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MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

13/01/2009
Questions internationales (1)
Les dossiers de politique intrieure qui attendent Barack Obama


(MFI) Linvestiture du nouveau prsident des Etats-Unis aura lieu le 20 janvier. Relance de lconomie, gnralisation de lassurance-maladie, fermeture de Guantanamo Ce sont quelques-uns des dossiers prioritaires au plan intrieur qui attendent le nouveau locataire de la Maison-Blanche. Mais Barack Obama risque de devoir reporter certaines rformes, faute de moyens financiers.

Les huit annes de prsidence de George Bush laissent les Etats-Unis dsempars. La premire puissance mondiale souffre dune image ngative dans le monde et son conomie est en rcession ; cest des Etats-Unis quest partie la crise des subprimes. Barack Obama suscite donc un immense espoir, tant aux Etats-Unis, o il incarne un nouveau modle de socit et une nouvelle gnration en politique, que dans la plupart des pays trangers o lon espre que sa politique extrieure marquera une rupture avec celle mene par George Bush. Mais les attentes qui psent sur le 44e prsident amricain sont peut-tre trop fortes. Le charisme ne permet pas de tout rsoudre. Barack Obama nest-il pas condamn dcevoir ? , sinterroge Anthony Cordesman, chercheur au Centre dtudes stratgiques et internationales (Washington), cit par Time Magazine. Premier Noir lu la tte de lEtat, le nouveau locataire de la Maison-Blanche hrite en effet dune situation particulirement difficile. Les Etats-Unis sont engags dans deux guerres, en Irak et en Afghanistan (voir article ci-aprs). Au plan conomique, le chmage saggrave de jour en jour et la dette de lEtat avoisine les 10 000 milliards de dollars. Malgr lespoir que suscite Barack Obama, le tableau est donc sombre. Lhomme qui on a reproch de dire oui tout durant sa campagne lectorale devra dsormais faire des choix. Le risque est quaprs une premire priode volontariste, Barack Obama ne puisse raliser tous ses projets de rformes, faute de moyens financiers.

Economie : un nouveau New Deal

Si nous ne gagnons pas la bataille de lconomie, nous ne pourrons agir sur aucun autre dossier. Cest la premire des priorits , a dclar Barack Obama lors de son discours devant le Congrs, le 8 janvier. Plus que pour la diplomatie, cest pour sortir leur pays de la crise que les Amricains ont majoritairement vot pour le candidat dmocrate.
Ds le 6 dcembre, Barack Obama a prsent un plan de relance qui met laccent sur les grands travaux, linstar du New Deal adopt par le prsident Franklin Roosevelt en 1929 : rfection des routes, construction de ponts, modernisation des coles et des btiments publics Nous allons crer des millions demplois en faisant les plus gros investissements dans notre infrastructure nationale depuis la cration des autoroutes fdrales dans les annes cinquante. Nous allons rparer les btiments en mauvais tat afin de les rendre plus conomes en nergie et pargner ainsi des milliards de dollars , a promis Barack Obama. Le plan de relance prvoit aussi damliorer laccs lInternet haut dbit, lOncle Sam noccupant que le 15e rang mondial en la matire. Paralllement, les classes moyennes devraient bnficier de rductions dimpts (au moins 1 000 dollars pour 95 % des foyers), afin de relancer la consommation mais aussi rduire les ingalits qui se sont fortement accrues sous George Bush. Jentends privilgier les contribuables, les familles, les propritaires immobiliers en difficult, pas seulement les socits financires , a martel le prsident lu devant le Congrs. Sont galement prvus un allongement de la dure des indemnits-chmage, un plan spcifique pour le secteur automobile (particulirement touch par la crise et qui reprsente cinq millions demplois) et une plus stricte rgulation des marchs financiers.
Selon le Wall Street Journal, ce plan de relance devrait coter 850 milliards de dollars et crer 2,5 millions demplois. Il permettra de rinjecter rapidement dans lconomie entre 50 et 100 milliards de dollars. Les tenants de lorthodoxie financire sinquitent, rappelant que le dficit budgtaire des Etats-Unis est dj de 1 200 milliards de dollars et que la dette publique avoisine 10 000 milliards, soit 70 % du PIB. Mais le nouveau locataire de la Maison-Blanche se veut rassurant : Nous nallons pas noyer les problmes sous largent sans contrle, comme ctait lhabitude auparavant. Nous nallons pas gaspiller largent du contribuable, mais au contraire lutiliser de manire nouvelle et intelligente. Nous valuerons les progrs laune des rsultats : crations demplois, conomies dnergies, amlioration des infrastructures. Si un Etat ninvestit pas rapidement dans les routes et les ponts, il perdra ses fonds () Il ne sagit pas dun plan court terme, mais de relancer durablement la comptitivit des Etats-Unis. Cest le plus grand dfi conomique de notre temps. Barack Obama sait que les Amricains sont inquiets. Le chmage est de 7,2 % (contre 4 % il y a 18 mois), soit le plus fort taux depuis janvier 1993 ; 524 000 emplois ont t dtruits en dcembre, deux millions au cours des quatre derniers mois ; le pire rsultat en trente ans. Il fait donc peu de doute que le Congrs adoptera ce plan de relance.

Fermer Guantanamo

Les conseillers de Barack Obama souhaitent quil adopte rapidement une dcision qui symboliserait aux yeux du monde le nouveau visage des Etats-Unis : linterdiction de la torture et la fermeture de la prison de Guantanamo. Deux symboles des abus commis au nom de la lutte contre le terrorisme par ladministration Bush. Il sagit en outre dune promesse de campagne du nouveau prsident.
Situe sur une base navale amricaine Cuba, la prison de Guantanamo a vu passer prs de 800 dtenus, accuss dactions terroristes ou de liens avec Al-Qada. Environ 250 y sont toujours enferms. Mais fermer Gitmo comme les Amricains surnomment le lieu ne sera pas facile. Selon la CIA, 80 prisonniers pourraient tre librs immdiatement. Encore faut-il leur trouver un pays daccueil, car leur pays dorigine soit ne veut pas les recevoir soit reprsente une menace pour leur scurit. Cest notamment le cas des musulmans chinois ou des Ymnites, le groupe le plus important Guantanamo. Toujours selon la CIA, une centaine de dtenus devraient tre jugs dans leur pays, mais le mme problme se pose que prcdemment. Reste le cas des 75 prisonniers souponns des crimes les plus graves, qui devront tre jugs aux Etats-Unis. Mais alors, o les emprisonner ? Car si les Amricains veulent voir les planificateurs et auteurs dactions terroristes traduits en justice, ils ne souhaitent pas que ceux-ci soient dtenus prs de chez eux. Plusieurs pistes sont avances : la prison militaire de Fort Leavenworth (Kansas), celle de Charleston (Caroline du Sud), voire la construction dune aile spciale dans une prison de haute scurit.
Par ailleurs, Barack Obama a annonc quil supprimerait les tribunaux dexception chargs de juger les dtenus de Guantanamo ; des tribunaux critiqus pour leur peu de respect des droits de la dfense. Mais le nouveau locataire de la Maison-Blanche na pas prcis sil entendait les remplacer par des cours militaires ou fdrales. Le risque est que des juges scrupuleux annulent la majeure partie des procdures : des aveux obtenus sous la torture, des annes de dtention sans inculpation, aucune visite davocats Lapplication stricte du droit pourrait contraindre remettre en libert certains auteurs dattaques terroristes particulirement dangereux. Ce serait inacceptable pour les dirigeants comme pour lopinion publique , souligne le chroniqueur judiciaire de Newsweek, Dan Ephron. La certitude est que Barack Obama a demand ses collaborateurs de travailler sur la fermeture de Guantanamo. Celle-ci pourrait donc tre annonce rapidement, mais sa mise en uvre prendre plusieurs mois.

Mettre les Etats-Unis au vert

En nommant Steven Chu secrtaire lEnergie, Barack Obama a confirm limportance quil accordait lenvironnement, un thme quil a souvent dfendu pendant sa campagne lectorale. Prix Nobel de physique et premier Asiatique diriger un secrtariat fdral, Steven Chu est en effet un partisan dclar des nergies renouvelables.
Barack Obama sest engag consacrer 15 milliards de dollars par an pendant dix ans aux nergies alternatives (solaire, olien, biomasse), non seulement pour protger lenvironnement, mais aussi rduire la dpendance nergtique des Etats-Unis : Lavenir de notre conomie et de notre scurit nationale est inextricablement li un dfi : celui de lnergie. Notre dpendance au ptrole tranger freine notre conomie, finance des rgimes hostiles et nous rend tributaires de rgions instables. Pour matriser son propre destin, lAmrique doit dvelopper de nouvelles formes dnergie et de nouveaux moyens de les utiliser. Le prsident lu a galement fait de lamlioration des performances nergtiques des btiments publics un point central de son plan de relance conomique. Il a aussi promis la cration de millions demplois verts dans les prochaines annes. Dfense de lenvironnement et reprise conomique sont donc troitement lies pour Barack Obama.
Les Etats-Unis devraient dsormais participer activement aux ngociations internationales sur le climat, notamment lors de la confrence de Copenhague (en dcembre 2009) qui doit dfinir les suites donner au protocole de Kyoto. Un virage 180 par rapport la politique de George Bush. Comme la dclar Barack Obama : Peu de dfis auxquels les Etats-Unis et le monde font face sont plus urgents que de combattre le rchauffement climatique. Lorsque je prendrai mes fonctions, vous pourrez tre srs que nous nous engagerons nergiquement dans des ngociations pour une nouvelle re de coopration mondiale sur le changement climatique. Le dni nest plus une rponse acceptable. Les enjeux sont trop levs, les consquences trop graves. Lobjectif du nouveau prsident est de rduire de 80 % dici 2050 les missions de gaz effet de serre des Etats-Unis. De quoi satisfaire les mouvements cologistes et les pays europens.
Quelques ombres au tableau cependant : Barack Obama est favorable au biocarburant base de mas et colza ; il a mme vot des subventions en leur faveur. On peut craindre aussi que la crise conomique freine certains de ses projets, dautant que les lobbies industriels sorganisent dj pour chapper toutes nouvelles mesures contraignantes.

Retrouver la sant

Cest lun des dossiers rcurrents du dbat politique aux Etats-Unis : comment gnraliser lassurance-maladie et favoriser un meilleur accs aux soins ; 46 millions dAmricains ne bnficient daucune couverture en matire de sant. Des millions dautres sont mal protgs alors que les primes dassurance sont exorbitantes. La hausse du chmage va exacerber le problme, lassurance-maladie aux Etats-Unis dpendant gnralement de lemployeur.
Lors de sa campagne lectorale, Barack Obama avait voqu la cration dune caisse fdrale dassurance-sant sur le modle de celle qui couvre les fonctionnaires. Son financement serait assur par les employeurs et la fiscalit. Le choix de Tom Daschle comme secrtaire la Sant et aux Services sociaux prouve que ce projet reste dactualit. Ancien snateur du Dakota du Sud, Tom Daschle est en effet un militant de longue date dune caisse fdrale de sant. Nanmoins, lactuelle crise conomique risque dobliger ladministration Obama temporiser sur ce dossier. Seule la gratuit des soins pour les enfants pourrait tre dcide dans un premier temps. Dans un pays dont le systme de sant est le plus cher au monde, Barack Obama a galement promis la mise en place dun rseau informatique entre les hpitaux et les mdecins libraux, afin dviter des erreurs mdicales et dconomiser des milliards de dollars chaque anne .
La possible rduction des ambitions concernant lassurance-maladie, comme de celles visant imposer des normes antipollution plus strictes aux entreprises, prouve quel point la crise conomique risque de peser sur les rformes souhaites par le nouveau prsident amricain. Lors dun rcent point de presse, il le reconnaissait dailleurs : Certains choix seront difficiles. Sortir du trou dans lequel nous sommes sera long et douloureux.


Jean Piel

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