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21/10/2008 | |||
Questions internationales (2) Dialoguer avec les talibans ? | |||
(MFI) Face au retour en force des talibans, certains estiment quil faut ngocier avec la gurilla islamiste, au moins avec ses lments les plus modrs, ceux partisans dun islam radical en Afghanistan mais hostiles au djihad, la guerre sainte. Reste savoir si ces talibans modrs existent vraiment, et sils auraient les moyens de rompre les liens avec Al-Qada. | |||
Encore tabou il y a quelques mois, lide dun dialogue avec les talibans est dsormais souvent voque. Le reprsentant spcial de lOnu en Afghanistan, Kai Eide, la dfend ouvertement : Une perspective uniquement militaire est voue lchec. Nous avons besoin dune perspective plus large, incluant la dimension politique, si nous voulons russir. Louverture de ngociations avec les talibans est incontournable. Si on veut obtenir des rsultats qui comptent, il faut parler ceux qui comptent. Le ministre franais des Affaires trangres Bernard Kouchner aussi sen dit partisan : Nous devons parler avec les talibans, condition den exclure les lments les plus extrmistes. Ngocions avec les talibans nationalistes, ceux qui refusent un djihad global. Robert Gates, le secrtaire amricain la Dfense, tient le mme discours : Une partie de la solution consiste rendre plus forte larme afghane, une autre partie est de se rconcilier avec les gens qui sont prts travailler avec le gouvernement afghan. Bons et mauvais talibans Lide serait de faire une distinction entre les talibans pour qui seule compte limplantation dun islam radical en Afghanistan et ceux qui sont favorables des relations avec Al Qada en vue dune guerre sainte plantaire. Les premiers sont ces talibans nationalistes dont parle Bernard Kouchner, galement appel de faon quelque peu anachronique les talibans modrs . Un islam radical en Afghanistan sans le terrorisme international. Un moyen pour les pays occidentaux de se protger, mais en abandonnant les Afghans leur sort. La perspective dsole les Ong prsentes dans le pays. Le retour des talibans au pouvoir sonnerait la fin du travail que nous menons depuis sept ans en faveur de la scolarisation des fillettes, du travail des femmes, du respect des droits humains, de limplantation dun embryon de dmocratie locale , sinquite Sarah Hattaway, directrice Kaboul de lOng britannique Oxfam, dans The Guardian. Pour Michael OHanlon, spcialiste des questions militaires la Brookings Institution (Washington) : Les talibans modrs, cela nexiste pas. Les deux termes sont contradictoires. En outre, comment distinguer avec certitude ceux qui refusent le terrorisme de ceux qui y sont favorables ? Cest impossible. Il faut peut-tre ngocier avec les talibans, mais cest un aveu dimpuissance et dchec de la communaut internationale. Appliquer la mthode irakienne en Afghanistan Ancien chef des troupes de la coalition en Irak, aujourdhui la tte du CentCom, le commandement central amricain qui supervise notamment les oprations militaires en Irak et en Afghanistan, le gnral David Petraeus veut appliquer Kaboul les mthodes qui ont fait baisser la violence Bagdad : former une arme nationale forte, sappuyer sur les familles et les clans opposs la violence quelles que soient leur conception de lislam, protger en permanence les zones libres de manire couper la gurilla islamiste de la population et reconstruire les infrastructures de ces zones afin de gagner les curs des habitants . Il nest pas certain cependant que la mthode applique en Irak soit transposable en Afghanistan. Dans lancienne Msopotamie, le gnral David Petraeus a profit de la rvolte des tribus sunnites contre la violence aveugle dAl-Qada. En outre, en Irak, larme tait dj structure, la population bien duque, les infrastructures (routes, lectricit, tlcommunication) en relativement bon tat et la guerre rcente. Rien de tout cela en Afghanistan qui na jamais connu un Etat central fort, o la guerre svit depuis loccupation sovitique en 1979, o la population est largement analphabte, le sous-dveloppement chronique et dont larme nationale peine se constituer. LAfghanistan a toujours t un pays de clans, trs traditionnel. Loffre dHamid Karza Le prsident Hamid Karza, lui, a dpass lide dun dialogue avec les seuls talibans modrs. Le 30 septembre dernier, il a sollicit la mdiation de lArabie saoudite pour engager des ngociations avec le mollah Omar, le chef suprme des talibans, afin que ce dernier revienne en Afghanistan pour participer la reconstruction du pays . Un aveu de faiblesse de la part dHamid Karza qui nenvisage plus la stabilisation du pays sans partager le pouvoir avec ses ennemis. Cette initiative du prsident afghan, lui-mme chef dune grande famille pachtoune et proche des Etats-Unis, na gure t du got de ses allis occidentaux. Proche dOussama Ben Laden, le mollah Omar en effet a toujours approuv un djihad plantaire ; jamais il na condamn le terrorisme. A ce jour, le mollah Omar a oppos une fin de non-recevoir loffre dHamid Karza. Pour lui, pas question de ngocier avec le gouvernement afghan tant que les soldats de lOtan sont prsents dans le pays. Il sait trs bien que larme afghane seule, mal arme et peu motive, ne tiendrait pas deux jours face aux 20 000 combattants talibans. A en croire le journaliste pakistanais Ahmed Rashid, le meilleur connaisseur du mouvement taliban : Il nest pas impossible que des premiers contacts aient dj t pris entre lOtan et les talibans. La recrudescence actuelle des combats a certainement une dimension politique et stratgique. Il sagit pour chacun de se placer en position de force avant des ngociations qui auront lieu aprs llection prsidentielle amricaine. Et dajouter : Le problme est de savoir quoi ngocier. Une participation au gouvernement en change de larrt des relations avec Al-Qada ? Personne ne peut y croire. De mme, comment sparer le bon grain de livraie, les talibans soi-disant modrs des partisans du djihad ? Cest impossible. Pour les Occidentaux, cest la quadrature du cercle. Ils ne peuvent pas ignorer les talibans, non seulement parce que ces derniers marquent des points militairement, mais aussi parce quils existent sur la scne politique afghane. Mais en mme temps, il leur est difficile de favoriser le retour au pouvoir dun tel rgime, et impossible de leur faire confiance quant une rupture des liens avec Al-Qada. | |||
Jean Piel | |||
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