| |||
14/10/2008 | |||
Spcial Sommet de Qubec Au-del des crises : quelle place pour le franais dans le monde au XXIe sicle ? | |||
(MFI) Si le Sommet de Qubec sera pour les pays membres de lOrganisation internationale de la Francophonie (OIF) loccasion de se concerter sur les crises actuelles alimentaire et financire , il devrait aussi marquer, pour les annes venir, le retour en force de lenjeu langue franaise au sein de lorganisation, chaque membre tant appel faire plus et mieux pour le franais et le multilinguisme. | |||
Cest le contraire qui et t tonnant : la crise financire sera bel et bien au menu du XIIe sommet de la Francophonie, du 17 au 19 octobre 2008 Qubec, a indiqu le Premier ministre qubcois Jean Charest, co-hte du sommet avec le Premier ministre canadien Stephen Harper : Les circonstances font quon est le premier forum Nord-Sud se runir dans la foule de cette crise et cest loccasion den discuter, de faire ensemble une lecture commune de la situation, dessayer den mesurer les impacts sur les uns et les autres, incluant les pays du Sud. Il rejoignait ainsi Abdou Diouf, secrtaire gnral de la Francophonie, qui avait quelques jours auparavant exprim le souhait qu Qubec, les pays francophones se mobilisent pour en arriver une nouvelle architecture financire, bancaire et montaire internationale . Abdou Diouf, qui avait t reu le 7 octobre par le prsident de la Rpublique franaise, a dailleurs soulign que M. Sarkozy aura certainement des choses nous dire et nous proposer . Sur la crise financire certes, mais aussi, il faut lesprer, sur la crise alimentaire, inscrite de longue date lordre du jour et qui frappe particulirement lAfrique, alors que 30 des 53 pays de lUnion africaine sont membres de lOIF. Lconomie est aussi affaire de langage et de ngociation Le secrtaire gnral de lOIF restait, ce faisant, dans la logique du discours prononc en mai 2008 lors de la Rencontre internationale de la Francophonie conomique, dans lequel il exprimait la conviction que la Francophonie est dans son rle lorsquelle se proccupe dconomie. Il y aurait, en effet, quelque chose dindcent vouloir, dun ct, promouvoir la diversit linguistique et culturelle, () et laisser, de lautre, perdurer des ingalits intolrables entre pays riches et pays pauvres, () car il ne sert rien de dire que tout tre humain a le droit de vivre dans la dignit, dans la libert, dans la paix, sil na pas mme les moyens de survivre. A lpoque, la crise financire navait pas encore pris lampleur quon lui connat, mais Abdou Diouf affirmait dj que les francophones ont les moyens de contribuer la rgulation, la moralisation, lhumanisation de la mondialisation , notamment parce que lconomie nest pas simplement affaire de chiffres et de modles : elle est aussi affaire de langage et de ngociation. Et dans ce contexte, le partage dune langue, non pas impose, mais choisie, constitue un atout incontestable. Autre atout : lextrme diversit des membres de la Francophonie, qui autorise lOIF se voir comme un laboratoire international dont la voix et les positions adoptes en son sein sont dautant plus lgitimes quelle compte la fois des pays du Nord et du Sud, dOrient et dOccident, deux membres du G8 et vingt-quatre pays parmi les moins avancs (classification de lOnu) Visibilit et attractivit francophones sur la scne internationale A Qubec, en point dorgue des clbrations du 400e anniversaire de la fondation de la ville par lexplorateur franais Samuel de Champlain, le sommet devrait rassembler une quarantaine de chefs dEtat et de gouvernement, sachant que lOIF compte 55 Etats ou gouvernements membres et 13 Etats observateurs prs du tiers des pays de la plante. Le prsident algrien Abdelaziz Bouteflika, dont le pays ne fait pas partie de lOIF, a t formellement invit par Qubec et Ottawa. Outre le nombre important de chefs dEtat, la prsence du secrtaire gnral des Nations unies, Ban Ki-moon, confirme limportance du forum francophone. Le diplomate sud-coren devrait souligner le rle de la langue franaise dans les affaires internationales. Le numro un de lOnu, a prcis son entourage au quotidien qubcois Le Soleil, ira plus loin que la simple dfense du franais : Lide est quun monde monolingue ne nous permet pas dapprcier la diversit de la culture. De fait, la visibilit de la prsence francophone sur la scne internationale et lattractivit de lOIF sont sorties renforces du combat men lUnesco pour ladoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversit des expressions culturelles, entre en vigueur le 18 mars 2007. Au 1er juillet 2008, 43 tats membres ou observateurs de lOIF avaient dpos leur instrument de ratification auprs de lUnesco. Mais pour consolider les acquis sur la scne internationale et le magistre dinfluence de la Francophonie, il semble que lheure est venue, pour les membres de lOIF, de se recentrer sur lun des fondamentaux francophones, la fois vident et pourtant quelque peu nglig ces dernires annes : la langue franaise. Les Etats membres face leur responsabilit A Qubec, ce sera la premire fois, rappelle-t-on au sige de lOIF Paris, que la langue franaise est ainsi place sous les projecteurs puisquelle est lun des quatre enjeux identifis de la rencontre, ct de dmocratie et tat de droit , gouvernance et solidarit conomique , environnement . La dclaration finale, prcise-t-on de mme source, sera accompagne de rsolutions et celle concernant la langue franaise devrait, une fois rappele limportance de la langue dans la construction des identits, souligner la responsabilit des Etats dans sa dfense effective, que ce soit dans le systme ducatif, la vie internationale ou la vie de la socit (conomie, sciences, sport) Les chefs dEtat et de gouvernement membres de lOIF devraient ainsi se voir rappeler quelques obligations trs concrtes, lies notamment lapplication du Vade-mecum relatif lusage du franais dans les organisations internationales, adopt lunanimit Bucarest, en 2006. Un premier bilan de son application leur sera prsent Qubec, avec des pistes pour les encourager lappliquer. Dans le mme ordre dide, et dans un souci dmulation, lOIF prsentera le compte-rendu, tabli par 7 personnalits, de 7 initiatives-phares de promotion du franais menes dans 7 pays membres. Ces exemples difiants sont dautant plus ncessaires que lon sait dsormais que lrosion de lusage du franais dans les organisations internationales est lie au recul constat dans les pays membres, y compris les pays dvelopps. Nicolas Sarkozy trs attendu En France par exemple, le Collectif intersyndical pour le droit de travailler en franais en France pointe du doigt les drapages constats dans certaines entreprises, dont les plus criants ont t sanctionns par la justice. Mais certaines lites franaises ne font pas mieux, comme la soulign, aux Septimes entretiens de la Francophonie le 13 juin 2008, le reprsentant personnel du prsident de la Rpublique pour la Francophonie, Christian Philip. Certes, depuis la rforme des institutions adopte en juillet 2008, la Constitution franaise consacre la part dsormais prpondrante de la Francophonie dans la diplomatie franaise . Dans ce contexte, et alors que la France reste lun des principaux contributeurs au budget de lOIF, les interventions de Nicolas Sarkozy Qubec sont particulirement attendues. Le prsident franais sera prsent louverture et pour la premire journe des travaux. Mais il est prvu quil quitte Qubec le samedi 18 octobre au soir, sans participer notamment la table-ronde sur la langue franaise, programme le dimanche. Ce qui ne devrait pas lempcher, souhaitons-le, de mettre en route la Francophonie offensive quil avait appele de ses vux, le 20 mars 2008, la Cit internationale universitaire de Paris. Une langue-monde pour un espace culturel dsormais multipolaire (MFI) Pour le franais lchelle internationale, la question nest plus rellement, rappelait Jean-Louis Roy lors des Septimes entretiens de la Francophonie organiss par lIframond*, de saffirmer face langlais comme on pouvait limaginer dans les annes quatre-vingt-dix. Comme le monde de la puissance, soulignait lancien secrtaire gnral de lACCT, le monde culturel est en train de devenir multipolaire. La Chine, lInde ou le Brsil ont aujourdhui les moyens dexercer une influence mondiale travers une pousse linguistique et culturelle. LInde est en train dorganiser sa diaspora. La Chine, en trois ans, a implant prs de 200 centres Confucius [ la fois centres culturels o lon peut apprendre le chinois et lieux de rencontres entre entrepreneurs locaux et chinois, ndlr] hors de ses frontires et prvoit darriver 1000 lhorizon 2015. La question est donc dsormais bien davantage de savoir si, demain, le franais sera toujours une langue-monde, aux cts de langlais mais aussi du mandarin, de lhindi ou de lespagnol Pour cela, renchrissait le mme jour Michel Guillou, directeur de lIframond, il faut que les chefs dEtat disent et reconnaissent clairement Qubec que la francophonie est une aire goculturelle qui compte . Le disent, et sengagent la construire. Nombre de pays membres, continuait Michel Guillou, nont pas fait leffort quil convenait pour son emploi linternational ni pour son enseignement. Cest suicidaire. () Il y a 200 millions de parlants franais en Francophonie pour une population totale des pays membres de quelque 800 millions dhabitants. Fixons comme objectif de doubler ce nombre dans les dix ans venir. Le dfi est pos. Sera-t-il relev ? A.P. * Septimes entretiens de la Francophonie, 13 juin 2008, Universit de Lyon-3, Institut pour ltude de la Francophonie et de la mondialisation (Iframond ) : http://iframond.univ-lyon3.fr/ | |||
Ariane Poissonnier | |||
|