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23/09/2008 | |||
Corne de l’Afrique : la piraterie aggrave les crises alimentaires | |||
(MFI) Les actes de piraterie qui se multiplient au large de la Somalie et dans le Golfe d’Aden, malgré une mobilisation – bien timide – de la communauté internationale, fragilisent encore davantage la Corne de l’Afrique en proie à des crises politiques et économiques récurrentes. | |||
La Somalie reste la plaie ouverte d’une région minée par les conflits déclarés ou latents, comme par exemple entre l’Ethiopie, la plus grande puissance militaire, et l’Erythrée, ou plus récemment entre cette dernière et Djibouti. Déjà pomme de discorde entre Américains et Soviétiques au moment de la Guerre froide, la Corne de l’Afrique constitue aujourd’hui, de par sa situation stratégique – à l’entrée de la Mer rouge et de l’océan Indien et à proximité des pays pétroliers du Golfe –, un enjeu important dans la guerre menée par Washington contre le terrorisme international depuis les attentats du 11 septembre 2001. Les Américains y ont ainsi établi un dispositif de lutte anti-terroriste avec des forces stationnées à Djibouti, où se trouve également la plus importante base militaire française en Afrique. En Somalie, la situation de guerre civile, sans gouvernement central, perdure depuis 1991 en dépit de nombreuses initiatives de paix distinctes et de deux interventions internationales, au début des années quatre-vingt-dix, qui s’étaient soldées par le retrait des Américains traumatisés par la mort de dix-huit de leurs soldats. Conquise par les Tribunaux islamiques, Mogadiscio a été reprise en janvier 2007 par une alliance conclue entre les forces éthiopiennes – soutenues par les Etats-Unis – et le gouvernement fédéral de transition. Mais ce pays souffre toujours des affrontements entre clans et chefs de guerre, souvent attisés par le puissant voisin éthiopien, qui estime avoir un droit de regard sur toute la région – et surtout sur son rival historique somalien –, et par l’Erythrée qui joue les mouches du coche dans le cadre de sa querelle frontalière avec Addis-Abeba. Qui remplacera le bateau canadien d’escorte humanitaire après le 27 septembre ? Les eaux somaliennes sont considérées comme les plus dangereuses du monde et, selon le Bureau maritime international (BMI), 55 bateaux ont été attaqués dans le golfe d’Aden et l’océan Indien depuis janvier 2008 ; les pirates somaliens détiennent actuellement onze navires et leurs équipages. De plus, les pirates mettent en péril l’aide humanitaire et donc la survie de millions de personnes. Selon le Pam, le Programme alimentaire mondial, 90 % des livraisons alimentaires arrivent en Somalie par la mer. Un bateau canadien assure l’escorte de l’assistance humanitaire, mais il cesse son soutien le 27 septembre 2008 et aucun pays ne s’est porté volontaire pour le remplacer. Les pirates perturbent la livraison et découragent les propriétaires des navires. La France, qui est déjà intervenue militairement pour libérer certains de ses ressortissants pris en otage, a fait circuler au Conseil de sécurité de l’Onu un projet de résolution appelant tous les Etats à fournir des moyens militaires à la lutte contre la piraterie au large de la Somalie. Le projet « appelle tous les Etats intéressés par la sécurité des activités maritimes à prendre une part active dans la lutte contre la piraterie au large des côtes de la Somalie, en particulier en déployant des navires et des avions militaires ». Il appelle aussi les Etats qui disposent déjà de moyens militaires dans la zone à « prendre toutes les mesures nécessaires, en conformité avec le droit international, pour empêcher et réprimer les actes de piraterie ». Dans une résolution adoptée en juin dernier, le Conseil avait déjà autorisé, pour une période de six mois renouvelable, « les Etats qui coopèrent avec le Gouvernement de transition somalien » (GTS) à « pénétrer dans les eaux territoriales de la Somalie dans le but de réprimer la piraterie et le vol à main armée en mer ». Il précisait que ces Etats seront habilités, dans les eaux territoriales somaliennes, à « recourir à tous les moyens nécessaires » pour mener à bien cette répression, tout en respectant « les dispositions du droit international concernant les actions en haute mer ». Les appels à une opération navale internationale contre les pirates somaliens de l’océan Indien se font de plus en plus pressants face à des attaques de navires devenues quasi-quotidiennes, qui entravent le commerce maritime et paralysent la pêche industrielle. L’Union européenne a approuvé la création d’une « cellule de coordination » chargée de la protection contre la piraterie dans la zone. Poussés notamment par l’Espagne, qui avait vivement réagi après l’attaque d’un de ses thoniers en avril, les ministres européens des Affaires étrangères ont ainsi entériné la création d’une « cellule de coordination chargée de soutenir les actions de surveillance et de protection menées par certains Etats membres au large des côtes de la Somalie ». Soulignant leur « vive préoccupation » face à la recrudescence des actes de piraterie, les ministres ont aussi approuvé « une option militaire stratégique portant sur une éventuelle opération navale militaire de l’UE » dans cette région. L’idée est que l’UE envoie plusieurs navires « de façon préventive » contre de nouveaux actes de piraterie mais aussi pour escorter les bateaux acheminant l’aide humanitaire du Pam car la situation humanitaire de la région est à nouveau critique. Un milliard et demi de dollars nécessaires d’ici le 31 décembre 2008 Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d’urgence John Holmes a lancé un appel à la communauté des donateurs pour qu’elle se mobilise de manière urgente afin d’éviter une aggravation de la situation humanitaire, réclamant une aide de plus de 700 millions de dollars en faveur de la Corne de l’Afrique. Il a estimé que « 17 millions de personnes, dont 3 millions d’enfants, ont un besoin énorme de denrées alimentaires, l’Éthiopie et la Somalie étant les deux pays de la région les plus sévèrement touchés par cette crise ». Il a affirmé que si des ressources additionnelles ne sont pas allouées dans les prochains jours et semaines, on va droit à la catastrophe. Il a évalué à près d’un milliard et demi de dollars le montant total des fonds nécessaires pour répondre, d’ici à la fin de l’année, aux besoins alimentaires qui existent en Somalie, en Éthiopie, au Kenya, à Djibouti et en Érythrée. Les conséquences de la sécheresse amplifiées par les problèmes de sécurité Les chiffres évoqués sont terribles : plus de 12 millions d’Éthiopiens souffrent de la faim et endurent depuis trois ans des périodes de sécheresse extrêmement graves qui empêchent toute relance durable du secteur agricole du pays. Près de 3 millions d’enfants dans la région risquent la mort, les maladies ou les conséquences à long terme de la malnutrition en raison du manque d’eau, de nourriture et de soins médicaux dû notamment à la sécheresse, à la hausse des prix alimentaires et à la guerre, a déclaré pour sa part le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef). Les enfants représentent en effet une grande proportion des 14 millions de personnes affectées et ce nombre ne cesse d’augmenter. La sécheresse vient ainsi s’ajouter au pire conflit depuis plusieurs années dans la région, notamment dans une grande partie du centre et du sud de la Somalie et une partie de l’Ethiopie. Les autorités sont incapables de répondre aux besoins de la population et dans certains cas gênent les opérations l’assistance. Des travailleurs humanitaires, par exemple, sont interdits d’accès par des responsables dans certaines régions de la Corne de l’Afrique et dans de nombreux cas, ils sont la cible de groupes armés. « La sécurité complique beaucoup les opérations destinées à venir en aide aux gens », soulignent des responsables de l’Unicef. | |||
Marie Joannidis | |||
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