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09/09/2008
Questions internationales (2)
Quelles stratgies pour maintenir la paix ?


(MFI) Si sa mission premire est de prserver la paix, lOnu peut nanmoins difficilement empcher un conflit dclater, a fortiori lorsquune grande puissance est implique. Les casques bleus manquent de moyens et, souvent, de volont. En outre, les nouvelles menaces (terrorisme, guerres civiles) rendent encore plus difficiles les missions de la paix de lOnu. La paix une fois tablie, par contre, les Nations unies disposent doutils pour consolider celle-ci.

Depuis la cration des Nations unies en 1945, la plante a connu 130 conflits majeurs ; seuls trois ont t lgaux , cest--dire approuvs par le Conseil de scurit de lOnu : la guerre de Core en 1950, la premire guerre du Golfe en 1991 et lintervention amricaine en Afghanistan en 2001. Mme le dploiement de lOtan au Kosovo sest fait sans le feu vert de lOnu. Maigre bilan pour une institution qui a pour vocation de prserver la paix. En 2003, les centaines dheures de ngociation, les rsolutions appelant la retenue, les inspections de lAgence internationale de lnergie atomique (AIEA) nont pas eu raison de la dtermination des Etats-Unis envahir lIrak. Soit on y va avec lapprobation de lOnu, soit on y va seul. Mais dans tous les cas, on y va , claironnaient en substance les autorits amricaines.
Les diplomates onusiens peuvent certes rpliquer que, depuis 1945, leur organisation a contribu rsoudre 172 conflits, de la guerre entre lIran et lIrak la guerre civile au Guatemala en passant par linvasion du Timor par lIndonsie. Ils peuvent aussi rappeler que dans ses 20 missions de la paix actuelles, lOnu fait fonctionner 241 hpitaux et protge des millions de civils. Reste un certain sentiment dimpuissance. Responsable des oprations de maintien de la paix de lOnu de 2000 2008, le Franais Jean-Marie Guhenno le reconnat dans Le Monde : Aucune force internationale ne peut imposer la paix de lextrieur. Rformer lOnu afin de lui donner les moyens contraignants de prvenir un conflit serait illusoire. La Maison de verre nest que ce que ses membres en font, et il lui sera toujours difficile dempcher des pays de se livrer bataille, a fortiori une grande puissance.

Renforcer les casques bleus

Rformer les missions de la paix de lOnu imposerait dj de leur donner plus de moyens : 20 missions actuellement, ce sont 20 situations politiques, 20 problmatiques militaires, 20 configurations logistiques Or le dpartement charg de ces oprations ne compte que 600 personnes (moins que le nombre dAmricains qui, au Pentagone, supervisent la guerre en Irak) et aucun Etat ne veut donner plus de moyens lOnu. Le budget des oprations de maintien de la paix est de 5,2 milliards de dollars, peine plus que celui de la police de New York (3,9 milliards en 2008-2009). Idem concernant les moyens humains. Les dix premiers contributeurs de troupes aux casques bleus sont tous des pays du Sud, le Bangladesh, le Pakistan et lInde fournissant eux seuls plus de 30 % des forces. Les Etats-Unis apportent 0,5 % des hommes et 26 % des finances. Les pays occidentaux payent les budgets et les pays du Sud payent le prix du sang , lche avec amertume un observateur. Pour Jean-Marie Guhenno, le problme est autre : LOnu nest pas une socit de gardiennage. Les troupes donnent aussi un signal politique : celui de lengagement de la communaut internationale. Les pays du Sud ne doivent pas tre les seuls porter ce fardeau quest la responsabilit collective de la paix.
Se pose en outre un problme dinter-oprabilit entre des soldats venus de 108 pays diffrents. Ils nont pas tous le mme quipement (celui-ci nest pas fourni par lOnu, mais par chaque arme), pas le mme entranement, pas les mmes doctrines de combat et ne parlent pas toujours anglais. Loin de connatre les raisons de leur prsence dans un pays, beaucoup ne sont motivs que par la solde et refusent dobir un officier dune autre nationalit. Do de srieux cafouillages.

Consolider la paix dfaut darrter la guerre

Cest pourquoi ressurgit rgulirement lide de crer une arme 100 % onusienne, avec son propre arsenal et des soldats soit directement employs par lOnu, soit mis sa disposition par les Etats-membres pendant plusieurs annes. Cela permettrait des rgles dengagement plus claires, une meilleure efficacit des troupes et surtout des interventions plus rapides (aujourdhui, il faut en moyenne quatre mois entre le vote dune rsolution et le dploiement de casques bleus). Bref, une plus grande autorit de lOnu. Mais peu dEtats accepteraient dabandonner ainsi une part de leur souverainet et de doter les Nations unies dun tel pouvoir. Lide est donc aussi vite enterre quelle est voque.
Les casques bleus font au mieux du maintien de la paix, mais ils tablissent rarement cette paix. Ils interviennent lorsque les armes se sont tues. Cest utile, mais suppose que les belligrants ont voulu la cessation des hostilits , souligne Serge Sur, universitaire, spcialiste des Nations unies. Un constat que ne dment pas Jean-Marie Guhenno : Notre mission est de dfendre la paix plus que darrter la guerre. Mais intervenir au bon moment avec les moyens adquats nest pas une science exacte. Notre organisation est lourde et met du temps ragir. Nous arrivons parfois trop tt, alors que les partis au conflit ne sont pas prtes la paix ; ce fut le cas en Bosnie. Et lex-directeur des oprations de maintien de la paix (il vient dtre remplac par un autre Franais, Alain Le Roy) dajouter : Etablir une paix durable est difficile. Les casques bleus nen ont ni les moyens ni lambition. Nous cherchons instaurer un systme stable, mi-chemin entre le chaos de la guerre et lEtat de droit.
La meilleure rforme concernant le maintien de la paix est peut-tre celle adopte en 2005, crant une Commission de consolidation de la paix. Sa mission : pas seulement faire respecter un cessez-le-feu, mais rorganiser ladministration, construire des routes et des coles, organiser des lections, former des cadres Do la prsence croissante de personnel civil dans les missions de maintien de la paix de lOnu. On a vu cette Commission luvre au Timor-Leste, au Burundi, en Sierre-Leone, en Hati Selon Serge Sur : Le vrai dfi est quun pays ne replonge pas dans la guerre. Selon une tude de luniversit dOxford, la moiti des pays sortant dun conflit sombrent nouveau dans la violence dans les cinq annes suivantes.

La responsabilit de protger

Autre dfi pour lOnu : lapparition de nouveaux types de menaces. Les guerres classiques entre Etats ont cd la place aux conflits intrieurs, au terrorisme, aux guerres asymtriques o un Etat est confront soit un pays moins puissant que lui, soit un groupe rebelle dont les types daction ne sont pas ceux auxquels une arme rgulire sait rpondre. Des menaces qui marquent lopinion, mais contre lesquelles les Nations unies sont mal armes. La Charte de 1945 interdit en effet lOnu dintervenir dans les affaires intrieures dun pays. Comment la Maison de verre peut-elle agir efficacement contre Al-Qada ? Comment lOnu peut-elle faire cesser les massacres en Tchtchnie alors que la Russie est membre permanent du Conseil de scurit ? Le drame de lOnu en Irak rsume le paradoxe de la situation. Pendant des mois, lorganisation a cherch dissuader les Etats-Unis denvahir lancienne Msopotamie. Le conflit dclench, elle a nanmoins ouvert une dlgation Bagdad dans lespoir de surveiller les belligrants et daider la reconstruction du pays. Rsultat : symbole de la communaut internationale (donc pour certains, des Etats-Unis), elle a t victime dun attentat qui, le 19 aot 2003, a fait 22 morts.
Adopte le 28 avril 2006, la rsolution 1674 cre une responsabilit de protger . Elle prvoit que le Conseil de scurit peut recourir la force contre un Etat en cas de gnocide ou de crimes contre lhumanit contre son propre peuple. Cest donc la lgalisation du droit dingrence humanitaire, qui contredit quelque peu la Charte de lOnu mais la dote de moyens dans certains cas de conflits intrieurs, lorsquune minorit ethnique est massacre par le pouvoir en place par exemple. Reste appliquer une telle rsolution.

La tentation dune gouvernance mondiale

Officiellement, le secrtaire gnral de lOnu nest que le premier fonctionnaire de lorganisation. Plus secrtaire que gnral , pour reprendre la remarque ironique dun diplomate amricain. Mais pour que les Nations unies puissent prendre linitiative en terme de maintien de la paix, notamment face aux grandes puissances, le secrtaire gnral doit avoir une personnalit forte, quitte sortir de sa fonction, puisque cest lui qui est tenu pour responsable par lopinion de la guerre et de la paix dans le monde. Kofi Annan a parfaitement jou ce rle, simposant sur la scne internationale comme lgal des plus grands. Une rforme de lOnu pourrait donc passer par la redfinition du rle et des pouvoirs du secrtaire gnral. Lactuel dtenteur du poste, Ban Ki-moon, apparat comme un homme plus modeste, plus docile face Washington. Cela ne signifie pas quil sera moins efficace, dautant quil est proche aussi de Pkin. Il a dj russi faire adopter des accords difficiles sur le Darfour (malgr lopposition de la Chine) et sur le rchauffement climatique (malgr lopposition de la Chine et des Etats-Unis).
De mme, pour imposer son autorit en matire de maintien de la paix, lOnu ne devrait pas tre seulement un instrument aux mains des Etats. Cest du moins ce que pense le professeur de sciences politique Bertrand Badie : Il faut installer les Nations unies au centre dun espace public international de dbat, de publicisation, avec des moyens de communication modernes. LOnu doit sappuyer sur lopinion, les entreprises, les Ong Pas seulement sur les Etats. Pour faire bouger les choses, elle doit mener une activit de mobilisation et de publicit. Cest ce rle quon doit esprer dun nouveau Conseil de scurit () Face au retour dune classique politique de puissance incarne par les Etats-Unis, lOnu doit construire un leadership dextraction multilatrale qui se rapprocherait dune forme de gouvernance mondiale. Kofi Annan sen tait fait ladepte au fil des annes. Reste savoir si Ban Ki-moon est prt jouer le mme rle.

Jean Piel

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