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MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

28/10/2008
Questions internationales (2)
Dsaccords sur les programmes


(MFI) Au-del de leurs diffrences dge et de personnalit, Barack Obama et John McCain dfendent des ides souvent opposes, particulirement en politique trangre et en conomie. Leurs points de vue se rapprochent parfois sur les questions de socit, comme la peine de mort ou limmigration. Une lection ne se joue cependant pas que sur un programme, mais aussi sur une image.

Multilatralisme contre dmonstration de force

En politique trangre, Barack Obama a toujours t oppos la guerre en Irak. Il assure que, ds son entre en fonction, il amorcera le retrait par tape du contingent amricain. En 2002, il avait dclar : Je sais quune invasion de lIrak sans raison claire et sans solide soutien international ne fera que jeter de lhuile sur le feu au Moyen-Orient, encouragera les pires tendances dans le monde arabe et renforcera Al-Qada. Plutt visionnaire pour un homme dont les adversaires moquent linexprience diplomatique. Mais si le candidat dmocrate veut voir les GIs quitter lIrak, cest pour mieux les redployer en Afghanistan. Comme il la crit dans le Washington Post : La ligne de front de la guerre contre le terrorisme nest pas lIrak et ne la jamais t. La plus grande menace se trouve dans les rgions tribales du Pakistan. Al-Qada bnficie l dun sanctuaire, et les talibans se renforcent en Afghanistan. Si un nouvel attentat devait frapper les Etats-Unis, cest de l quil serait organis. Or, nous y avons cinq fois moins de soldats quen Irak. Nous ne pouvons pas terminer le travail contre le terrorisme car George Bush nous a entrans dans une guerre en Irak sous des motifs trompeurs. Voulant montrer que la perspective dun conflit ne linquite pas, Barack Obama se dit prt bombarder les zones tribales pakistanaises sans laccord dIslamabad.
Dune manire gnrale, le snateur de lIllinois est un dfenseur du multilatralisme. Il se dit prt dialoguer sans conditions avec les ennemis de lOncle Sam, de lIran la Core du Nord en passant par Cuba et le Venezuela. Poser des conditions donne penser que les Etats-Unis sont une puissance suprieure et que les autres Etats doivent accder nos demandes pour que nous daignions les rencontrer. Cela renforce limage darrogance des Etats-Unis, ce qui porte atteinte notre scurit. Cest le credo de Barack Obama : la meilleure garantie de scurit des Etats-Unis passe par lamlioration de leur image dans le monde. Un avis que partage le politologue Andrew Sullivan : Imaginez un jeune Pakistanais musulman qui dcouvre que le nouveau prsident des Etats-Unis est un mtis, qui a frquent une cole musulmane, travaill dans des quartiers pauvres. Cet homme ne peut pas tre un ennemi. Llection de Barack Obama la Maison blanche devrait faciliter les relations de Washington avec le reste du monde, que ce soit lEurope ou les pays en dveloppement. Comme il la dclar lors de sa visite Berlin : Notre gnration doit laisser sa marque dans lHistoire. Face au terrorisme, au rchauffement climatique, la drogue, la prolifration nuclaire, nous ne pouvons pas nous permettre dtre diviss. Le XXIe sicle sest ouvert sur un monde plus interdpendant que jamais. Les murs entre les races et les tribus, entre les indignes et les immigrants, entre chrtiens, musulmans et juifs ne peuvent pas rester debout.
John McCain a plus dexprience en politique trangre et il ironise rgulirement sur la navet de son adversaire. Lancien militaire, hros de la guerre du Vietnam, dfend sa rputation de conservateur favorable la manire forte, hraut dune nation judo-chrtienne en butte lislamo-fascisme . Son programme de politique trangre fait valoir le ncessaire leadership amricain qui doit sexercer contre tous les imprialismes. Cest pourquoi il refuse de dialoguer avec les Etats-voyous , dans lesquels il classe Cuba et le Venezuela. Cest aussi pourquoi il veut exclure la Russie du G8. Cest enfin pourquoi il est favorable la poursuite de la guerre en Irak : Les Etats-Unis resteront cent ans, sil le faut, en Irak. Le snateur de lArizona propose de renforcer le contingent amricain pour aller jusqu la victoire, quil envisage vers 2013. Celui qui se prsente comme le champion du patriotisme soutient que si les troupes amricaines quittent lIrak, le pays sera transform en havre terroriste au cur du Proche-Orient ; une guerre civile pourrait dboucher sur un conflit rgional, voire un gnocide. LIran dominera la rgion . Nanmoins, John McCain nentend pas apparatre comme lhritier de George Bush. Lui et Barack Obama partagent le mme point de vue sur plusieurs dossiers : la fermeture de Guantanamo, linterdiction de la torture, la hausse de laide aux pays en dveloppement ( lAfrique en particulier), la poursuite de relations privilgies avec Isral.
Pour se renforcer en politique trangre, Barack Obama a choisi comme colistier Joseph Biden, un spcialiste reconnu de la matire, prsident de la commission des Affaires trangres du Snat. Nanmoins, il ne faut pas sattendre un bouleversement de la diplomatie amricaine aprs le 4 novembre. Comme le rappelle Justin Vaisse, chercheur la Brookings Institution : Peu importe quun candidat apparaisse comme un faucon et lautre, ouvert sur le monde. Les discours ont pour but de se faire lire et une politique trangre nest jamais arrte lors dune campagne lectorale. Tout dpendra des vnements et des enjeux qui surviendront, une fois le prsident lu.



Des visions de lconomie malmenes par la crise financire

Les deux candidats ont une conception librale de lconomie. Ils font confiance aux rgles du march et linitiative individuelle. Ils sont en cela les reflets dune Amrique o, traditionnellement, lEtat intervient moins quen Europe. La diffrence entre leurs programmes repose sur leur conception de la fiscalit et du niveau daide sociale que lEtat doit consentir.
Barack Obama propose une rforme du systme de sant qui impose une assurance universelle pour tous les enfants. Pour les adultes, la couverture mdicale sera ngocie au niveau de chaque Etat. Aujourdhui, 80 millions dAmricains ne disposent daucune assurance-maladie. Il prconise aussi une hausse du salaire minimum, index sur linflation. En matire fiscale, le candidat dmocrate est favorable une baisse massive voire la suppression des impts pour les classes moyennes. Pour lutter contre le ralentissement de lconomie, il propose le recours au crdit dimpt afin de favoriser la consommation des mnages les plus modestes, ainsi quune politique de grands travaux hauteur de 50 milliards de dollars, finance par le retrait des soldats dIrak. Face la crise financire, le snateur de lIllinois est favorable linjection massive de fonds publics dans les banques. Il estime aussi que lEtat doit dsormais davantage rguler les marchs. Barack Obama a une conception keynsienne de lconomie : la relance par la consommation, les grands travaux. Il met aussi laccent sur lquit de la croissance. Par contre, le financement de son programme reste assez flou. Or les Etats-Unis sont dj trs endetts , souligne lconomiste Benjamin Carton, dans LExpress.
Comme tout rpublicain, John McCain veut toujours moins dEtat dans lconomie. Il estime que lEtat doit allger son train de vie et prne la rduction des aides sociales, notamment lindemnisation-chmage et lassurance-maladie. Comme Barack Obama, il est favorable une baisse des impts pour relancer lconomie. Mais la diffrence de son adversaire dmocrate, il mise sur les plus riches et les entreprises, principaux bnficiaires de son programme, pour servir de locomotives la croissance amricaine , explique Benjamin Carton. John McCain est fidle la tradition individualiste amricaine qui veut que chacun russisse en fonction de ses mrites et de ses efforts. Les gens qui travaillent nont pas payer pour ceux qui ne travaillent pas. Cependant, John McCain nest pas un jusquau-boutiste. Ainsi, il a dfendu une loi contre les niches fiscales en faveur des plus riches et estime que les entreprises doivent rvler leurs actionnaires le cot des stock-options. De mme est-il oppos aux parachutes dors. Comme lcrit The Economist : John McCain a le mrite dtre fidle lui-mme, de respecter sa logique. Il nest pas par principe pour les riches et contre les pauvres, mais il dfend une gestion stricte de largent public et des entreprises. Lactuelle crise financire le place en porte--faux. Il est oppos ce que lEtat injecte largent des contribuables pour sauver les banques, ce quil qualifie de socialisme financier . Mais il sait aussi les lecteurs trs inquiets par cette crise, provoque selon eux par un libralisme tout-va. La crise financire favorise donc plutt Barack Obama. Ce dernier, en outre, a su sentourer dune quipe dconomistes de renom, pour la plupart issus de ladministration Clinton. Alors que John McCain ne dispose pas ses cts de pointures mme de rassurer. Quel que soit son programme cependant, la marge de manuvre du prsident lu dpendra de la situation conomique du pays. Rien nincite loptimisme aujourdhui.




Un regard parfois identique sur les questions de socit

Barack Obama est favorable lavortement et au mariage homosexuel, pudiquement rebaptis contrat dunion civile dans le programme dmocrate. John McCain, lui, est oppos aux deux, mais sans vigueur excessive. Ainsi approuve-t-il lavortement en cas de viol ou de dangers graves pour la sant de la mre. Il ne partage pas le discours sur les valeurs dfendu par les protestants intgristes qui avaient loreille de George Bush. Il a mme qualifi ces derniers d agents de lintolrance et de la corruption religieuse . Le snateur de lArizona est galement partisan des recherches sur les cellules souches et il nadhre pas aux thses crationnistes. Il nest rpublicain que de nom. Il trahit lidentit rpublicaine , sest insurg Dick Dresner, un responsable de laile la plus radicale du Parti rpublicain. John McCain est inclassable politiquement. Cest un conservateur en matire conomique et diplomatique. Mais cest aussi un homme de bon sens sur nombre de sujets de socit. Il est intgre, gnreux, pince-sans-rire. Il a conserv en lui ce caractre rebelle qui lui valut bien des dboires dans sa jeunesse. Cest un Amricain traditionnel qui croit dans le travail, la famille, la patrie. Il fait passer lintrt gnral avant les intrts particuliers. Mais il sait aussi dfendre les clops de la vie, ceux qui regardent le monde diffremment , estime le journaliste politique Robert Barnes, dans The Washington Post.
Barack Obama comme John McCain sont favorables la peine de mort et la libert de port darmes. Le candidat dmocrate estime cependant que ni les mineurs ni les personnes ayant un casier judiciaire ne peuvent bnficier de ce droit. En matire dimmigration, tous deux prnent un renforcement des frontires, mais aussi une rgularisation des clandestins qui travaillent. Mais cest sur la question de la protection de lenvironnement que les deux adversaires sont le plus en accord. Les deux font de la lutte contre le rchauffement climatique une priorit, ce qui constitue une rupture totale avec George Bush. Dans ce cadre, ils entendent dvelopper les nergies renouvelables, investir dans les biocarburants et relancer la construction de centrales nuclaires. Aucun des deux cependant ne parle de limiter les missions de gaz effet de serre des entreprises.
Au-del des propositions lectorales compte limage des candidats. Aujourdhui, Barack Obama bnficie dun capital de sympathie nettement suprieur celui de John McCain qui souffre du dsamour des Amricains pour ladministration Bush. Si Barack Obama est lu, il prendra ses fonctions en janvier 2009, soit au moment du bicentenaire de la naissance dAbraham Lincoln, le prsident qui abrogea lesclavage. Tout un symbole.


Jean Piel

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