| |||
22/04/2008 | |||
Côte d’Ivoire Présidentielle 2008 : Gbagbo a préféré anticiper (1) | |||
(MFI) Arrêtée en conseil des ministres le 14 avril, la date de la présidentielle ivoirienne, fixée au 30 novembre, a été saluée au plan international autant que régional et national. Un soulagement après six ans de guerre civile. Mais la parole donnée sera-elle honorée ? | |||
Tout était joué le 15 avril quand Laurent Gbagbo s’est envolé pour New York. Dans ses bagages, la date de la présidentielle, fixée la veille en conseil des ministres au 30 novembre 2008. Invité à une réunion du Conseil de paix et de sécurité par Thabo Mbeki, son homologue sud-africain qui en assurait la présidence, le chef de l’Etat ivoirien ne pouvait ni ne voulait arriver aux Nations unies les mains vides. Après plusieurs reports du scrutin depuis octobre 2005 - et alors que l’éventuelle tenue de la présidentielle en juin entretenait un climat délétère en Côte d’Ivoire -, l’annonce d’un énième changement de date risquait de passer pour une fuite en avant de celui qui fut, de ses propres dires, élu dans « des conditions calamiteuses » en 2000, et qui a passé huit ans à la tête de l’Etat, dont trois sans assise électorale alors que le pays est coupé en deux depuis six ans. Dans l’impasse, Gbagbo a préféré anticiper. Il a saisi l’opportunité de la tournée ouest-africaine de Ban ki-Moon, qui avait prévu d’être le 24 avril à Abidjan. Il devait s’entretenir séparément avec les acteurs de la crise, signataires de l’accord de Ouagadougou, à savoir le président Gbagbo et le Premier ministre Guillaume Soro, secrétaire général Forces nouvelles (ex-rébellion), dont il s’apprêtait à exiger une date précise pour la présidentielle. Ban ki-Moon avait également annoncé qu’il rencontrerait les deux principaux leaders de l’opposition, Henri Konan Bédié, du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et Alassane Dramane Ouattara, du Rassemblement des républicains (RDR). Rassurer Ban ki-Moon Pas question cette fois se brouiller avec le nouveau secrétaire général de l’Onu, comme il l’avait fait avec son prédécesseur Kofi Annan. Son entrée en fonction, début 2007, était intervenue en pleine crise de confiance entre le pouvoir en place à Abidjan et l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci), qui compte quelque 8000 casques bleus. A la tribune de l’Onu, Laurent Gbagbo a donc rassuré Ban ki-Moon, affirmant que sa compréhension rapide des enjeux du conflit ivoirien lui avait permis « d’accompagner efficacement la sortie de crise ». Se situant comme si la crise était déjà finie, c’est en ancien combattant qu’il s’est ensuite adressé à ses pairs lors de cette réunion consacrée au rôle des organisations régionales. Jugeant que « le dispositif des Nations unies » n’était pas adapté aux nouveaux types de conflits en Afrique, essentiellement des guerres civiles, il a conseillé une « décentralisation » des compétences de l’Onu, qui devrait « venir en appui aux initiatives locales de paix ». En référence, bien sûr, à la médiation en cours dans son pays. Le médiateur burkinabè est soulagé Le facilitateur du dialogue inter-ivoirien, Blaise Compaoré, qui préside actuellement la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), ne voyait pas non plus d’un bon œil l’année 2008 s’écouler sans élection. C’est d’ailleurs ce qu’il s’apprêtait à dire à M. Ban lors de sa visite au Burkina le 23 avril. « Notre perspective est d’aller au scrutin en juin », insistait-il déjà le 7 mars dernier, lors du premier anniversaire de l’accord de Ouagadougou (4 mars 2007), signé par Laurent Gbagbo et Guillaume Soro. Présenté comme une solution africaine à une crise régionale que ni l’Onu ni les diplomaties en tous genres n’avaient su éteindre, le dialogue direct semblait pourtant s’enliser – même s’il a permis d’apurer en partie le contentieux entre les frères ennemis qui fut un des leviers du conflit. Le médiateur burkinabè est donc soulagé. Soro salué pour ses mille efforts La classe politique ivoirienne a aussi salué quasi unanimement l’annonce de l’échéance à venir. Il faut dire qu’elle en a été partie prenante, la décision de la date du scrutin étant le résultat d’un « large consensus » entre les principaux leaders politiques ivoiriens et le Premier ministre, selon son porte-parole, Meïté Sindou. Guillaume Soro aurait pris son « bâton de pèlerin » pour les rencontrer, les « informer et emporter leur assentiment, leur accord » sur la date des élections. « Ils se sont entendus sur une date, mais surtout sur les règles qui gouvernent désormais le jeu électoral ». En outre, les acteurs auraient « demandé au Premier ministre d’être un arbitre impartial » de l’organisation du scrutin. Un Premier ministre qui paraît aujourd’hui d’autant plus incontournable qu’il n’a pas d’ambition présidentielle en 2008. Mais si Guillaume Soro a été salué pour ses « mille efforts » dans la presse d’opposition, de son côté, Laurent Gbagbo a estimé que le gouvernement a « rempli sa mission » : trouver une date et organiser les élections comme le stipulent les accords de Ouagadougou. Menaces sur le processus de paix (MFI) Le rapport à mi-parcours du Groupe d’experts de l’Onu sur la Côte d'Ivoire, publié le 14 avril 2008, décrit avec précision les menaces qui pèsent encore sur le processus de paix. Marie Okabe, porte-parole adjointe du secrétaire général, a exprimé sa « grave inquiétude » après les refus opposés par les autorités ivoiriennes de laisser l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) inspecter des sites placés sous le contrôle de la Garde républicaine, au prétexte que cette requête ne relève pas du mandat de l’Onuci. Une attitude qui compromet « la crédibilité de l'embargo sur les armes ». De plus, « depuis l'instauration du régime des sanctions en novembre 2004 par le Conseil de sécurité, des membres des Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire (FDS-CI) et des Forces de défense et de sécurité des Forces nouvelles (FDS-FN) reçoivent une formation à caractère militaire dans d’autres États-membres de l’Onu », en violation du paragraphe 7 de la résolution 1572. Le Maroc a confirmé l’information. Et d'autres pays seraient concernés. Les experts poursuivent aussi leurs enquêtes sur des entreprises susceptibles d'avoir importé des armes et autres matériels connexes. Le rapport recommande aussi à l’Onuci de sensibiliser le personnel des services douaniers sur le régime des sanctions. Quant à l'embargo sur les diamants, il souhaite que des experts du processus de Kimberley – dont ne fait pas partie le Mali – se rendent à Bamako pour examiner les 31 diamants bruts saisis en décembre dernier à l'aéroport, en provenance de Côte d'Ivoire. | |||
Antoinette Delafin | |||
|