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20/05/2008 | |||
Questions internationales (2) Lhomme qui incarne la puissance du Hezbollah | |||
(MFI) Secrtaire gnral du Hezbollah depuis 1992, Hassan Nasrallah a transform la simple milice en un groupe puissamment arm et entran. Il a fait galement du mouvement un acteur incontournable de la scne politique libanaise. Vritable hros de la rue arabe, lhomme est calme, sr de lui, dtermin. Il respecte le systme multiconfessionnel libanais, mais rve de la destruction dIsral. Le rcent coup de force du Hezbollah Beyrouth est peut-tre son premier faux pas. | |||
Pour les Israliens, cest un terroriste et un fanatique religieux. Pour des millions dArabes, cest un hros, un combattant de la libert. Les diplomates et journalistes qui lont rencontr ont t impressionns par son intelligence et son sens politique. Hassan Nasrallah, le secrtaire gnral du Hezbollah, ne laisse personne indiffrent. Quon laime ou non, son charisme et son sens tactique sont reconnus par tous. Des bidonvilles aux tudes de thologie Hassan Nasrallah est n le 31 aot 1960 dans le quartier de la Quarantaine, Beyrouth. Un bidonville o sentassent des rfugis du monde entier. An dune famille de neuf enfants dont le pre picier nest gure intress par la religion, le petit Hassan entend ds lenfance les histoires de ces peuples sans terre que sont alors les Palestiniens, les Kurdes, les Armniens. Elve studieux, il sinitie seul lislam et au chiisme. Lorsquen 1976 la guerre civile dtruit le quartier de la Quarantaine, la famille sinstalle dans son village dorigine, prs de Tyr au Sud-Liban. A seize ans, Hassan Nasrallah part suivre des tudes de thologie Nadjaf, la ville sainte du chiisme, en Irak. Cest l quil rencontre son mentor, Abbas Moussaoui. Un homme dont linfluence sera dterminante sur sa carrire. Fin 1978, Saddam Hussein accentue la rpression contre les chiites ; Hassan Nasrallah doit quitter Nadjaf. De retour au Liban, il intgre la milice chiite Amal et en gravit rapidement les chelons. A lpoque, il est galement impressionn par la rvolution islamique en Iran et les discours de layatollah Khomeiny. 1982 : les troupes israliennes envahissent le Liban dans le cadre de lopration Paix en Galile. Hassan Nasrallah fait partie du noyau dur qui juge la raction dAmal trop modre. Aux cts dAbbas Moussaoui, il fonde alors, 22 ans, le Hezbollah qui va mener une guerre dusure contre les forces israliennes, recourant notamment aux attentats-suicides. A lpoque, Hassan Nasrallah nintervient pas dans les actions armes, mais est charg de la branche politique du mouvement. En 1989, il repart suivre des tudes de thologie, cette fois-ci Qom, en Iran. Une nouvelle fois, il doit les interrompre prmaturment, cause du conflit meurtrier qui oppose, au Liban, Amal au Hezbollah. Hassan Nasrallah joue alors les mdiateurs et contribue mettre un terme au conflit entre les deux mouvements chiites. Un conflit qui cache en ralit une guerre dinfluence entre la Syrie (ct Amal) et lIran (ct Hezbollah) pour le contrle de la communaut chiite du Liban. Affirmer la puissance politique du Hezbollah En 1992, son ami et guide spirituel, Abbas Moussaoui, est tu lors dune attaque isralienne. Il est alors choisi, tout juste 32 ans, pour lui succder la tte du Hezbollah. Lhomme a la rputation dtre simple, calme, sr de lui, et avoue navoir que deux proccupations : la lutte contre Isral et lexpansion de lislam. Dj on loue son charisme et son sens du verbe. La mort de son fils an, pendant un combat contre Tsahal en 1997, renforce son image dhomme prt souffrir pour la cause. Hassan Nasrallah va faire voluer le Hezbollah, transformant la simple milice en groupe puissamment arm et entran. Il met un terme aux combats frontaux ce quon appelait les attaques liranienne contre les troupes israliennes, leur prfrant le harclement permanent, la guerre dusure, les attentats-suicides, conformment au culte des martyrs cher au chiisme. Une stratgie qui va savrer efficace, moins meurtrire pour ses troupes et extnuante pour les soldats israliens. Au plan politique, Hassan Nasrallah admirateur de layatollah Khomeiny et partisan dun islam strict fait nanmoins preuve de pragmatisme. Sil est favorable la cration dun Etat islamique, ce nest que dans un idal lointain et la condition que cela soit le vu de la population. Il condamne les organisations terroristes comme Al-Qaeda, quil accuse de dnaturer lislam. Mme si lui-mme na pas toujours rejet le terrorisme. Al-Qaeda lui rend bien son hostilit, pour qui le Hezbollah nest quun mouvement de division des vrais musulmans . Cest galement sous linfluence dHassan Nasrallah que le Parti de Dieu intgre le jeu politique libanais, prsentant des candidats aux lections lgislatives ds 1992. Le Parti de Dieu est dsormais un acteur incontournable de la scne politique au pays du Cdre. Pour lui, la cohabitation entre musulmans et chrtiens est possible, et il dit respecter le modle multiconfessionnel libanais. Par contre, il milite pour la destruction de lEtat dIsral quil dfinit comme le mal absolu . Dans un discours prononc en 1992, il dira : Le problme nest pas loccupation du Liban par les forces israliennes, cest lexistence mme dIsral. Cet Etat est fond originellement sur lagression. Notre opposition Isral est une lutte existentielle. Souvenir de son enfance misreuse selon certains, son attachement la cause des dshrits explique les multiples actions caritatives du Hezbollah. Le calcul politique nest pas absent non plus. Un nouveau Nasser ? La guerre dusure du Hezbollah aura raison de la dtermination dIsral qui quitte le Liban en 2000 sans contrepartie politique. Six ans plus tard, lt 2006, le Hezbollah inflige un nouveau camouflet Tsahal. Trente-trois jours de guerre au Liban-Sud ne permettront pas larme isralienne de simposer face la milice chiite. Deux victoires le terme est discutable qui vont faire de Hassan Nasrallah un vritable hros de la rue arabe, mme dans les pays sunnites, mme au Maghreb. Le secrtaire gnral du Hezbollah prouve que la lutte arme contre Isral peut russir, quelle peut tre plus efficace que des ngociations interminables. Les manifestants brandissent son portrait en Egypte, au Kowet ou en Jordanie. A Gaza, les commerants arborent le drapeau jaune et vert du mouvement. Certains le comparent Gamal Abdel Nasser, le chantre du nationalisme arabe. Comme lexpliquait avec enthousiasme un commerant de Gaza, interview dans Le Monde : Hassan Nasrallah fait ce quaucun chef arabe na os faire depuis la guerre de 1973. Habituellement, Isral fait peur au monde ; l, cest lui qui fait peur aux Israliens. Il est le seul avoir rendu leur dignit aux Arabes. Mme Yasser Arafat ny tait pas parvenu. A en croire la sociologue libanaise Eliane Nahas : Pour les Arabes, Hassan Nasrallah incarne le contraire des chefs dEtat qui ont baiss les bras devant Isral sans avoir obtenu aucun de leurs droits. Les masses frustres voient en lui le leader dtermin et intelligent quelles auraient souhait avoir. Adul par la population, Hassan Nasrallah est par contre dtest par les dirigeants des pays sunnites, monarchies du Golfe en tte. A leurs yeux, il nest que linstrument de Thran. Bref, un facteur dinstabilit rgionale. Il lui reproche aussi davoir impos lIran dans le conflit isralo-palestinien. Sans surprise, les dirigeants israliens veulent sa peau. Mais, lhomme vit dans la clandestinit. Lui-mme dit ne jamais savoir o il se trouve. A chacun de ses dplacements, ses gardes du corps lui banderaient les yeux. Une image fissure Excellent tribun, Hassan Nasrallah dispose grce la chane tlvise Al-Manar dun relais exceptionnel, bien au-del du Liban et de la communaut chiite. Une longue barbe poivre et sel, le visage mang par de grosses lunettes, toujours coiff du turban noir des Sayyed, les descendants du Prophte, Hassan Nasrallah se dfend dtre la marionnette de Thran et affirme ses ambitions libanaises. Mais le coup de force du Hezbollah contre Beyrouth, la mi-mai 2008, est peut-tre la premire erreur commise par le leader chiite. Lui qui avait affirm que jamais larsenal du mouvement ne serait utilis contre ses adversaires politiques, que jamais il nattaquerait dautres musulmans, a laiss sa milice prendre le contrle des quartiers majoritairement sunnites de Beyrouth-Ouest, se livrant au passage de graves exactions. La main qui touchera nos armes et nos moyens sera coupe , sest emport Hassan Nasrallah, aprs que le gouvernement libanais a voulu interdire le rseau de tlcommunication du Hezbollah, fort de 100 000 lignes. Comme le dclarait anonymement un habitant de la capitale libanaise dans Le Point : La confiance des Libanais pour le Hezbollah est rompue. Hassan Nasrallah a dvoil sa vraie nature : celle dun despote qui agit par les armes et nadmet pas quon puisse limiter son pouvoir. Avec le Hezbollah, il a construit un Etat dans lEtat. En rien, il nest ce dmocrate modr dont il sest donn limage. Ce nest quun chef de clan islamiste. Pour les observateurs, sil est certain quHassan Nasrallah a toujours dispos dune marge de manuvre vis--vis de son protecteur iranien, celle-ci se rduit actuellement comme peau de chagrin, au fur et mesure que laffrontement devient plus vif entre les Etats-Unis et lArabie saoudite dun ct, lIran et la Syrie de lautre. | |||
Jean Piel | |||
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