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06/01/2009
Questions internationales (2)
Pascal Boniface : Si la croissance venait trop faiblir, les autorits chinoises pourraient faire face une crise de lgitimit


(MFI) Pascal Boniface est directeur de lInstitut de relations internationales et stratgiques (IRIS). Il souligne ici laspect difficilement prvisible de lvolution en Afghanistan en 2009. Et insiste sur les possibles retombes sociales et politiques de la crise conomique en Chine.

MFI : Le conflit en Afghanistan senvenime. En Inde, Bombay a t frapp par des attentats attribus des groupes islamistes pakistanais. Ne pensez-vous pas quen 2009, le principal foyer dinstabilit viendra de cette partie du monde ?

Pascal Boniface : Cette rgion est sans aucun doute plus problmatique que lIrak. La partie qui se joue en Afghanistan est bien plus incertaine que celle qui se joue Bagdad. La guerre nest pas finie dans lancienne Msopotamie, mais on peut imaginer, sans crainte de trop se tromper, les grandes lignes du futur. A contrario, lavenir en Afghanistan est difficilement prvisible, et il nest pas impossible que les Occidentaux subissent encore de mauvaises surprises dans ce pays.
Une partie de la solution du conflit afghan se trouve au Pakistan. Le prsident Asif Ali Zardari se prsente comme lalli des Etats-Unis. Cest certainement un avantage au plan international, beaucoup moins au plan national vue lhostilit de la population pakistanaise lencontre de Washington. La lgitimit dAsif Ali Zardari pose aussi question ; il a t emprisonn pour corruption, il doit largement son lection au fait dtre le veuf de Benazir Bhutto. Cette moindre lgitimit fragilise son pouvoir et sa capacit daction.

MFI : Au Venezuela, Hugo Chavez semble voir sa popularit dcliner. Ne pourrait-il pas profiter des scrutins qui doivent avoir lieu dans quatre pays sud-amricains cette anne pour, nouveau, essayer de simposer comme le leader rgional ?

P. B. : Il ny aurait pas intrt. Lexemple du Prou montre que, lorsquil sinvestit trop dans une lection, il fait perdre le candidat quil soutient. Les lecteurs latino-amricains nacceptent pas plus les ingrences dHugo Chavez que celles des Etats-Unis. Ils ne dterminent pas leur vote en fonction de ce que dit un leader tranger, mais en fonction de ce quils pensent eux-mmes. Plus Hugo Chavez interviendra dans les affaires politiques de pays voisins, plus il suscitera la mfiance son encontre. En est-il conscient ? Saura-t-il rsister la tentation de la provocation ? Ce nest pas certain.

MFI : La crise conomique et financire que traverse la plante pourrait-elle avoir des consquences politiques ?

P. B. : Cest peu probable. Cette crise nest pas aussi profonde que celle de 1929 ; il ne faut donc pas imaginer larrive au pouvoir de rgimes totalitaires, dautant quil existe aujourdhui des garde-fous qui nexistaient pas lpoque.
La crise conomique aura peut-tre des consquences en termes de dsaffection des citoyens pour la classe politique, de divorce croissant entre la population et les lites. La confiance des lecteurs envers le systme pourrait tre mise mal, alors quelle est dj mince. Le sentiment se gnralise que ce sont les citoyens lambda qui paient pour les erreurs des dirigeants, lesquels dirigeants ne se soucieraient gure du sort de leurs administrs. Les lites gardent pour eux les profits lorsquils existent, mais exigent que les pertes soient partages. Que ce sentiment ait des consquences politiques, cest beaucoup moins sr. Une certaine vigilance simpose nanmoins. Les meutes que la Grce a connues au mois de dcembre 2008 peuvent tre interprtes comme un premier avertissement, mme si le contexte politique grec est spcifique. Mais la dfiance de la jeunesse envers les dirigeants, linquitude face lavenir, sont des donnes que lon retrouve Athnes comme partout en Europe. On ne peut donc pas exclure un effet contagion dans les prochains mois.

MFI : Cette crise conomique ne pourrait-elle pas avoir des consquences politiques en Chine ?

P. B. : Ce nest pas impossible, et il sagit l dune menace bien plus tangible pour Pkin que la crise tibtaine. Pour les dirigeants chinois, le Tibet ne constitue un problme quen termes dimage de la Chine dans le monde. Sinon, les Chinois sont peu nombreux contester lappartenance de la province himalayenne leur pays, et le dala-lama nest gure populaire dans lEmpire du Milieu.
Par contre, le gouvernement chinois achte la paix sociale grce la croissance conomique ; il achte la non-satisfaction des besoins des citoyens par la satisfaction des besoins de consommateurs. Si la croissance venait trop faiblir, les autorits chinoises pourraient faire face une crise de lgitimit, cette dernire ne venant que des performances conomiques du pays.

MFI : Selon vous, 2008 a plutt t une bonne anne pour les relations internationales ?

P. B. : Il y a rarement eu de bonnes annes en relations internationales depuis le dbut de ce sicle. Mais il y a eu des annes pires que 2008. Si lon doit faire un bilan, llection de Barack Obama donne plus de facteurs despoir que de facteurs de crainte pour les mois venir. De faon trs image, on pourrait dire que la victoire du candidat dmocrate est comme un sourire sur les relations internationales. Mais 2008 a aussi eu son lot de mauvaises nouvelles, notamment au Proche-Orient et en Asie. On ne peut pas non plus oublier la crise arme entre la Gorgie et la Russie. Comme 2007 stait achev par lassassinat de Benazir Bhutto au Pakistan, 2008 se termine par les attentats de Bombay, des meutes en Grce et loffensive isralienne contre la bande de Gaza. Autant dlments lourds dinterrogations pour lavenir.
Est-ce que llection de Barack Obama rpondra toutes les attentes places dans le nouveau prsident amricain ? Il est trop tt pour le dire. Imaginons nanmoins un scnario extrmement optimiste : Tzipi Livni remporte les lections en Isral et, avec le soutien de Barack Obama, sattaque srieusement la question palestinienne. On peut alors imaginer les prmices dun accord de paix qui soit acceptable pour tous les acteurs. Dans un tel cas, on aura priv Al-Qaeda dune grande partie de son argumentation. Le cours de lHistoire sen trouvera chang et la plante sera plus sure. Si on ajoute que le nouveau prsident amricain engage un vrai dialogue avec lIran qui conduise un assouplissement du rgime de Thran et un apaisement des relations de celui-ci avec ses voisins, alors tous les espoirs seront permis. Mais il ne sagit l que dhypothses. Malheureusement, en relations internationales, les catastrophes annonces se ralisent souvent alors que les espoirs senvolent gnralement face au choc de la ralit.


Propos recueillis par Jean Piel

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