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16/12/2008 | |||
Questions internationales (1) Le Vatican : Un Etat au service dune religion | |||
(MFI) La religion catholique est la seule disposer de son propre Etat : Le Vatican. Etat indpendant et sujet de droit international, il est toutefois diffrent des autres par sa petite taille, par son organisation... Sa mission : garantir la libert de culte des catholiques travers le monde. Paralllement, le pape est le chef suprme de lEglise. Mais son gouvernement, la Curie romaine, est souvent trs critiqu. | |||
Le Vatican est-il un Etat comme un autre ? Evidemment non. Le plus petit Etat du monde, situ au cur de Rome, stend seulement sur 44 hectares ; ses 824 habitants sont tous catholiques et 90 % dentre eux sont des hommes. Les rares femmes sont des religieuses ou les pouses des gardes suisses, larme charge de la protection du pape (voir article ci-aprs). Croissance dmographique naturelle, nulle ; esprance de vie, non prcise. Le Vatican nest pas membre de lUnion europenne, mais sa monnaie est leuro. LEtat est indpendant, mais il nexiste pas de nationalit vaticane. Tout au plus y a-t-il une citoyennet. Sans perdre sa nationalit dorigine, on devient citoyen du Vatican quand on exerce une fonction sur place, citoyennet que lon perd ds que celle-ci prend fin. Le Vatican compte nanmoins quatre langues officielles : litalien (la langue vhiculaire), le latin (pour les textes officiels), lallemand (pour les gardes suisses) et le franais (pour la diplomatie). Originalit institutionnelle, il sagit dune monarchie lective : le chef de lEtat est lu, mais il rgne vie. Ces traits tiennent videmment au fait que le Vatican est un Etat thocratique, la reprsentation temporelle du Saint-Sige qui, lui, incarne lensemble des institutions catholiques. La diffrence entre les deux est subtile : le Vatican est le cadre gographique alors que le Saint-Sige est lexpression dune souverainet divine sur lensemble des catholiques. Cest le Saint-Sige qui est sujet de droit international et observateur lOnu ; on est ambassadeur prs du Saint-Sige, non auprs du Vatican. Le pape est ainsi un souverain de droit absolu et divin, concentrant entre ses mains les trois pouvoirs : excutif, lgislatif et judiciaire. Une situation particulire ne des accords de Latran, conclus entre lItalie et le Saint-Sige en 1929, qui visent garantir lindpendance et la libert spirituelle des catholiques. Ces accords confrent une dimension tatique une confession religieuse, lui permettant dagir directement sur la scne internationale. Le pape dlgue la gestion de la Cit du Vatican un gouverneur qui est toujours un cardinal et presque toujours un Italien - actuellement Mgr Giovanni Lajolo. Celui-ci est en charge de ladministration, des finances, de la scurit du Vatican en tant quentit gographique. Il nincarne pas le gouvernement de lEglise catholique, assum, lui, par la Curie romaine. Si 824 personnes rsident au Vatican, environ 2 600 y travaillent : religieux ou lacs ; au service de lEglise ou simple policier, gardien de muse, peintre, plombier, mdecin, journaliste, informaticien, agent dentretien, commerant, tous doivent jurer - sur la Croix et la main sur la Bible - de garder le silence sur leurs activits. Entre les dons au pape, les millions de visiteurs place Saint-Pierre, la vente de timbres et de mdailles, des placements boursiers par une banque trs secrte et un patrimoine immobilier et culturel exceptionnel, lEglise catholique est immensment riche, mme si une part de fantasmes entoure le sujet. Le Vatican a cependant connu, en 2007, un dficit budgtaire de 9,1 millions deuros, d notamment la baisse du dollar, monnaie dans laquelle est libell lessentiel des dons, alors que ses dpenses sont exprimes en euros. La Cit papale peut se vanter dtre le premier Etat cologiquement neutre : il compense intgralement ses missions de CO2 grce ses 15 hectares darbres plants et ses 5 000 m de panneaux solaires installs sur ses toits. Quelque 20 % de sa consommation provient dnergies renouvelables. Quelle est linfluence du Vatican ? Le Vatican, combien de divisions ? aimait ironiser Staline. Le pouvoir de lEglise ne provient videmment ni de son arme ni de la richesse en hydrocarbures de son territoire. Comme le confiait le cardinal Paul Poupard au magazine LExpress : Le pouvoir du Vatican, cest son autorit morale. Sa parole est la seule tre entendue partout dans le monde. Le pape rgne sur les 824 habitants du Vatican, mais son autorit stend sur les 1,1 milliard de catholiques de la plante. A la fois chef dEtat et dignitaire religieux, Benot XVI dispose dun immense rseau de renseignements : les nonces apostoliques (ambassadeurs du Vatican) sont en poste dans 172 pays ; la trentaine dobservateurs auprs de diffrentes institutions internationales, de lOnu la Banque mondiale en passant par lAgence internationale de lnergie atomique ; les centaines de milliers dvques, de prtres, de moines, de missionnaires, de membres dOng caritatives Sans oublier les reprsentants des organisations catholiques, des progressistes comme Sant Egidio aux traditionnalistes comme lOpus Dei. Toutes ces personnes font remonter des informations au Saint-Sige, mais sont aussi les relais de la papaut. Nous disposons dun observatoire exceptionnel. Mme lOnu ne possde pas ainsi de relais partout dans le monde. Bien des gouvernements nous envient , reconnat, dans lhebdomadaire La Vie, Mgr Pietro Parolin, le sous-secrtaire pour les relations avec les Etats. Outre les discours du pape la tribune de lOnu ou encore les dmarches officielles des nonces auprs des Etats, lEglise catholique emploie aussi des mdiateurs - plus ou moins secrets. Ctait le cas du cardinal Roger Etchegaray qui multiplia les missions de bons offices en Afrique, dans les Balkans, Cuba, en Chine... En mars 2003, il sentretenait ainsi avec Saddam Hussein la veille de linvasion amricaine en Irak. LEglise catholique est le lobby le mieux organis. Ds que nous discutons de sujets sensibles comme les droits des homosexuels ou les cellules souches, les dputs sont inonds de mails de groupes catholiques , explique dans LExpress Marcel Conradt, assistant dun eurodput. Pour ne pas donner limpression de singrer dans les affaires intrieures dun pays, le Vatican laisse souvent les Eglises locales agir sa place. Nous ne faisons pas de politique, nous dfendons nos valeurs. La finalit de la diplomatie vaticane nest pas idologique, mais thique. Nous dfendons la paix, les droits de lhomme, la justice, pour le salut de lhumanit , insiste Mgr Pietro Parolin. Un de ses combats est aussi la dfense des catholiques opprims. Dans un autre registre, en 2005, larchevque de Teguciagalpa (Honduras), paul par plusieurs vques indiens, se lana, avec laval du Vatican, dans une campagne pour lannulation de la dette des pays les moins avancs. Les prlats frapprent la porte de tous les chefs dEtat du G8 et firent pression sur ladministration Bush. Avec succs puisque lardoise fut efface. Toutes les missions ne connaissent certes pas le mme succs. Et toutes ne sont pas aussi gnreuses : en 2004, lEglise avait appel les catholiques amricains ne pas voter pour le dmocrate John Kerry, favorable lavortement. Comment est organis le gouvernement de lEglise catholique ? Les puristes diront que le terme de gouvernement est impropre. Nanmoins, cest ainsi quon surnomme la Curie romaine. Une organisation complexe et hirarchise avec sa tte un secrtaire dEtat, vritable Premier ministre de lEglise catholique, qui dirige toute ladministration des hritiers de Saint-Pierre. Lactuel titulaire du poste est le cardinal Tarcisio Bertone, un Italien proche de Benot XVI. Ses deux plus proches collaborateurs sont le secrtaire aux Affaires gnrales (quivalent dun ministre de lIntrieur) et le secrtaire aux relations avec les Etats (ministre des Affaires trangres), respectivement lArgentin Mgr Leonardo Sandri et le Franais Mgr Dominique Mamberti. Puis viennent les dicastres, comparables des ministres. Les neufs principaux sont des congrgations qui ont leur tte un prfet ayant rang de cardinal : congrgations pour la Doctrine de la foi, pour lEvanglisation des peuples, pour les Instituts de vie religieuse... Les autres, moins importants, sont appels conseils pontificaux. Ils sont dirigs par un prsident ayant rang de cardinal ou darchevque : Conseils pour la famille, le Dialogue interreligieux, Justice et paix... La Curie romaine concentre de vives critiques. Mme si lEglise catholique na jamais prtendu tre une dmocratie, on reproche la Curie sa hirarchie excessive, son got du pouvoir, ses effectifs plthoriques, sa lourdeur bureaucratique. Les rumeurs sont nombreuses sur les intrigues qui se nouent dans les couloirs feutrs du Vatican, les guerres dinfluence, le clientlisme, le carririsme sans scrupule de certains de ses membres bien loin de la morale professe par lEglise. La centralisation du pouvoir est aussi dnonce. Prtres et vques, en contact quotidien avec les fidles, se plaignent de ce gouvernement qui ncoute pas les glises locales. Il est oppos toute volution, coup des ralits, sourd aux rformes sur des sujets de socit comme le divorce, la gntique ou les familles recomposes Pour certains, cette rigidit expliquerait la crise des vocations et le divorce entre des socits qui se libralisent et une Eglise catholique reste trs traditionnelle. Le concile Vatican II avait voulu rformer ce mode de fonctionnement, et notamment donner plus de pouvoir au Synode, lassemble des vques, une sorte de Parlement de lEglise, qui se runit rarement et reste une chambre denregistrement des dcisions de la Curie romaine. Mais lide est reste lettre morte. Benot XVI pourra-t-il faire voluer la Curie romaine ? Au lendemain de son lection, le 19 avril 2005, le pape Benot XVI avait manifest son intention de simplifier le gouvernement de lEglise, non seulement pour faire taire les critiques sur la centralisation excessive du pouvoir, mais aussi pour favoriser le dialogue interreligieux. Jean-Paul II voyageait beaucoup, simposait dans les mdias, recevait de nombreuses dlgations. La Curie en a profit pour renforcer son pouvoir et gagner une autonomie croissante. Cela dautant plus facilement que dans les dernires annes de son pontificat, Jean-Paul II tait malade et affaibli. Benot XVI, davantage thologien que politique, homme discret, est favorable un exercice minimal du pouvoir papal. Il a dj rduit le nombre de ses audiences quil accorde des chefs dEtat, jamais des chefs de gouvernement, et limit ses dplacements ltranger. Mais Joseph Ratzinger nchappe pas aux luttes de clans et la lourdeur de la Curie. Il lui a fallu deux ans pour installer ses hommes et initier ses premires rformes. Des rformes qui passent par un allgement de la Curie. Le nombre de scrittori (secrtaires) et de minutanti (rdacteurs) a t rduit. Plusieurs conseils pontificaux ont fusionn : ceux du Dialogue inter-religieux et de la Culture, ainsi que le conseil Justice et paix avec celui des Migrants. Des congrgations pourraient subir le mme sort : celles du Clerg, des Instituts religieux et de lEducation catholique pourraient ne plus faire quun seul dicastre. Les rformes voulues par Benot XVI passent aussi par une internationalisation de la Curie, jusque l domine par les Italiens et les Polonais. Dans lquipe qui entoure le Saint-Pre, on trouve dsormais deux Italiens (le secrtaire dEtat, Tarcisio Bertone, et le directeur de la communication, Frederico Lombardi), un Franais (le ministre des Affaires trangres , Dominique Mamberti), un Argentin (le ministre de lIntrieur , Leonardo Sandri), un Amricain (le prfet de la congrgation pour la Doctrine de la foi, William Levada), un Brsilien (le prfet de la congrgation du Clerg, Claudio Hummes) et un Indien (le prfet de la congrgation pour lEvanglisation des peuple, Ivan Dias). Les prtres et les vques de terrain , qui reprochent la Curie dtre trop loigne des ralits de la vie quotidienne, ont apprci la promotion dhommes de paroisses et non de hauts-fonctionnaires du Vatican. Tarcisio Bertone tait archevque de Gnes, William Levada de San Francisco, Ivan Dias de Bombay. Quant Mgr Claudio Hummes, proche du prsident Lula, il est surnomm au Brsil lvque des travailleurs et Mgr Dominique Mamberti a longtemps travaill en Afrique. Benot XVI donne ainsi, par petites touches, un nouveau style au gouvernement de lEglise., Pour rapprocher lEglise den haut et lEglise den bas, il faudrait certes accorder plus dautonomie et de pouvoir aux Eglises des diffrents pays. Ce nest pas encore le cas, mais le pontificat de Joseph Ratzinger ne fait que commencer. Malgr la prsence de Mgr Hummes, ces rformes ne sont pas non plus synonymes de moins de conservatisme. Benot XVI nest pas rput pour son progressisme et a nomm plusieurs postes de la Curie des membres des mouvements les plus traditionnalistes, comme lOpus Dei ou les Lgionnaires du Christ. | |||
Jean Piel | |||
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