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20/05/2008 | |||
Crises touargues (3) Yvan Guichaoua : Le MNJ accueillerait favorablement un mode de rglement international du conflit | |||
(MFI) Yvan Guichaoua, chercheur lUniversit dOxford, a tudi de prs le Mouvement nigrien pour la justice (MNJ), le principal mouvement rebelle. Pour mieux comprendre la nouvelle crise didentit de la socit touargue nigrienne. Interview. | |||
MFI : Qui sont les principaux acteurs du MNJ ? Yvan Guichaoua : Ses initiateurs sont des combattants reconnus de lancienne rbellion et, plus particulirement, du Front de libration de lAr et de lAzawak (FLAA), sans pour autant en tre les figures de tout premier plan. Aghali Alambo, qui est devenu le chef militaire du MNJ aprs lattaque dIferouane, tait, dans les annes 90, le chef dtat-major de Rhissa ag Boula, alors chef de file du FLAA. Mais Alambo semble obtenir de ses troupes une cohsion et une discipline qui contrastent avec les divisions que connut la rbellion des annes 90. MFI : Les revendications du MNJ sont-elles partages par la population du Nord-Niger ? Y. G. : Le MNJ estime que la rgion dAgadez est marginalise par Niamey et rclame la correction de ces injustices par le biais de quotas dembauche. Il demande aussi une mise en uvre effective de la dcentralisation et exige que les rentes issues de lexploitation de luranium soient reverses hauteur de 50 % aux collectivits de la rgion, le taux en vigueur tant actuellement de 15 %. Il est difficile de savoir quel point ces revendications refltent les aspirations de lensemble de la population du Nord-Niger. La question des retombes conomiques de luranium fait toutefois certainement cho aux frustrations de ceux qui, dans la rgion, ont le sentiment de ne pas bnficier des richesses ct desquelles ils vivent. MFI : Le MNJ a-t-il une stratgie de communication ? Y. G. : Au contraire des autorits de Niamey, le MNJ a une politique de communication trs ouverte. Plusieurs journalistes occidentaux ont eu loccasion de faire des reportages en son sein. Il dispose dun blog trs rgulirement mis jour qui est la fois un instrument de mobilisation pour les populations nigriennes et de propagande hors des frontires du pays. Ce blog est aliment par des informations dtailles du terrain et mis en ligne par les cadres politiques du MNJ, souvent membres de la diaspora touargue en Europe - qui vitent soigneusement de donner une coloration trop ethnique leurs crits. MFI : Concernant ses soutiens financiers, quen est-il du rle de la France ? Y. G. : Les autorits nigriennes ont effectivement accus Areva de soutenir la rbellion en aot 2007 suite au ralliement au MNJ, dun officier charg de la scurit des infrastructures du groupe minier franais, emportant avec lui armes et vhicules tout terrain. La revalorisation du prix du minerai pay par Areva aux autorits nigriennes a toutefois rapidement teint ces accusations. MFI : Existe-t-il des liens organiques entre rebelles maliens et nigriens ? Y. G. : Il existe des liens personnels entre rebelles maliens et nigriens qui peuvent les amener conduire des oprations ponctuelles communes. Pour autant, les dynamiques de chacune des deux rbellions semblent distinctes. Les rebelles maliens nont apparemment pas rassembl derrire eux une base militante aussi large que celle du MNJ et leurs revendications proviennent surtout du malaise de quelques officiers touaregs de larme malienne. Bamako et Niamey ont par ailleurs choisi de rpondre diffremment aux rebellions ce qui affecte lvolution du conflit : Bamako semble ce jour plus ouverte au dialogue que ne lest Niamey. MFI : Le MNJ a-t-il des liens avec la nbuleuse Al-Qaeda au Maghreb ? Y. G. : Rien ne laisse entendre, pour le moment, quun rapprochement entre Al-Qaeda Maghreb et le MNJ ait pu avoir lieu. MFI : Comment peroit-il lide dun sommet rgional ? Y. G. : Le MNJ accueillerait favorablement un mode de rglement international du conflit qui lui permettrait dchapper au face--face actuel avec les autorits de Niamey qui jusqu' prsent na dbouch sur aucune volution de la situation. La stratgie de Niamey est plus opaque. Il semble important quelle ne perde pas la face militairement. La zone saharienne est par ailleurs le nud de suffisamment denjeux de scurit transnationaux pour justifier une solution rgionale aux tensions politiques qui la touchent. | |||
Propos recueillis par Antoinette Delafin | |||
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