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17/06/2008
Questions internationales (1)
Prsidence franaise de lUE : le dfi europen de la lutte contre le rchauffement


(MFI) La France espre parvenir, avant la fin de sa prsidence de lUnion europenne, dfinir les modalits concrtes de la politique europenne de lutte contre le changement climatique. Une opration difficile vues les divergences qui persistent sur le sujet entre les 27 Etats membres.

Le paquet nergie-climat : la formule manque singulirement de charme ; elle est pourtant au cur de la future politique europenne de lutte contre le rchauffement climatique. Une politique qui constitue lun des principaux chantiers que la France devra mener bien durant sa prsidence de lUE.
Retour en arrire. En mars 2007, les 27 adoptent des objectifs ambitieux en matire nergtique et environnementale : rduire les missions de gaz effet de serre de 20 % par rapport 1990 ; gagner 20 % defficacit nergtique (dans les transports, les btiments) ; faire passer la part des nergies renouvelables 20 % de la consommation de lUnion. Ces trois objectifs devant tre atteints dici 2020. En matire de lutte contre le rchauffement, 20 semble tre le chiffre magique en Europe. Le 23 janvier dernier, la Commission de Bruxelles prsente ce paquet nergie-climat , savoir lensemble des mesures destines atteindre ces objectifs. Les contraintes quimpose ce plan ont alors fait ressurgir les gosmes nationaux, le lobbying des industriels, les critiques sur le caractre illusoire du projet Bien loin de la gnrosit et de lenthousiasme affichs lors de la dfinition des objectifs.

60 milliards deuros contre le rchauffement

Pour faire passer la part des nergies renouvelables de 8,5 % en moyenne aujourdhui 20 % de la consommation nergtique europenne en 2020, le paquet nergie-climat impose chaque Etat membre une hausse de 5,75 % des nergies renouvelables, puis module le restant en fonction du PIB de chaque pays, selon le principe de solidarit. Ainsi, la France devra arriver 23 % dnergies renouvelables contre 10,3 % en 2007, lAllemagne 18 % (5,8 % en 2007), la Pologne 15 % (7,2 % en 2007). La Commission insiste sur les biocarburants qui devront reprsenter, dici 2020, 10 % de la consommation des vhicules.
Concernant les gaz effet de serre (GES), le paquet nergie-climat rorganise le systme des quotas dmissions de CO2 qui, depuis le 1er janvier 2005, taient allous par chaque Etat aux industries les plus polluantes, sur le modle du Mcanisme de dveloppement propre institu par le protocole de Kyoto. Dsormais, ces quotas concerneront tous les GES, et pas seulement le CO2. Ils seront tendus de nouveaux secteurs industriels, notamment les transports, lagriculture, le BTP Surtout, ils ne seront plus distribus gratuitement par les Etats, mais vendus aux enchres par une entit indpendante, afin de responsabiliser les entreprises.
A en croire Jos Manuel Barroso, le prsident de la Commission europenne : Ce plan cotera 60 milliards deuros, soit moins de 0,5 % du PIB europen, soit galement trois euros par semaine et par citoyen jusqu 2020. Cest un cot certain, mais grable pour lUE, et surtout beaucoup moins lev que si nous nagissons pas rapidement contre le rchauffement climatique. Durant sa prsidence de lUE, la France devra rpondre un double dfi : dabord aplanir les nombreux diffrents que suscite ce paquet nergie-climat ; et le faire en respectant un calendrier serr. En effet, toutes les mesures devront tre approuves par le Parlement europen avant la fin de lanne, ou au plus tard avant mars 2009 lorsque sachvera le mandat des eurodputs. Lide est que lUE se prsente avec une politique concrte devant la confrence de lOnu sur les changements climatiques, qui se tiendra Copenhague en dcembre 2009. Comme le souligne Sigmar Gabriel, le ministre allemand de lEnvironnement : LUnion europenne est en pointe dans la lutte contre le rchauffement. Si nous nagissons pas, personne ne le fera.

Un nouveau conflit Est-Ouest

Durant sa prsidence, la France devra donc russir dfinir une politique nergtique acceptable par les 27 pays membres. Aujourdhui, les rserves sont nombreuses. Emmens par la Hongrie, sept nouveaux entrants (Hongrie, Pologne, Lettonie, Malte, Lituanie, Estonie et Rpublique tchque) estiment que lanne de rfrence pour jauger la baisse des GES ne devrait pas tre 1990, mais 2005, afin de tenir compte des efforts quont d mener les anciens pays de lEst pour moderniser leurs industries hrites de lpoque sovitique. Selon eux, cette exigence revient stopper net leur croissance et va provoquer une hausse vertigineuse de leur facture nergtique. Rponse dun haut-fonctionnaire de la Commission, cit par Le Monde : On retrouve l un des nombreux antagonismes entre anciens et nouveaux entrants, pays occidentaux et ex-membres du bloc de lEst. Prendre 2005 comme anne de rfrence na aucun sens car cela minorerait normment les efforts exigs des Etats pour rduire leurs missions de GES. Ce point de friction est mineur ; il sera facilement rsolu.
Les pays les plus industrialiss au premier rang desquels la France et lAllemagne redoutent que les exigences du paquet nergie-climat sur les GES ne menacent la comptitivit des entreprises europennes et ne les incitent se dlocaliser l o la lgislation anti-pollution est moins stricte. Cest pourquoi Paris, fidle son ide d Europe protection , propose linstauration dune taxe carbone qui serait applique aux importations venant de pays ne respectant pas le protocole de Kyoto. Dabord regarde avec mfiance, cette ide commence tre accepte par les instances europennes.
Les biocarburants alimentent galement le dbat. Prsents il y a quelques annes comme la solution idale pour la fois dfendre lenvironnement et rduire la dpendance lgard du ptrole, ils sont aujourdhui dcris. Leur efficacit nergtique est conteste, le cot revu la hausse, leur qualit cologique mise en doute. Surtout, ils sont accuss de favoriser lactuelle flambe des prix des denres alimentaires. Affamer les pays du Sud pour permettre aux citoyens des pays riches dutiliser leur voiture est une ide inacceptable. Un crime contre lhumanit , affirme mme Jean Ziegler, charg du dossier auprs de lOnu. Il semble que les dirigeants europens envisagent aujourdhui de revenir sur cet objectif de 10 % de biocarburant dici 2020. Au moins tant que les biocarburants de seconde gnration
fabriqus partir de bois ou de biomasse et non de crales ou de colza ne seront pas au point. La France nanmoins cultive lambigut sur ce chapitre. Le ministre de lEnvironnement, Jean-Louis Borloo, se dit favorable une pause dans les biocarburants , tandis que celui de lAgriculture, Michel Barnier, estime que cet objectif de 10 % nest pas trs lev .


La fin du tabou nuclaire

La France a galement averti quil lui serait difficile datteindre lobjectif assign par la Commission de 23 % dnergies renouvelables. Le solaire, lolien, la biomasse ne sont pas suffisamment performants. Paris estime en outre ce chiffre trop lev dans la mesure o ses missions de gaz effet de serre restent modestes. Pour atteindre cet objectif, les autorits franaises ne voient quune solution : que le nuclaire soit reconnu comme une nergie renouvelable. Une hypothse refuse jusqu prsent par Bruxelles. Certes, les centrales sont peu polluantes et autorisent une lectricit peu chre, mais long terme elles posent les problmes dlicats de leur dmantlement et de la gestion des dchets radioactifs.
En voquant le sujet, Paris brise un tabou. Rapporte son nombre dhabitants, la France est le pays le plus nuclaris au monde. Mais il met aussi 25 % de GES de moins que la moyenne europenne. Pour le prsident Nicolas Sarkozy, le nuclaire est la solution pour assurer lindpendance nergtique de lEurope, a fortiori lorsque le prix du ptrole senvole, tout en luttant contre le rchauffement. Aprs stre longtemps dclar agnostique en la matire, Jos Manuel Barroso semble dsormais avoir la foi des nouveaux convertis. Lnergie nuclaire peut apporter une contribution majeure dans la bataille contre le changement climatique. Cest un excellent moyen de protger lconomie europenne de la volatilit des prix du ptrole , a-t-il dclar lors du Forum europen de Prague, le 22 mai dernier. Aujourdhui, 15 des 27 Etats membres ont recours au nuclaire. LItalie qui respectait un moratoire sur latome depuis 1987 envisage nouveau de construire des centrales. Le scnario est le mme au Royaume-Uni qui devrait construire deux nouveaux racteurs dici 2020, aprs trente ans dinterruption. De son ct, la Finlande a t la premire opter pour le racteur EPR de troisime gnration. Llargissement de lUE a confort le camp des partisans de latome puisque les anciens pays du bloc de lEst sont soucieux dindpendance nergtique face une Russie qui nhsite pas utiliser ses hydrocarbures comme arme politique. Seules lAutriche et lAllemagne ne partagent pas cet engouement. Et encore, Angela Merkel est titre personnel favorable latome civil, mais elle a dclar quelle respecterait lengagement de son prdcesseur, Gerhard Schrder, de sortir du nuclaire avant 2020.

Volont politique des Etats, mais scepticisme des Ong

Les autorits franaises se disent persuades de pouvoir obtenir ladoption dun accord sur le paquet nergie-climat avant la fin de lanne. Un optimisme partag par Bruxelles. Un travail considrable a dj t ralis depuis la prsentation du paquet nergie-climat. En outre, la volont politique des Etats membres, en particulier de la France, est relle , veut croire Jos Delbeke, le directeur gnral de la Commission, en charge de la politique sur le changement climatique. Les associations de dfense de lenvironnement oscillent entre espoir et scepticisme. Le paquet nergie-climat manque dambition. Lobjectif de rduction des GES aurait d tre fix 30 % et non 20 %. Quant au nuclaire, il ne constitue en aucun cas une solution au problme du rchauffement. La gestion des dchets radioactifs nest pas rsolue. Favoriser le nuclaire entranera une baisse des efforts de recherche sur les nergies alternatives , sinquitent Les Amis de la Terre. La rvision du systme des quotas dmission de GES est positive. Jusqu prsent, tous les abus taient permis. Les doutes sur les biocarburants nous rassurent aussi , souligne pour sa part Greenpeace France.
Mais avant mme le dbut de sa prsidence de lUE, la France a dj fait des concessions lAllemagne concernant les missions de CO2 par les automobiles, Berlin constructeur de grosses berlines sestimant ls par le projet communautaire. Les deux pays ont maquill ces concessions en affichant des objectifs plus ambitieux, mais pour beaucoup plus tard, sans calendrier ni mesures prcises. Une mthode habituelle dans ce domaine de la protection de lenvironnement, qui doit les associations cologistes.

Jean Piel

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