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10/06/2008
Questions internationales (2)
Le processus de paix dans l’impasse


(MFI) Blocus de la bande de Gaza, poursuite de la colonisation en Cisjordanie, affrontements entre le Hamas et l’armée israélienne… Le processus de paix au Proche-Orient semble paralysé. On est loin des espoirs qu’avait suscités la conférence d’Annapolis. Même ses alliés critiquent Israël pour son intransigeance. La situation a peu de chance d’évoluer jusqu’aux élections américaines.

Lors de la conférence d’Annapolis, le 27 novembre 2007, s’était dessiné l’espoir d’un accord israélo-palestinien avant la fin 2008. Six mois après, plus personne n’y croit, sauf peut-être George Bush qui espère finir sa présidence, désastreuse en politique étrangère, sur une note positive. Lors de sa tournée au Proche-Orient le mois dernier, le locataire de la Maison-Blanche a déclaré : « Je crois qu’en faisant preuve de courage, nous pouvons parvenir à un accord de paix cette année. » Une illusion pour tous les observateurs qui soulignent que jamais la paix n’a été aussi paralysée dans la région. Les leaders ont été nombreux, ces derniers mois, à faire le voyage de Tel Aviv : Condoleezza Rice, Bernard Kouchner, Tony Blair… Aucun n’a obtenu la moindre concession des autorités israéliennes. « Assez de vagues promesses, assez de manœuvres dilatoires. Nous voulons des décisions concrètes maintenant », plaide Saëb Erakat, le négociateur palestinien. Mais l’Etat hébreu fait la sourde oreille.

Gaza au bord de l’asphyxie

Prenant prétexte des tirs de roquettes contre Israël, Tel-Aviv impose le blocus de la bande de Gaza. Les livraisons de fioul, de vivres et de médicaments sont réduites au minimum pour éviter une famine. Mais sinon, tous les points de passage vers Gaza sont hermétiquement fermés, transformant ce territoire de 362 km² et 1,5 million d’habitants en une prison à ciel ouvert. L’économie est paralysée ; 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les hôpitaux manquent de tout. Objectif d’Israël : que cessent les tirs de roquettes, mais aussi empêcher le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) de diriger Gaza, même s’il a été élu démocratiquement. Certes, le Hamas prône la destruction de l’Etat hébreu et soutient le terrorisme. Mais pour Khalil Abou Shammala, de l’association de défense des droits des l’homme Al-Dameer : « Le conflit entre Israël et Hamas est une chose ; opprimer la population gazaouie en est une autre, inacceptable. Tel-Aviv veut atteindre un objectif politique – le renversement du Hamas – en exerçant une pression économique et morale sur 1,5 million d’hommes, de femmes et d’enfants. Il s’agit d’une punition collective qui viole le droit international et contredit les intérêts même d’Israël puisque cela encourage l’extrémisme. » Depuis la conférence d’Annapolis, 430 personnes ont été tuées à Gaza : 425 Palestiniens (dont de nombreux civils, femmes et enfants) et 5 Israéliens. L’Onu et l’Union européenne ont à plusieurs reprises dénoncé la disproportion entre les attaques israéliennes et les menaces dont le pays est l’objet. Sans effet. La communauté internationale est embarrassée sur ce dossier puisque le Hamas est classé sur la liste des organisations terroristes par l’UE et les Etats-Unis.
La situation est à peine meilleure en Cisjordanie, où est installée l’Autorité palestinienne, présidée par Mahmoud Abbas, un proche de feu Yasser Arafat. Pourtant, lorsque l’Autorité palestinienne a été contrainte par le Hamas, en juin 2007, de quitter Gaza pour la Cisjordanie, Israël et la communauté internationale s’étaient engagés à favoriser la paix et le développement économique avec Mahmoud Abbas. Le message était clair : ceux qui soutiennent le dialogue et la modération verront leur situation s’améliorer ; ceux qui soutiennent les islamistes du Hamas en souffriront. Un message qui ne s’est pas concrétisé sur le terrain. Selon le décompte de l’OCHA, l’agence humanitaire des Nations unies en Palestine, 8 Palestiniens ont été tués chaque mois de 2007 en Cisjordanie, 100 blessés et 410 arrêtés, soit 96 morts en un an dans une région où le nombre d’attaques palestiniennes s’est effondré et qui n’a connu qu’un seul attentat. Parallèlement, les colonies s’étendent dans les territoires occupés. Le 25 mai, le gouvernement israélien a encore approuvé la construction de 286 maisons à Betar Illit, près de Bethléem. Quant aux barrages sur les routes de Cisjordanie, ils sont passés de 566 à 607 selon l’OCHA. On est loin des promesses faites lors de la conférence d’Annapolis. Le processus de paix au Proche-Orient semble durablement enrayé. Juste après Annapolis, la conférence de Paris avait permis de recueillir 7,7 milliards de dollars en faveur de la paix et du développement économique de la Palestine. Mais à quoi bon aujourd’hui ?

L’amertume partagée du Quartet et des Palestiniens

Cette situation exaspère des pays occidentaux qu’on ne peut pourtant pas accuser d’hostilité à l’encontre d’Israël. Le 2 mai, le Quartet (Etats-Unis, Russie, Union européenne, Onu) a accentué sa pression contre Tel-Aviv : « Il est important de créer des progrès visibles sur le terrain afin de susciter la confiance et favoriser un climat propice aux négociations. Il est essentiel d’améliorer les conditions de vie des Palestiniens ». Et le Quartet de dénoncer « la poursuite de la colonisation et le laxisme à l’égard des implantations sauvages ». Lors d’une récente visite à Naplouse, Tony Blair, l’émissaire du Quartet, n’a pas caché qu’Israël devait « donner des signes d’encouragement, en levant les check-points en Cisjordanie et en améliorant la situation humanitaire catastrophique à Gaza ». De son côté, Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, a estimé, lors d’un déplacement à Jérusalem le 24 mai, qu’« Israël doit et peut faire beaucoup plus sans mettre en danger sa sécurité. En Cisjordanie, rien ne saurait justifier la poursuite de la colonisation, obstacle à la paix et au développement économique ». Mais, au-delà des mots, rien ne se passe et Tel-Aviv reste inflexible. Au contraire, devant la Knesset, le Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, a déclaré : « Personne n’a le droit de critiquer Israël pour exercer son droit à l’autodéfense ». Il est peu probable que les autorités israéliennes infléchissent leur politique avant les élections américaines.
Face à une telle situation, les Palestiniens sont de plus en plus amers. Selon un sondage réalisé en mars par l’Institut politique de Ramallah, 68 % d’entre eux jugent « nulles ou très faibles » les chances de création d’un Etat palestinien d’ici cinq ans. Plus grave : 64 % approuvent les tirs de roquettes depuis Gaza contre Israël. Dans la bande de Gaza d’ailleurs, l’extrémisme gagne du terrain ; même le Hamas peine à contrôler ses éléments les plus radicaux. Comme l’expliquait dans Le Monde Mohamed Yazegi, un entrepreneur de Gaza : « Les ouvriers que j’ai dû licencier à cause du blocus imposé par Israël sont des proies faciles pour les extrémistes. Le Hamas a proposé à certains d’entre eux de nettoyer les rues pour 100 dollars par mois. Bientôt, à la place d’un balai, il leur donnera une kalachnikov. » De son côté, Hani Al-Masri, journaliste au quotidien palestinien Al Iyam, estime qu’ « il n’y a pas de stratégie nationale, pas de leadership actif, pas de véritable cadre pour les négociations, pas de garantie d’une participation internationale, pas d’arrêts des colonies, pas de résultats concrets jusqu’à présent. Israël n’a cédé sur rien. En vérité, Tel-Aviv ne veut pas d’un Etat palestinien ».

Vers un Etat binational ?

Ce blocage du processus de paix pourrait favoriser un rapprochement entre le Fatah et le Hamas, les deux frères ennemis palestiniens. Des contacts ont déjà eu lieu grâce à la médiation du Yémen. Pour Mahmoud Abbas, l’alternative est simple : tenter une réunification des territoires palestiniens en se réconciliant avec le Hamas, ou chercher à poursuivre le dialogue avec Israël au risque de se couper de sa base, et sans guère de chance de réussite. Vue la politique actuelle d’Israël, la première option semble la plus logique. Néanmoins, Saëb Erakat, le négociateur palestinien, assure que le dialogue se poursuivra jusqu’au bout : « L’Autorité palestinienne veut prouver qu’elle n’a gâché aucune chance de parvenir à un accord d’ici à la fin de l’année, afin de démontrer son sérieux et sa bonne foi, et pouvoir dire au monde qu’en cas d’échec, le maximum a été fait. » Selon Hani Al-Masri, « les autorités israéliennes aimeraient réconcilier le Hamas et le Fatah, afin de pouvoir dire ensuite “Pas question de discuter avec un gouvernement palestinien qui a renoué avec un mouvement terroriste ”».
L’impasse du processus de paix ravive aussi chez certains Palestiniens l’intérêt pour un Etat binational. Plutôt que de créer un Etat palestinien à côté de l’Etat hébreu, qu’il y ait un seul Etat où juifs et arabes cohabitent sur un pied d’égalité. Cela imposerait évidemment d’abandonner le caractère juif d’Israël. L’idée reste minoritaire – 25 % des Palestiniens y sont favorables – mais elle n’est pas totalement absurde puisqu’elle figurait au programme de l’OLP jusqu’à ce que Yasser Arafat reconnaisse Israël en 1988. Côté palestinien comme israélien, le sujet reste tabou. Mais l’idée pourrait connaître un regain d’intérêt si la situation au Proche-Orient reste toujours aussi instable.

Jean Piel

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