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27/05/2008
France et Chine en Afrique : une coexistence oblige

(MFI) La France, longtemps partenaire privilgi de lAfrique subsaharienne, doit dsormais, comme les autres Occidentaux et le Japon, composer avec les gants mergents
et en particulier la Chine de plus en plus prsents sur le continent africain, la fois rservoir de matires premires comme le ptrole et immense march potentiel sil russit son dcollage conomique. Un rapport du Conseil des Affaires trangres fait le point sur cette nouvelle donne.


Paris, qui doit prsider partir du 1er juillet 2008 et pour six mois lUnion europenne et souhaite llargissement, terme, du G8 aux grands pays mergents comme la Chine, lInde ou le Brsil, prend en compte la nouvelle donne constate en Afrique, mme si leffervescence chinoise suscite de nombreuses questions sur le plan politique et conomique. Les liens de Pkin avec le Soudan ou le Zimbabwe dont les rgimes sont dcris par la communaut internationale, mme si la Chine "joue le jeu" diplomatique , font partie des proccupations exprimes, tout comme la pratique chinoise de prts considrables alors quest affich le souci dviter le r-endettement de pays qui restent parmi les plus pauvres du monde en terme de PNB.
Mais ces critiques sont rfutes par les dirigeants africains : ils se flicitent de ces nouvelles aides sans conditions politiques leur permettant de jouer sur la concurrence, un moment o leurs bailleurs de fonds traditionnels connaissent des difficults financires et o laide publique au dveloppement (APD) diminue globalement. Mme si certains projets chinois de grande envergure, en particulier dans le domaine des infrastructures en Angola ou au Nigeria, peinent dmarrer ou avancer.

Aujourdhui la Chine, demain lInde ou les pays du Golfe

Un rapport sur Les intrts conomiques franais face lirruption de nouveaux acteurs en Afrique, prpar en fvrier 2008 par le Conseil des Affaires trangres, sous la direction de Michel de Bonnecorse, ancien responsable de lAfrique lElyse sous la prsidence de Jacques Chirac, analyse cette situation et en tire plusieurs recommandations. En prambule, le texte note que le phnomne chinois, par son volume et par son caractre politique volontariste et organis, masque laction de nouveaux intervenants (Inde, pays du Golfe, Brsil) dont limpact ne sera sensible que dans quelques annes. Il estime en effet que la prsence indienne en Afrique va certes croissant, mais ne reprsente pour le moment que 10 % de celle de la Chine.
Bien que principalement orientes vers lnergie et les matires premires, laide et la prsence conomique de la Chine sont trs apprcies des dirigeants africains pour leur caractre pragmatique et leur absence de conditionnalit. En revanche, elles font face des critiques grandissantes de la socit civile qui leur reproche un caractre opaque, la mconnaissance des normes sociales et environnementales et leur faible redistribution sur les populations. Il prcise que ces critiques sont galement celles des bailleurs internationaux traditionnels qui dnoncent un "cavalier seul" de Pkin favorisant la mal-gouvernance.
Le rapport note aussi que de 500 000 700 000 Chinois se trouvent dsormais en Afrique dont la moiti sont des irrguliers qui concurrencent fortement les activits informelles des Africains. Ces travailleurs que rien ne rebute vincent les Africains des "petits boulots", ce qui laisse prsager des troubles srieux, jusquavec les vendeuses de beignets concurrences !
Le rapport prconise notamment que la diplomatie franaise, tout en reconnaissant publiquement lapport bnfique que ces nouveaux acteurs reprsentent pour lAfrique, sefforce den attnuer les drives. Il recommande un dialogue constant avec les dirigeants africains ainsi quavec Pkin et New-Delhi sur le sujet. Selon le texte, la voie privilgie pour faire voluer les pratiques actuelles est celle du multilatral, la prsidence franaise pouvant tre loccasion daccentuer les prises de position de lUE. Mais le cadre principal pour voquer le sujet parat tre lOCDE, qui pourrait contribuer rallier les pays mergents un code minimal de bonne conduite en matire dAPD.

Sorienter vers des projets plus sophistiqus

Pour les auteurs du rapport, laide de lUnion europenne comme celle de la France devraient sorienter vers des projets plus sophistiqus o la concurrence chinoise est moins redoutable, en excluant toutefois un retour "laide lie" qui nest pas souhaitable. Cest dans le maintien de notre aide bilatrale et si possible dans laugmentation de son volume que rside la meilleure rponse aux dfis lancs notre influence et nos positions conomiques , ajoutent-ils, invitant les entreprises franaises sadapter la concurrence chinoise.
Selon ltude, la pntration conomique chinoise repose sur trois objectifs, un politique et deux conomiques. Tout dabord, marginaliser Tawan longtemps implant en Afrique et assurer plus encore la Chine son statut de grande puissance et de membre permanent des Nations unies. Ensuite, permettre laccs aux ressources naturelles : 25 % des importations ptrolires chinoises proviennent dAfrique et 20 % des minerais ; les 2/3 du bois import en Chine viennent du continent. Enfin, dvelopper le commerce. La Chine est le premier fournisseur en Afrique noire (11 %) devant la France et son troisime partenaire commercial. Les changes ont t quadrupls en 3 ans au niveau de plus de 55 milliards de dollars et visent lobjectif de 100 milliards en 2010.
Cette pntration est coordonne selon une stratgie dcide au niveau politique et laide publique au dveloppement en appuie les objectifs. La moiti de lAPD chinoise est en effet oriente vers lAfrique et cible les grands projets nergtiques, miniers et dinfrastructures, notamment le BTP, obtenus grce des crdits concessionnels de grande ampleur. La Chine sduit galement en se prsentant comme un modle pour lAfrique et un grand frre partisan de la coopration Sud-Sud, qui serait par nature solidaire. Cest ce titre quelle a dcid dtendre la "prfrence commerciale" pour lAfrique plusieurs centaines de produits africains qui seront exempts de droits de douane. Enfin, il faut souligner que les grands oprateurs chinois tant de la sphre publique, ils nhsitent pas prendre, sur des projets importants, des risques que les multinationales refusent dsormais.
Dans ce contexte, les entreprises franaises, tout en maintenant certaines positions prpondrantes (Total par exemple), voient leurs positions fragilises, particulirement dans le btiment et les travaux publics, lnergie ou les tlcommunications o les entreprises asiatiques ont un avantage incontestable en termes de cot de main duvre et une comptence technique qui samliore. La Chine remporte ainsi des contrats au dtriment des oprateurs franais dans tous les secteurs dactivits, y compris la sant (mdicaments gnriques au Kenya et Madagascar). Ltude ne surestime pas toutefois la menace de ces nouveaux acteurs : Nous nassistons pas un choc frontal sur le march africain entre les deux acteurs conomiques que sont la France et la Chine, mais une rosion en notre dfaveur.

Marie Joannidis

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