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01/07/2008
Questions internationales (1)
400e anniversaire : loriginalit qubcoise


(MFI) Ce 3 juillet, la ville de Qubec clbre le 400e anniversaire de sa fondation. Loccasion de dcouvrir une ville et une province francophone en Amrique, qui dfend sa spcificit culturelle, son progressisme social, son modle dintgration des trangers au cur dun Canada facilement sensible linfluence des Etats-Unis.

Comment est ne la ville de Qubec ?

Cest au Franais Samuel de Champlain que Qubec premire ville btie en Amrique du Nord doit le jour. N en 1580 Saintes (Charente-Maritime), ce navigateur, explorateur, soldat, diplomate, ethnologue et cartographe admirait Jacques Cartier, premier navigateur franais avoir crois dans les eaux nord-amricaines. Cest donc vers louest quil prend le cap pour des expditions militaires et commerciales. En avril 1608, il sembarque bord du Don de Dieu, avec pour mission du roi Henri IV dtablir une colonie franaise aux Amriques . Samuel de Champlain remonte le Saint-Laurent, et accoste le 3 juillet 1608 sur les rives dune baie tranquille, o le fleuve habituellement tumultueux se calme. Il fait riger trois btiments entours de palissades. Lemplacement allait devenir la ville de Qubec. Aucun lieu ne peut tre plus commode ni mieux situ. La rade est excellente, les rivires nombreuses, les terres fertiles et les fourrures troques avec les Indiens, abondantes , crit-il dans son journal de bord.
Le nom Qubec viendrait de la langue des Indiens Hurons, signifiant l o le fleuve se rtrcit . Une autre thorie veut que le navigateur franais ait pris linvitation des autochtones descendre (Kepec) pour le nom de leur rgion. Samuel de Champlain tablit dexcellentes relations avec les Amrindiens Hurons et Algonquins, les aidant dans leur guerre contre les Iroquois. Celui qui reut le titre de Pre de la Nouvelle-France va dployer toute son nergie dvelopper la rgion. Lnergie des roturiers qui deviennent nobles loin de France , raillent ses dtracteurs lpoque. De simple comptoir maritime, Qubec devient une colonie de peuplement et ne cesse de sagrandir, mme aprs la mort de son fondateur le 25 dcembre 1635. La ville connatra ensuite des fortunes diverses, tantt franaise tantt anglaise, un temps mme capitale du Canada de 1859 1865. Aujourdhui, cest la capitale de la province ponyme ; une nation sans Etat au sein du Canada.

Comment est ne la ville de Qubec ?

Cest au Franais Samuel de Champlain que Qubec premire ville btie en Amrique du Nord doit le jour. N en 1580 Saintes (Charente-Maritime), ce navigateur, explorateur, soldat, diplomate, ethnologue et cartographe admirait Jacques Cartier, premier navigateur franais avoir crois dans les eaux nord-amricaines. Cest donc vers louest quil prend le cap pour des expditions militaires et commerciales. En avril 1608, il sembarque bord du Don de Dieu, avec pour mission du roi Henri IV dtablir une colonie franaise aux Amriques . Samuel de Champlain remonte le Saint-Laurent, et accoste le 3 juillet 1608 sur les rives dune baie tranquille, o le fleuve habituellement tumultueux se calme. Il fait riger trois btiments entours de palissades. Lemplacement allait devenir la ville de Qubec. Aucun lieu ne peut tre plus commode ni mieux situ. La rade est excellente, les rivires nombreuses, les terres fertiles et les fourrures troques avec les Indiens, abondantes , crit-il dans son journal de bord.
Le nom Qubec viendrait de la langue des Indiens Hurons, signifiant l o le fleuve se rtrcit . Une autre thorie veut que le navigateur franais ait pris linvitation des autochtones descendre (Kepec) pour le nom de leur rgion. Samuel de Champlain tablit dexcellentes relations avec les Amrindiens Hurons et Algonquins, les aidant dans leur guerre contre les Iroquois. Celui qui reut le titre de Pre de la Nouvelle-France va dployer toute son nergie dvelopper la rgion. Lnergie des roturiers qui deviennent nobles loin de France , raillent ses dtracteurs lpoque. De simple comptoir maritime, Qubec devient une colonie de peuplement et ne cesse de sagrandir, mme aprs la mort de son fondateur le 25 dcembre 1635. La ville connatra ensuite des fortunes diverses, tantt franaise tantt anglaise, un temps mme capitale du Canada de 1859 1865. Aujourdhui, cest la capitale de la province ponyme ; une nation sans Etat au sein du Canada.

Quelles sont les particularismes du et de Qubec ?

Une terre francophone au cur de lAmrique du Nord : cest videmment la grande singularit du Qubec. Un lot de 8 millions de francophones dans un ocan nord-amricain de 320 millions danglophones , prcise lancienne ministre Louise Beaudoin. Un lot qui reste dfendre. Le franais est la langue officielle de la Belle Province depuis 1977 seulement, suite laction militante du Parti qubcois de Ren Lvesque, une formation favorable lindpendance. Le franais simpose lcole, sur le lieu de travail, dans les publicits, sur les affiches. En ces temps de mondialisation, il est essentiel quon puisse continuer faire carrire en franais. Cela exige de la vigilance car Ottawa, la capitale fdrale du Canada, aimerait nous mettre des obstacles , souligne Louise Beaudoin. Aujourdhui, 79 % des Qubcois ont le franais comme langue maternelle, 8 % langlais et 2 % appartiennent aux populations autochtones (Inuits, Mohawks, Iroquois) ayant leur propre idiome. Les 11 % restants sont des allophones, des immigrants ayant une autre langue maternelle que le franais ou langlais. Mais plus de la moiti dentre eux parle franais, non seulement parce que tout arrivant au Qubec doit lapprendre, mais aussi parce que beaucoup viennent de pays o la langue de Molire est dusage courant (Maghreb, Afrique noire, Hati).
Aux oreilles dun Parisien, le franais du Qubec sonne comme une douce musique, cause de laccent local mais aussi de lexistence de mots typiques qui tmoignent dune volont dentretenir la langue, l o, dans lhexagone, on langlicise. On parle ainsi de courriel (et non de-mail), de baladodiffusion (et non de podcast) et de clavardage (pour dsigner le chat sur Internet).
Mais au-del du seul aspect linguistique, cette langue en partage dfinit lidentit mme de la province. Car sur ce territoire de 1,6 million de km, o lessentiel de la population se concentre autour de quelques grandes villes, se croisent des influences indiennes, franaises, britanniques, amricaines qui donnent un mode de vie, une culture, une pense uniques. A en croire le journaliste qubcois Jean-Benot Nadeau, cit par le magazine Go : Ces multiples identits sont sources dintense crativit. Le Qubec est lune des botes ides les plus bouillonnantes du monde francophone. Les Qubcois sont devenus des Amricains parlant franais, aprs avoir t brivement des Franais tablis en Amrique. Le Nouveau Monde, cest nous ; tous les Qubcois de souche ont un anctre qui a fond une ville, une province, un Etat. Cette crativit se retrouve dans le cinma, la chanson, mais aussi les sciences, les nouvelles technologies, la dfense de lenvironnement Lhistoire de la province et limmigration rcente font du Qubec un carrefour culturel. Larchitecture, les loisirs, la cuisine, le rapport au travail, sont trs amricains. Mais tout est diffrent. La mentalit, les modes de vie nont rien voir avec ce qui se passe chez notre puissant voisin , insiste la sociologue Marie Tremblay, cite par Le Monde. Il y aurait donc une qubcitude comme il y a une belgitude. Selon Jean-Benot Nadeau : La langue franaise en constitue le noyau dur. Pour un Qubcois, la langue franaise est hyper politique car elle est le creuset mme de son identit.

Cela signifie-t-il que le Qubec rve toujours dindpendance ?

Le sujet est sensible. De l croire que la majorit des Qubcois rvent chaque jour dindpendance, il y a loin de la coupe aux lvres. A la diffrence de nombre de pays o la scne politique est dfinie par un clivage droite gauche, au Qubec la csure est lie la question nationale. Le Parti qubcois est historiquement la formation indpendantiste ; il est rejoint sur ce terrain par un nouveau parti de gauche, Qubec solidaire. A loppos, le Parti libral du Qubec dfend le maintien de lappartenance au Canada. Une autre formation classe droite, lAction dmocratique du Qubec, milite pour une autonomie (mal dfinie) au sein du Canada.
Le mouvement pour lindpendance est n au dbut des annes soixante lorsque Ren Lvesque, le fondateur du Parti qubcois, lana son clbre Matre chez nous . Le message tait politique : faire reconnatre la spcificit culturelle, les droits et le caractre francophone de la province, ngligs par les autorits fdrales. Il tait aussi conomique, les postes responsabilit tant alors confisqus par les anglophones. En visite dans la capitale provinciale en 1967, le gnral de Gaulle scria : Vive le Qubec libre ! Une faon de saluer la modernisation conomique et sociale de la rgion, et non de rclamer lindpendance. Mais beaucoup le comprirent au premier degr, do la fureur des autorits canadiennes. Reste que ce slogan du prsident franais aida la cause qubcoise. Dun coup, le Qubec a t inscrit sur la carte du monde. Cela a fait gagner dix ans la province , crit Claude Ryan, le rdacteur en chef du quotidien Le Devoir. Depuis, le franais a t reconnu comme langue officielle, et la spcificit de la Belle-Province nest gure conteste au Canada. En novembre 2006, le Premier ministre canadien, Stephen Harper a dfendu une motion au Parlement reconnaissant que le Qubec forme une nation au sein dun Canada uni . Une formule sans valeur juridique, mais dune forte porte symbolique.

Comment le dbat politique volue-t-il sur le sujet ?

Deux rfrendums sur lindpendance ont t organiss au Qubec, en mai 1980 et octobre 1995. Dans les deux cas, le non la emport. Mais il sen est fallu de peu en 1995 : 50,58 % de non , soit seulement 54 197 voix dcart sur 4,7 millions de votants. Sans surprise, les anglophones et les allophones ont rejet lindpendance, mais aussi les populations autochtones.
Lors des dernires lections lgislatives, en mars 2007, le Parti qubcois a connu une dfaite historique, narrivant quen troisime position, tandis que lAction dmocratique du Canada remportait le scrutin. Certains en ont conclu que le sparatisme perdait du terrain. Cest ce qucrit le journaliste Jean-Benot Nadeau : Lattachement au Canada est viscral, tous les sondages le montrent : peine 25 % des Qubcois veulent lindpendance. Aprs avoir dit non deux fois par rfrendum, les Qubcois saccommodent de former une nation dans le Canada. Un avis que ne partage pas Louise Beaudoin : Sans rclamer lindpendance, 60 % des Qubcois affirment que, dans sa forme actuelle, le fdralisme canadien ne leur convient pas. Le problme est de savoir comment assurer notre prennit en Amrique en tant que nation francophone. Face une inscurit linguistique et culturelle, lindpendance est une solution. Dans une Amrique du Nord pour linstant rsolument conservatrice, les Qubcois demeurent attachs des valeurs internationales de justice et dquit. Souverainet politique et progressisme social sont indissociables. Un Qubec indpendant pourrait exprimer une voix nord-amricaine dissidente dans les instances internationales.
Un sondage rcemment publi dans Le Devoir illustre quel point la province reste divise sur le sujet : 38 % des Qubcois sont convaincus que le Qubec est destin devenir un pays. Une opinion essentiellement dfendue par les francophones. A linverse, 69 % des Canadiens sont davis que le Qubec doit demeurer au sein du Canada. Enfin, 53 % des personnes interroges pensent que le Canada ne pourrait pas exister sans sa province francophone.
Pour le journaliste canadien (et anglophone) du Globe and Mail, Lawrence Martin, le Qubec est indispensable au Canada car il dfinit le Canada mme : Notre image ltranger de pays tolrant, libral, soucieux de lenvironnement, est due au Qubec. La province est beaucoup plus progressiste socialement que le reste du pays, et elle russit imposer ses valeurs au gouvernement fdral. Cest le pilier gauche du Canada, sans lequel Ottawa dfendrait certainement la mme politique conomique ultra librale que les Etats-Unis. De mme, lopposition la guerre en Irak est majoritairement venue de lopinion publique qubcoise. Cest au Qubec que sont le mieux dfendus les droits des gays, lopposition la peine de mort, le droit lavortement. Le Canada doit beaucoup au Qubec.

La Belle Province reste-t-elle une terre dimmigration ?

Sans aucun doute. Chaque anne, plus de 40 000 personnes sinstallent au Qubec, et 11 % de la population est originaire dailleurs dans le monde. Depuis 2002, les cinq principaux pays dorigine des immigrants sont lAlgrie, la Chine, la France, le Maroc et la Roumanie. De quoi favoriser le brassage culturel initi par lhistoire de la province et lexistence des populations amrindiennes (voir article ci-aprs). Ici, limmigr est peru comme une richesse, pas comme un danger. Louer un appartement, trouver un emploi, crer une entreprise, tout est beaucoup plus facile quen France , estime Hassiba Baci, cadre commerciale dorigine algrienne, cite par le magazine Go. Un avis que ne partage pas Haiyun Wang, un mdecin dorigine chinoise : Les quivalences de diplmes sont difficiles obtenir. Il faut apprendre le franais. Les prjugs sont encore vifs, et les mdecins trangers ne sont pas vraiment les bienvenus.
Limmigration rpond des enjeux dmographiques, conomiques et linguistiques. En 2050, 30 % des Qubcois auront plus de 65 ans. Do un risque de pnurie de main duvre, un ralentissement de la croissance, des dficits publics et un moindre poids du Qubec au sein du Canada. Cest pourquoi le gouvernement provincial a adopt fin 2007 un plan triennal pour augmenter son quota dimmigrants de 46 700 personnes 55 000 dici 2010. Lobjectif est aussi daccueillir 64 % de migrants conomiques et 36 % de personnes venues rejoindre leur famille ou rfugies politiques. Limmigration est une richesse et un levier stratgique pour le Qubec , reconnat Yolande James, la ministre de lImmigration. Lintgration des nouveaux arrivants nest pourtant pas facile, notamment en termes demploi. Leur taux de chmage est trois fois suprieur celui des Qubcois de souche. Il ne faudrait pas imaginer la Belle-Province comme un eldorado pour les trangers.
Lconomie qubcoise se porte bien, et a besoin de bras. 196 000 emplois devraient tre crs en quatre ans, et en comptant les dparts la retraite des papy-boomers, 700 000 personnes seront recherches sur le march du travail dici 2012. Tous les secteurs sont concerns, de lexploitation des forts aux technologies de pointe en passant par laronautique ou la mtallurgie. Avec un PIB annuel par tte de 30 143 dollars, le Qubec se situe cependant 15 % en dessous de la moyenne du Canada.
Le succs aux dernires lections lgislatives de lAction dmocratique du Qubec pourrait inquiter les candidats limmigration. Volontiers populiste, celle-ci tient un discours anti-immigrs qui, semble-t-il, trouve un cho dans une partie de llectorat qui ne se reconnat plus dans la tolrance des catgories sociales suprieures lgard de limmigration. Le dbat a notamment port sur ce quon appelle laccommodement raisonnable, savoir les droits accords aux membres des minorits religieuses comme le port du foulard lcole ou des heures rserves la piscine pour les femmes musulmanes. Un affront la lacit pour certains, a fortiori dans une socit longtemps soumise linfluence de lEglise catholique.
Pour Louise Baudoin, interviewe par Le Monde diplomatique, ce dbat sur limmigration rejoint celui sur lindpendance : Les immigrs au Qubec deviennent des citoyens canadiens et non pas qubcois. La plupart dentre eux souhaite migrer au Canada. Si le Qubec tait un Etat souverain, cette problmatique disparatrait. Ceux qui opteraient pour le Qubec le feraient en connaissance de cause : un pays o la langue commune ne peut tre que le franais () Le Canada et le Qubec ont deux systmes diffrents dintgration. Celui dOttawa est calqu sur le modle britannique, savoir la promotion de la diversit culturelle, renvoyant chacun sa communaut dorigine. Le Qubec a opt pour linter-culturalisme, cest--dire lchange culturel dans le cadre des valeurs communes dune nation plurielle. Ces deux systmes sont en totale contradiction. Lide serait de poursuivre la construction dune nation francophone en Amrique, soucieuse de diversit culturelle mais aussi attache ses racines puisque sa devise est Je me souviens .

Jean Piel

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