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17/06/2008 | |||
Questions internationales (3) Prsidence franaise de lUE : la PAC, responsable de la crise alimentaire mondiale ? | |||
(MFI) Des pays en dveloppement mais aussi des membres de lUnion europenne accusent la Politique agricole commune de contribuer lactuelle flambe des prix de lalimentation. Une accusation que dment la Commission de Bruxelles, tout comme la France qui prend pour six mois la prsidence de lUnion europenne compter du 1er juillet. | |||
Hati, Sngal, Bangladesh, Egypte. Ce sont quelques-uns des pays qui ont connu des meutes de la faim ces derniers mois, suite la hausse des prix des denres alimentaires. A en croire Robert Zoellick, le prsident de la Banque mondiale, 33 pays sont particulirement vulnrables la flambe des prix. Ces trois dernires annes, le prix du bl a augment de 181 %, celui des biens alimentaires courants (huile, riz, lait) de 83 % en moyenne. Cette crise alimentaire pourrait nous faire perdre sept annes dans lradication de la faim dans le monde , estime Robert Zoellick. Lors du rcent sommet de lOrganisation des Nations unies pour lalimentation et lagriculture (FAO), le prsident sngalais, Abdoulaye Wade, a mis en cause la responsabilit des pays occidentaux dans cette crise. Des subventions qui pnalisent les pays du Sud La Politique agricole commune est au banc des accuss. Sans surprise, de la part dONG de dveloppement. Lagriculture paysanne des pays du Sud est soumise la concurrence des importations bas prix en provenance des pays dagro-business, minant ses capacits se dvelopper et nourrir la population. Limpact social et environnemental est galement trs ngatif car cette concurrence favorise les monocultures dexportations destines rpondre la dpendance europenne en protines, sans souci des besoins locaux , dnonce ainsi lOng britannique Stop the Hunger. Les Etats africains montrent du doigt depuis des annes les subventions europennes et amricaines lagriculture, car elles crent une surproduction, une distorsion des prix et favorisent le dumping sur les marchs africains. Or, de nombreux pays en Afrique dpendent exclusivement de lagriculture pour leurs exportations , crit le quotidien sngalais Le Soleil. Mais les critiques viennent aussi de lUnion europenne elle-mme. Le Royaume-Uni et les pays scandinaves accusent la PAC dtre directement responsable de la hausse des prix de lalimentation dans le monde. Le mcanisme de garantie des prix agricoles tait lorigine destin assurer un revenu dcent aux exploitants. Aujourdhui, il a pour effet de tirer les prix europens au dessus des niveaux du march mondial. De leur ct, les subventions lexportation crent une concurrence dloyale pour les pays du Sud, menaant la paysannerie locale. Enfin, les droits de douanes limportation ont un effet inflationniste vident , regrette le ministre britannique de lAgriculture, Hilary Benn. Mais cette sollicitude pour les pays du Sud pourrait bien ntre que de circonstance de la part de capitales europennes hostiles la PAC, et qui souhaitent sa rforme dans un sens plus libral. Des causes chercher ailleurs Dautres dirigeants europens refusent de faire de la Politique agricole commune le responsable de tous les maux. La flambe des prix des denres alimentaires dans le monde a de nombreuses causes. On peut citer la pression dmographique, de moins bonnes rcoltes ces dernires annes et la demande croissante des pays mergents comme lInde ou la Chine. Cest aussi une question doffre et de demande. Je ne ferai pas de lien direct avec la PAC , dfend Iztok Jarc, le ministre slovne de lAgriculture. Son homologue franais, Michel Barnier, abonde dans son sens : Lactuelle crise alimentaire mondiale prouve que les marchs ne peuvent pas tout rguler. En la matire, il faut de la gouvernance mondiale ; trop de libralisme nest pas bon. Les agriculteurs europens eux-mmes craignent une trop forte drgulation au moment o les cours des produits agricoles sont volatiles, du fait notamment du rchauffement climatique. Car lenvole des prix alimentaires si elle est dramatique pour de nombreux pays du Sud frappe aussi lUE. Les craliers se frottent les mains, qui ont vu leurs revenus doubler ces douze derniers mois. Mais les leveurs qui nourrissent leur btail avec des crales et les petits exploitants sont gravement pnaliss. Les tenants du libralisme comme ceux favorables la rgulation des marchs voient en tout cas dans lactuelle crise alimentaire mondiale un exemple lappui de leur argumentation. Au moment o la France prend la prsidence tournante de lUE, elle ne pourra pas ignorer cette crise si, comme elle laffirme, elle entend rnover en profondeur la PAC. Exporter la PAC Pour Michel Barnier, non seulement la PAC nest pas responsable de la hausse des prix des denres alimentaires, mais au contraire elle constitue un modle pour les pays du Sud. Comme il la dclar au Financial Times : Le modle europen devrait pouvoir tre export vers dautres rgions du monde, comme lAfrique ou lAmrique latine, pour promouvoir la scurit alimentaire. Des pays voisins pourraient sentraider de la mme manire que les pays europens le font. Une ide absurde pour Jorge Nunez Ferrer, un expert agronome du Centre dtudes des politiques europennes, cit par le magazine Forbes : La PAC est une politique qui sadresse un groupe de pays riches, comptant peu dexploitants qui chacun produisent beaucoup et exportent massivement. La PAC nest pas du tout un modle appropri pour les pays en dveloppement. La Commission europenne rappelle que lUE est le premier contributeur mondial daide publique au dveloppement, avec une enveloppe denviron 45 milliards deuros, qui passera 66 milliards en 2010. Elle souligne aussi que, suite des accords bilatraux, les exportations de plusieurs pays du Sud sont exemptes de droits de douane leur entre dans lUnion. Enfin, les rcentes propositions de Bruxelles pour rformer la PAC pourrait contribuer soulager les pays qui souffrent le plus de linflation des biens alimentaires. Cest ce questime Mariann Fischer-Boel, la commissaire europenne lagriculture : La fin de la jachre et des quotas laitiers va autoriser une hausse de la production, donc possiblement une baisse des prix. Les droits de douane limportation de crales vont tre supprims. Enfin, lobjectif de consacrer 10 % des cultures au biocarburant dici 2020 pourrait tre abandonn. Des rformes la tonalit librale qui ne sduisent gure Paris. | |||
Jean Piel | |||
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