 2008 - qui reste encore un objectif sur papier. Etat des lieux de ce qu’il reste à faire pour transformer l’essai en véritable sortie de crise. | |||
L’annonce de la date de la présidentielle entraîne tout à la fois espoirs et craintes chez les Ivoiriens. Jugée déterminante par tous les protagonistes, cette étape a aussi été saluée par l’Onuci comme « l’une des plus grandes avancées du processus de paix ivoirien depuis le déclenchement de la crise ». L’objectif paraît réalisable. Mais le chef de l’Etat, ainsi que le gouvernement issu de l’Accord de Ouagadougou, doivent encore franchir de nombreux obstacles avant d’y parvenir. Maintes fois évoquées de Linas-Marcoussis à Accra en passant par Pretoria, les principales interrogations ont pour nom : identification de la population, désarmement des ex-belligérants et restructuration de l’armée nationale. A la fois causes - qui est Ivoirien, qui ne l’est pas ? - et conséquences - militarisation des parties au conflit - de la crise ivoirienne qui a plongé le pays dans une guerre civile larvée et une partition du pays depuis septembre 2002, ces questions devraient occuper le devant de la scène dans les prochains mois. La Côte d’Ivoire a désormais sept mois pour convaincre. Des progrès notables dans le processus d’identification de la population Tout est d’ailleurs question de volonté politique. Il a fallu seulement 72 heures pour adopter les principaux textes relatifs au processus électoral. Le coup d’accélérateur a été donné par le Premier ministre, qui avait convoqué le 12 avril à son cabinet une réunion spéciale de travail à laquelle ont pris part la Commission électorale indépendante (CEI), la division juridique de la Présidence, le représentant spécial de l’Onu, Choi Young Jin, et celui du Facilitateur, Boureima Baldini. En plus de celui fixant la date de la présidentielle, plusieurs décrets ont été finalisés lors de ce week-end mouvementé. La collaboration entre l’Institut national de la statistique (INS) et la société Sagem-Sécurité, chargées de l’opération d’identification de la population, est désormais supervisée par la CEI. Un accord qui semble définitif. Les deux entités sont condamnées à travailler ensemble pour fournir les éléments nécessaires au vote des quelque 8 millions d’électeurs. En outre, elles sont chargées de la révision des listes électorales et de l’impression des nouvelles cartes d’électeurs. La Sagem, qui n’a pas indiqué le nouveau montant du contrat, avait signé deux conventions avec l’Etat ivoirien le 19 mars pour un montant de 66,7 milliards de FCFA (101 millions d’euros). Le droit à la citoyenneté, une des causes du conflit Le 10 avril, la Division électorale de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) constatait « des progrès notables » dans le processus d’identification de la population en vue des élections. Quelque 7 337 audiences foraines ont eu lieu « sans incident » dans les sept derniers mois, selon son directeur, Ahmedou El Becaye Seck. Ces audiences judiciaires, publiques et itinérantes, sont chargées de recenser et d’identifier les Ivoiriens. Elles établissent après examen de nouveaux certificats de naissance qui permettent aux intéressés de demander la reconnaissance de leur nationalité. « Le droit à la citoyenneté a en effet constitué une des causes profondes du conflit en Côte d’Ivoire », a déclaré la porte-parole du secrétaire général de l’Onu, lors d’un point de presse, à New York. Au total, 488 686 jugements supplétifs ont été délivrés sur les 515 412 enquêtes déposées auprès des tribunaux. Sans désarmement pas d’élection possible Mais le 30 novembre ne sera possible que si les anciennes factions belligérantes ont désarmé – Forces nouvelles et mouvements d’autodéfense. Selon un bilan établi par l’Onuci un an après l’accord de Ouagadougou, « les étapes symboliques du désarmement ont été franchies sans toutefois aboutir, pour l’instant, au désarmement effectif ». Le Centre de commandement intégré (CCI) a été officiellement installé. Le démantèlement de la zone de confiance, prévu dans l’accord de Ouagadougou, a été effectué. Le casernement des forces régulières, les Forces de défense et de sécurité, est effectif depuis peu. Quant au désarmement, rebaptisé « ramassage des armes », une séance a eu lieu, à Guiglo, le 19 mai 2007, où mille armes ont été collectées auprès des groupes armés de l’Ouest. Une cérémonie baptisée Flamme de la paix s’est aussi déroulée le 30 juillet à Bouaké en présence de sept chefs d’Etats africains. Mais l’accélération annoncée n’est pas intervenue. L’Onuci, qui s’était engagée à redéployer ses forces sur l’ensemble du territoire national, a réduit de moitié ses 44 bases et ses postes d’observation sur la ligne verte, passant d’un rôle de prévention à celui de « sécurisation des différents piliers du processus de paix », selon les termes de l’Accord. Le 22 décembre, le regroupement des anciens combattants à Tiebessou (zone gouvernementale) et à Djébonua (Forces nouvelles) laissait supposer un désarmement effectif. Mais selon l’Onuci, les Forces nouvelles ont traîné les pieds, invoquant un manque de moyens. La Côte d’Ivoire devra aussi refondre son armée nationale Le gouvernement, de son côté, évite d’aborder explicitement « l’épineux problème de la reconnaissance des grades » des Forces nouvelles. Toujours selon l’Onuci, la Côte d’Ivoire devra pourtant bien refondre son armée nationale. Un Groupe de travail (FDS-CI, FN-FN, Onuci et Licorne) rendra une étude à ce sujet le 20 juillet à Guillaume Soro. Il devrait y être question des moyens à mettre à disposition du CCI chargé de sécuriser les élections. Sous peine de quoi l’abstention pourrait être très élevée, et la contestation des résultats des urnes la porte ouverte aux troubles. Autre point à surveiller, le retour de l’administration dans l’ex-zone rebelle. Ebenezer Guebo Dja, secrétaire exécutif du comité de pilotage du Redéploiement de l’administration, affirmait récemment sur Onuci FM que - sur les 24 437 fonctionnaires - « 75 % ont déjà repris service dans les zones Centre, Nord et Ouest ». Une présence qui rassurera dans cette période électorale qui s’annonce à hauts risques. | |||
Antoinette Delafin | |||
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