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27/08/2008
Questions internationales (2)
Etats-Unis / Afrique : un intrt pour le dveloppement qui reste confirmer


(MFI) Barack Obama et John McCain affirment sintresser davantage que leurs prdcesseurs aux pays du Sud et lAfrique en particulier. Que le candidat dmocrate ait un pre kenyan suscite un certain espoir sur le continent. Mais en politique trangre, les discours des deux prtendants la Maison-Blanche restent domins par le Proche-Orient et la lutte contre le terrorisme.

Si les sondages en sa faveur se tassent aux Etats-Unis, la popularit de Barack Obama nen est pas moins plantaire, et elle est encore plus forte en Afrique du fait de lorigine knyane de son pre. Les T-shirts leffigie du candidat dmocrate se vendent dAbidjan Nairobi en passant par Johannesburg. Sa candidature et son succs sont une rvolution , estime le prsident sngalais, Abdoulaye Wade. Il ma dit bonjour en luo, musawa, sans le moindre accent , savoure le Premier ministre kenyan, Raila Odinga. La blogosphre africaine nest pas moins enthousiaste.
Le rve de Martin Luther-King se ralise enfin () Obama est une fiert pour lAfrique () Avec Obama, cest la certitude que lAfrique sera inscrite au calendrier mondial. Non pas comme objet de charit mais en tant quentit dont les revendications pour un monde plus juste seront prises en compte , tels sont quelques uns des messages quon peut lire sur la Toile. Dautres blogueurs sont plus critiques : Obama est Noir, pas Africain ; la diffrence est de taille. Ne lattendons pas comme le Messie ; il dfendra les intrts des Etats-Unis, pas ceux de lAfrique . Et certains de rappeler quen Afrique, il serait peu probable quun opposant la nationalit dorigine mixte puisse russir une telle carrire. Reste que sa grand-mre, Sarah Hussein Onyango Obama, reoit les journalistes du monde entier dans son village de Nyangoma-Kogelo.

Obama : un intrt plus grand pour lAfrique

Barack Obama ne veut cependant pas se prsenter comme un candidat communautariste et il reste prudent sur la question raciale, sujet sensible sil en est aux Etats-Unis. Il a dailleurs crit sur le malaise de certains Afro-Amricains face lAfrique : Les Noirs amricains ont toujours eu une relation ambigu lAfrique. Aujourdhui, nous portons des vtements Kente, clbrons les Kwanza et collons des posters de Nelson Mandela sur nos murs. Mais quand nous voyageons en Afrique et dcouvrons que tout nest pas beau et brillant, nous en revenons souvent profondment dus .
Du fait de son ge, de ses origines mtis, de son enfance en Indonsie, de ses ides, de son discours universaliste, Barack Obama semble plus sensible aux problmes conomiques et sociaux des pays du Sud. Vis--vis du continent africain, il a promis que, sil tait lu la Maison-Blanche, Washington sintresserait davantage cette partie du monde, en y ouvrant notamment de nouvelles ambassades. De mme est-il favorable ce que lAfrique du Sud devienne membre permanent du Conseil de scurit de lOnu. Il entend stopper le gnocide au Darfour, et rappelle son appui aux snateurs Brownback et Reid qui ont labor le projet de loi sur le financement des forces de maintien de la paix de lUnion africaine. Il exige aussi un renforcement des sanctions contre le Soudan. Citant lexemple congolais, il se dit favorable une prsence accrue des casques bleus sur le continent. Les Etats-Unis doivent dpasser leur stratgie minimaliste pour lAfrique , a-t-il dclar lors dun meeting Chicago.
Au-del du seul cas africain, Barack Obama porte plus dattention que son adversaire rpublicain la problmatique de la faim et de la misre dans le monde. Il entend doubler laide des Etats-Unis au dveloppement pour la porter 50 milliards de dollars : Je sais que la politique dassistance nest pas populaire, mais si je suis lu, je dfendrai laide au dveloppement, notamment vers lAfrique, comme notre meilleur investissement pour promouvoir la scurit globale de lhumanit . Dans son souci du dveloppement durable, le snateur dmocrate de lIllinois dfend des arguments moraux, mais aussi stratgiques ; la scurit des Etats-Unis passe par un monde plus juste, empchant les fondamentalistes de sappuyer sur le dsespoir des plus pauvres. Cest pourquoi, attach une diplomatie des alliances, Barack Obama voudrait investir du Maroc lAfghanistan dans des rseaux de coopration afin damliorer les hpitaux, les coles, la vie associative, la presse, les droits des femmes, lindustrie et le commerce..., linstar de ce qui a t fait dans les anciens pays communistes la chute du mur de Berlin.

McCain : attentif aux risques dextrmisme

John McCain nest pas absent du dbat sur le sort des pays du Sud. Le candidat rpublicain a annonc sa volont daccorder une place significative la coopration et au dveloppement . Il na cependant ni prcis ni chiffr ses projets. Mais len croire, il faut lutter contre la pauvret, le sida et toutes ces terribles conditions qui favorisent le mcontentement et poussent les plus dsesprs vers lislamisme . Concernant lAfrique, John McCain se flicite de la prsence dune base militaire amricaine Djibouti. Selon lui, le continent pourrait facilement devenir le terrain dentranement privilgi dAl-Qaeda. Mais il va au-del : LAfrique est en train de changer. Des foyers de tensions steignent, dautres se rallument. La famine existe, mais des pays connaissent un dveloppement encourageant. La Chine est aussi de plus en plus prsente. Les Etats-Unis doivent donc repenser lensemble de leur politique en direction de lAfrique , a-t-il dclar au cours de sa campagne.
Il cite le Zimbabwe comme lun des pays o serait intervenue la Ligue des dmocraties quil prconise, cette organisation regroupant les pays dmocratiques et intervenant en cas dempchement des Nations unies. Sil veut se dmarquer de George Bush dont la politique trangre est considre comme un dsastre, John McCain rappelle nanmoins que, sous ses deux mandats, les Etats-Unis ont renforc leur aide lAfrique, notamment pour la lutte contre le sida et contre le paludisme, mais aussi au niveau conomique avec le programme AGOA (African Growth and Opportunity Act, une loi daide aux rformes conomiques sur le continent) qui a permis daugmenter de 115 % les changes commerciaux entre les Etats-Unis et lAfrique depuis 2006.

Le dveloppement : un objectif lointain

Quil sagisse de John McCain, le Rpublicain martial, ancien militaire et adepte de la manire forte, ou de Barack Obama, le Dmocrate moins fru didologie et plus ouvert sur le monde, dans lun ou lautre cas, il ne faut pas se bercer dillusions : lAfrique et le dveloppement ne font pas partie de leurs priorits. Dans leurs discours de politique trangre, tous deux parlent surtout de lIrak, de lIran, du conflit isralo-palestinien et de la lutte contre le terrorisme. Ce qui ne signifie pas que la politique envers lAfrique nvoluera pas aprs llection prsidentielle du 4 novembre. Mais comme le souligne dans Le Monde le professeur de Sciences politiques, Bertrand Badie :
Vu le contexte conomique difficile que connaissent les Etats-Unis et la ncessit de maintenir les budgets militaires un niveau lev, il nest pas sr quon trouvera les moyens ncessaires aux ambitieux projets de dveloppement. LAfrique risque de demeurer, encore pour un moment, le champ de manuvre politique et militaire des puissances, davantage que le laboratoire exprimental dune nouvelle politique de dveloppement . Quant llargissement du Conseil de scurit de lOnu, on peut promettre ce quon veut : la rforme sera extrmement difficile mettre en uvre.
Mme si Barack Obama se dfie de tout communautarisme, llection dun Noir la tte de la premire puissance mondiale aurait partout des consquences importantes. Cest du moins ce que pense Justin Vaisse, chercheur la Brookings Institution : Il ne faut pas sous-estimer la force du message que cela adresserait au monde, et aussi au tiers-monde. Un message pour lAmrique elle-mme, un symbole de progrs contre ses vieux dmons de lesclavage et de la sgrgation. Un symbole que le rve amricain est encore vivant et que loligarchie na pas toujours le dernier mot. Un message ensuite sur le rapport de lAmrique au monde : lire un homme n au milieu du Pacifique, dun pre kenyan et qui a pass plusieurs annes de sa jeunesse dans le pays majorit musulmane le plus peupl de la plante, envoie un signal que quelque chose a chang ; que lAmrique ressemble davantage au reste du monde et quelle est donc mieux mme de le comprendre .

Jean Piel

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