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06/01/2009
Questions internationales (1)
Pascal Boniface : « En 2009 encore, la résolution du conflit israélo-palestinien devra rester la priorité »


(MFI) Pascal Boniface est directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Selon lui, l’élection de Barack Obama permet d’espérer des relations moins conflictuelles entre les Etats-Unis et le reste du monde. Même si le nouveau président américain a pour mission de défendre les intérêts de son pays et non des autres. Mais pour assurer une plus grande stabilité de la planète, la priorité reste la résolution du conflit israélo-palestinien.


MFI : Barack Obama sera investi le 20 janvier. Peut-on attendre du nouveau président américain de réels changements en politique étrangère ?

Pascal Boniface : La première mission de Barack Obama est presque remplie du seul fait de son élection, à savoir réconcilier les Etats-Unis avec le reste du monde. Il doit redorer l’image du pays, extrêmement dégradée par la présidence de George Bush. Sa victoire électorale, le 4 novembre, a été accueillie avec satisfaction presque partout dans le monde ; c’est une première étape, qu’il reste à concrétiser par une politique.
Mais, aussi populaire soit-il, Barack Obama ne peut pas faire de miracles. Les taches qui l’attendent – tant au plan économique que diplomatique – sont très lourdes. Je pense à la situation en Afghanistan, au départ des troupes américaines d’Irak, au conflit du Proche-Orient, aux relations indo-pakistanaises… Les difficultés sont énormes, et la grâce de son élection ne permettra pas de les résoudre comme par enchantement. En outre, il ne faut pas oublier que Barack Obama a été élu président des Etats-Unis, pas des Nations unies. Son rôle sera de défendre les intérêts américains, pas ceux des autres pays. Certes, il peut avoir une vision des intérêts des Etats-Unis qui ne soit pas en conflit avec les attentes des autres nations. On peut même raisonnablement penser que Barack Obama aura une vision moins agressive de la défense des intérêts américains que ne l’avait George Bush.
Reste que la diplomatie d’un pays, a fortiori celle des Etats-Unis, ne peut pas être radicalement transformée du jour au lendemain. L’unilatéralisme que l’on reproche à la politique étrangère américaine a certes été aggravé par George Bush, mais n’a pas été créé par lui. Ceux qui s’attendent à ce que Barack Obama défende les intérêts de tous et de chacun, et non les intérêts américains, seront déçus. Il défendra avant tout son pays ; c’est pour cela qu’il a été élu et c’est légitime. On peut, par contre, espérer qu’il aura une vision moins étroite des affaires du monde que son prédécesseur.

MFI : Il ne faut donc pas s’attendre à l’émergence d’un monde multipolaire après l’investiture de Barack Obama ?

P. B. : Un monde multipolaire ne se décrète pas. C’est l’évolution des rapports de force entre les Etats qui, éventuellement, peut aboutir à l’émergence d’un monde multipolaire. Ces dernières années, on assiste à une montée en puissance de la Russie, de la Chine, de plusieurs pays du Sud. Il y a incontestablement une redistribution des cartes au plan géopolitique. Mais c’est une évolution lente et il ne faut pas se bercer d’illusions : les Etats-Unis sont la première puissance mondiale, et le resteront longtemps.
Ce que l’on est en droit d’espérer, par contre, c’est une gestion des affaires de la planète davantage multilatérale. Tout en restant la première puissance mondiale, les Etats-Unis peuvent choisir d’adopter une diplomatie plus respectueuse des intérêts et des attentes des autres pays. Davantage tenir compte des opinions des autres capitales est d’ailleurs, pour les Etats-Unis, le meilleur moyen de conforter leur leadership.


MFI : Des élections législatives auront lieu en février en Israël. Peut-on attendre de ce scrutin une résolution du conflit israélo-palestinien ?

P. B. : La certitude est qu’en 2009 encore, la résolution du conflit israélo-palestinien devra rester la priorité. De ce dossier dépend la solution de beaucoup d’autres au Proche-Orient. C’est sur ce sujet que des progrès doivent être obtenus le plus rapidement possible.
Quant aux élections législatives en Israël, deux scénarii sont envisageables. Si le Likoud – qui s’est nettement droitisé ces derniers temps – remporte le scrutin, c’en est fini pour longtemps de toute perspective d’avancée sur le dossier palestinien. Par contre, si l’actuelle ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, s’impose et renforce ainsi sa légitimité personnelle, elle pourrait, avec le soutien de Barack Obama, relancer les négociations avec l’Autorité palestinienne. L’intérêt à long terme de l’Etat hébreu est évidemment de conclure la paix avec les Palestiniens. Le fait que Tzipi Livni vienne de la droite dure, qu’elle ait été intransigeante dans le passé, ne signifie pas qu’elle ne puisse pas faire preuve d’ouverture aujourd’hui. Ce second scénario permet d’être optimiste ; le premier l’interdit. Mais au-delà des élections israéliennes, reste la question de la division des Palestiniens entre Hamas et Fatah, qui constitue un autre facteur de blocage.

MFI : 2009 sera aussi une année électorale en Iran, alors que le pays entend avoir une influence croissante dans la région. Pensez-vous possible un assouplissement du régime de Téhéran ?

P. B. : Pour l’instant, Mahmoud Ahmadinejad semble bien parti pour conserver son poste de président de la République. Mais rien n’est encore sûr, et l’issue du scrutin dépend pour partie de Washington. Si l’on assiste à l’ouverture d’un vrai dialogue entre l’Iran et les Etats-Unis, dans lequel les Américains affichent leur fermeté contre le programme nucléaire iranien tout en montrant que leur but n’est pas de renverser le régime en place à Téhéran, alors des avancées sont possibles. Un tel dialogue en effet desservirait Mahmoud Ahmadinejad et les conservateurs, qui ont besoin d’un adversaire pour exister, qui jouent la stratégie de la tension, qui ont besoin pour être élus de s’autodésigner comme les remparts contre « l’agresseur » américain. Au demeurant, la politique étrangère provocatrice menée par George Bush a été l’une des raisons de l’élection de Mahmoud Ahmadinejad en 2005. Si la tension baissait entre Washington et Téhéran, les modérés pourraient plus facilement faire entendre leur voix à Téhéran, ce qui correspond largement aux attentes de la population iranienne, notamment de la jeunesse.
En fait, Mahmoud Ahmadinejad n’a pas personnellement intérêt à la reprise du dialogue avec les Etats-Unis, mais l’Iran en tant que pays y a intérêt. L’Iran est la puissance émergente dans la région, celle qui a le plus augmenté son influence.

MFI : 2009 devrait voir l’Irak affirmer de façon croissante sa souveraineté. C’est un facteur de stabilisation pour le Proche-Orient ?

P. B. : Certainement. Ce sera un abcès de fixation en moins, une guerre en moins. Cependant, une situation apaisée en Irak ne légitime en rien le conflit passé. Ce retour au calme ne signifie pas que la guerre a été un succès, ni que son bilan est positif. La situation sécuritaire devrait s’améliorer en 2009, mais le traumatisme de la guerre sera long à se refermer, dans les pays musulmans mais aussi aux Etats-Unis. On aura du mal à effacer des mémoires collectives les combats, les attentats, les morts, les violences inter-communautaires, le scandale de la prison d’Abou-Ghraib, les abus à Guantanamo.

Propos recueillis par Jean Piel

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